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LE CURIEUX DES ARTS

LE CURIEUX DES ARTS

Curieux des arts, observateur de l'actualité artistique. Focus sur l'Italie. Exposition. Musée. Opéra. Théâtre. Musique. Festival. Livre. Biennale. Salon. Marché de l'art. Entretien.


D’un contemporain perpétuel, Pierre Soulages – Rencontre au musée Fabre

Publié par Gilles Kraemer sur 14 Octobre 2025, 10:53am

Catégories : #Expositions France, #Livres

Gilles Kraemer

envoyé spécial

 

« Avec la lumière sont nées les couleurs. Le noir leur est antérieur. Antérieur aussi pour chacun de nous, avant de naître, "avant d’avoir vu le jour". Ces notions d’origine sont profondément enfouies en nous. Est-ce pour ces raisons que le noir nous atteint si puissamment ? » Pierre Soulages.

Pierre Soulages, Peinture 300 x 235 cm., 9 juillet 2000, in situ section L'envers du noir. Blancs et transparences © photographie Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Montpellier, musée Fabre, Soulages, 2025

2025, l'année de deux anniversaires au musée Fabre de Montpellier.

Année du bicentenaire de cette institution.

Année des 20 ans de la donation Pierre et Colette Soulages. Les Soulages offrirent vingt toiles accompagnées de la mise en dépôt de 10 œuvres, réalisées entre 1951 et 2010, faisant suite à deux expositions dédiées à l’artiste au sein du musée montpelliérain, en 1975 et à l’automne 1999, cette dernière concrétisée par l’achat de deux Outrenoirs, des 22 et 30 décembre 1996.

Le Louvre en son Salon carré, le 11 décembre 2019, lui rendra hommage pour son centenaire.

Gustave Courbet (Ornans, 1819 - La Tour de Peilz, 1877), La Rencontre ou Bonjour M. Courbet, 1854. Huile sur toile. H. 132,40 cm; l. 151 cm (sans cadre). Don Alfred Bruyas, 1868

Sous-titre de l’exposition montpellieraine : La rencontre. Dans le clin d’œil à l’un des tableaux de Gustave Courbet La Rencontre ou Bonjour Monsieur Courbet (1854), rencontre en mai 1854 entre le peintre et le collectionneur Bruyas. Dans l’œillade des nombreuses rencontres de Pierre Soulages (24 décembre 1919 – 25 octobre 2022) avec le musée Fabre qu’il visite dès février 1941.

Sainte Agathe de Francisco de Zurbarán (ca 1635-1640) à côté de Peinture 81 x 60 cm., 28 novembre 1955 de Pierre Soulages © photographie Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Montpellier, musée Fabre, Soulages, 2025.

Courbet naturellement observé, Autoportrait dit au col rayé (1854) accroché aux côtés de Rembrandt, plume et encre de la Femme malade au lit (ca 1640) & Paysage de la campagne de Rome, vue de Prato Longo (1643), plume et encre métallo-gallique de Claude Gellée dans cette exposition. Sainte Agathe de Francisco de Zurbarán (ca 1635-1640) à côté de Peinture 81 x 60 cm., 28 novembre 1955 (Fondation Gandur), Descente de Croix de Pedro Campaňa (ca 1537-1538) resté dans le parcours permanent. Ces noms ressurgissent sur les cimaises et dans l’essai du catalogue « Ombres et lumières de Pierre Soulages. Une petite histoire du clair-obscur » par Michel Hilaire, co-commissaire de l’exposition avec Maud Marron-Wojewodzi.

Titre dans la continuité des liens tissés entre l’institution montpelliéraine et les artistes dans ce musée qui est celui de donateurs et de sa dynamique société des Amis. Alfred Bruyas (1821-1877) offrira son Bonjour au musée Fabre en 1868.

2025, année de deux départs de Fabre. Michel Hilaire, son directeur quittant son cher musée auquel succède Juliette Trey et Maud Marron-Wojewodzi, sa conservatrice du patrimoine prenant les fonctions de directrice du musée Soulages de Rodez dans le remplacement de Benoît Decron. Une sorte de cadeau d’anniversaire avec 159 bougies à souffler : des œuvres de Soulages et des artistes modernes et contemporains sur lesquels le regard de Pierre s’est posé, des photographies et des archives exposées. Mémoire de cet hommage, un magnifique catalogue, exceptionnel par sa maquette et sa réalisation graphique, le relief de sa première de couverture, ses tranches noires. Un objet « soulagien ». Avec six contributions sensibles car si l’on pense avoir tout écrit, tout dit de Soulages, ces essais révèlent encore des pépites.

Pierre Soulages, in situ salle d'ouverture © photographie Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Montpellier, musée Fabre, Soulages, 2025. 

Un certain "silence plastique", comme le silence est nécessaire pour écouter de la musique.

Introduisant le parcours en six scansions : Peinture 181 x 142 cm. 9 mars 2020 (collection Colette Soulages) et Peinture 181 x 405 cm. 12 avril 2012 (collection musée Fabre). Maud Marron-Wojewodzki, rappele dans son essai « Silence radical : une éthique de la peinture » que Soulages refusant avec insistance toute subordination de l’art au langage (préfère) des titres qui renvoient seulement à la chose peinte, dans ses dimensions matérielles et ancrée dans le moment de sa réalisation, crée ce qu’il considère comme des silences plastiques autour et au sein de ses œuvres… .

Paul Cézanne, Fruits, serviette et boîte à lait (ca 1880) et Compotier et guitare (1932) de Pablo Picasso © photographie Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Montpellier, musée Fabre, Soulages. 

Pierre Soulages, in situ section Matières premières © photographie Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Montpellier, musée Fabre, Soulages, 2025

La première section révèle son travail des matières, ses brous de noix sur papier, ses goudrons sur verre, ce lien existant dès 1949 avec le noir des origines, de la grotte, le choc de la préhistoire, sa rencontre avec Lascaux et ses lectures, le soleil occulté par une éclipse. Paul Cézanne, Fruits, serviette et boîte à lait (ca 1880) et Compotier et guitare (1932) de Pablo Picasso rappellent qu’il découvre en 1939 à Paris, subjugué, la modernité de ces deux artistes.

Pierre Soulages, in situ section Bâtir la peinture © photographie Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Montpellier, musée Fabre, Soulages, 2025

Apparaissent ses compositions très construites durant la décennie 1950 dans son "bâtir la peinture" de ce « "non-figuratif" enfin sérieux » selon Michel Ragon. Refusant tout lyrisme et gestualité, l’art de Soulages, qui avec ses outils – des brosses qu’il adapte -, occupe l’espace de la toile pensée telle une architecture. Sont présentées des œuvres emblématiques de la période des raclages, au tournant des années 1960, ce racloir appliquant la matière, l’étirant, révélant la sous-couche colorée. Peinture 162 x 130 cm., 2 novembre 1959 laissant sourdre le rouge et Peinture 162 x 114 cm., 28 décembre 1959 révélant le bleu.

Pierre Soulages, in situ section Écriture & silence plastique © photographie Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Montpellier, musée Fabre, Soulages, 2025

La pratique qualifiée « cistercienne » par l’artiste, en 1963, donne à voir un ensemble d’œuvres dans un rapprochement avec des « Outrenoirs » récents, cette écriture du geste dans la couche picturale. Le raclage disparaît presque complètement de sa peinture au profit de larges aplats de noir faits à la brosse.

Pierre Soulages, in situ section Cette couleur violente. Du clair-obscur au noir lumière © photographie Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Montpellier, musée Fabre, Soulages, 2025 - Peinture 146 x 114 cm., 1950. Centre Pompidou. Premier achat de l'État français en 1951. 

Pierre Soulages, in situ section Cette couleur violente. Du clair-obscur au noir lumière © photographie Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Montpellier, musée Fabre, Soulages, 2025 - à gauche, Peinture 130 x 162 cm., 1er septembre 1956 (musée Fabre, dépôt de l'artiste en 2007) - à droite Peinture 195 x 130 cm., 29 juin 1953 (collection Colette Soulages. 

La quatrième section aborde le traitement de la lumière pour la faire sourdre du noir, juste prolongement du clair-obscur. Dès 1949, les toiles de Soulages manifestent cet intérêt pour la lumière jaillissant du noir, dans des effets de contrastes lumineux. Cette fascination pour le noir trouve son aboutissement dans la naissance de Peinture 162 x 127 cm., 14 avril 1979, la naissance de « Outrenoir », ce recouvrement total de la surface par une peinture noire ne contenant qu’un seul pigment : le noir d’ivoire et une mixtion de résine et d’huile de lin, pâte uniquement commercialisée pour lui, le « noir Soulages » comme il y a le « bleu Klein ». Presque secret dévoilé par Pauline Hélou-de la Grandière dans son essai « Soulages, le métier ».

Pierre Soulages, in situ section L'envers du noir. Blancs et transparences. Autour des vitraux de Conques  © photographie Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Montpellier, musée Fabre, Soulages, 2025.

Contraste radical entre le noir et le blanc dans l’œuvre de Soulages, ainsi que jeux de transparence qu’il recherche dans sa pratique, avec une partie consacrée à la réalisation des 104 vitraux de l’abbatiale Sainte-Foy de Conques entre 1987 et 1994. « Je n'ai été animé que par la volonté de servir cette architecture telle qu'elle est parvenue jusqu'à nous, telle que nous l'aimons. ».

Pierre Soulages, Peinture 260 x 202 cm., 19 juin 1963,  in situ section L'envers du noir. Blancs et transparences © photographie Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Montpellier, musée Fabre, Soulages, 2025

Le blanc ré-émerge dans les « Outrenoirs » à partir de 1999, prenant l’apparence de lignes frêles, telles des déchirures, ou dans certains cas, de papiers découpés incisifs, créant de nettes ruptures sur la surface.

Pierre Soulages, in situ exposition, section L'espace de la peinture © photographie Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Montpellier, musée Fabre, Soulages, 2025.

Pierre Soulages, in situ de la section L'espace de la peinture. Sur le mur de droite, la série Peinture 222 x 157 cm. entre le 28 décembre 1990 et le 19 février 1991 (collection Colette Soulages) © photographie Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Montpellier, musée Fabre, Soulages, 2025.

L'accrochage tel que souhaité par Pierre Soulages dans la nouvelle aile © photographie Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Montpellier, musée Fabre, 2025.

À l’étage supérieur, l’ultime section traite de l’appréhension de l’espace dans la peinture de Soulages. Une partie des œuvres sont présentées accrochées au travers de câbles, dans cette nouvelle aile du musée dédiée aux œuvres du peintre selon un dispositif imaginé dès 1966 par Soulages pour sa rétrospective d’Houston. Cet « accrochage Soulages » qu’évoque Benoît Decron, premier directeur du musée Soulages à Rodez, dans son essai du catalogue. Cette « suspension soulagienne » en vigueur à Rodez et à Montpellier, l’empreinte de Soulages.

Pierre Soulages. La rencontre

28 juin 2025 - 04 janvier 2026

Musée Fabre - Montpellier

https://www.museefabre.fr/

Commissariat de Michel Hilaire, conservateur général honoraire du patrimoine, ex-directeur du musée Fabre et de Maud Marron-Wojewodzki, conservatrice du patrimoine, ex-responsable des collections modernes et contemporaines du musée Fabre

Avec un ensemble de 34 toiles, entre 1951 et 2012, le musée Fabre possède l’une des plus importantes collections soulagiennes au monde.

Conséquent catalogue. 304 pages. Très belle mise en page de cet ouvrage aux tranches noires, aux gardes et contre-gardes noires. Un livre très soulagien dans sa conception. Éditions Snoeck. Prix 39 € (en service de presse)

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