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LE CURIEUX DES ARTS

LE CURIEUX DES ARTS

Curieux des arts, observateur de l'actualité artistique. Focus sur l'Italie. Exposition. Musée. Opéra. Théâtre. Musique. Festival. Livre. Biennale. Salon. Marché de l'art. Entretien.


​​​​​​​Les régions et l’Art déco

Publié par Gilles Kraemer sur 23 Octobre 2025, 22:51pm

Catégories : #Art de vivre - Lifestyle, #Entretien à 210 km-h, #Expositions France, #Patrimoine

Gilles Kraemer

envoyé spécial

 

L’Art déco, ce n’est pas uniquement Paris. Pas seulement l’exposition de 1925, l'Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes, sous l’égide du ministère du commerce et de l’industrie, entre Grand Palais, avenue Winston-Churchill - Alexandre III à l’époque -, pont Alexandre III & esplanade des Invalides, s’étendant sur 23 hectares, des deux côtés de la Seine, de la Concorde à l’Alma. En plein cœur de la ville.

Ramiro Arrue, Dantzari ou Le Fandango, 1926. Huile sur panneau. 50 x 160 cm.. Musée Basque et de l’Histoire de Bayonne, dépôt du musée du Béret, Nay © Musée Basque et de l’Histoire de Bayonne.

Dite de 1925, cette exposition fut décidée avant la Grande guerre. Ce mouvement stylistique ne naît pas en 1925 mais dès les années 1910 souligne Ingrid Jurzak, directrice du musée de Valence en présentant l’exposition que son institution consacre à l’Art déco dans les régions. L'appellation Art déco n’apparaissant que dans les années 1960, le terme, à l’époque, étant art de la modernité ou des modernités.

À la suite de la première Exposition internationale d’art décoratif organisée à Turin en 1902, les créateurs français - l’Union centrale des Arts décoratifs, la Société des artistes décorateurs et la Société d’encouragement à l’art et à l’industrie - appellent de leurs vœux, dès 1911, l’organisation à Paris d’un événement international identique. Initialement prévue en 1915, repoussée à 1922, puis à 1924, elle aura enfin lieu en 1925, avec un grand succès public du 28 avril au 8 novembre, marqueur historique de l’apogée du style Art déco précise Ingrid Jurzak.

Dans cette singularité excédant la simple dimension commémorative ajoute-t-elle, un pan méconnu et pourtant incontournable du style Art déco, un pan singulier aux caractéristiques régionalistes, le musée de Valence a intelligemment, en 300 numéros, mis le focus sur ce mouvement dans les régions françaises, l’invention de styles régionaux, les savoir-faire locaux, l’architecture dans la modernité de ce style successeur de l’Art nouveau.

Davantage qu’un style, il serait plus juste de parler d’un état d’esprit tourné vers la recherche de formes nouvelles, ou d’une course frénétique vers la modernité ajoute Sung Moon Cho, la commissaire scientifique.

Station-service Relais du Sud, années 1940 © photo Le Curieux des arts Gilles Kraemer, L'Art déco des régions. Modernités méconnues, musée de Valence art et archéologie, automne 2025. 

D’une France de l’entre-deux guerres, Valence garde le souvenir de 38 lieux dits Art déco recensés dans cette ville sur la mythique route nationale 7, axe touristique majeur vers la Côte d’Azur comme le précise dans le catalogue – aux notes de bas de page microscopiques – Daphné Michelas dans son essai consacré à cette ville, entre tradition et modernité. Une maquette actuelle restitue l’emblématique station-service Relais-du-Sud réalisée en 1937 par Henri Garcin, alliant la monumentalité par son immense flèche-signal telle un repère pour les automobilistes à la fonctionnalité, ce bâtiment abritant un bar, un restaurant, un hôtel, préfiguration des aires sur les autoroutes. L’immensité de sa flèche renvoie à celle du pavillon des Renseignements et du Tourisme de l’Exposition de 1925 édifié par Robert Mallet-Stevens (1886-1945) dont des maquettes récentes sont également présentes dans deux autres expositions parisiennes : 1925-2025. Cent ans d’Art déco au musée des Arts décoratifs et Paris 1925 - l'Art déco et ses architectes à la Cité de l'architecture et du patrimoine.

Station-service Relais du Sud, années 1940. Photographie ancienne, collection antarama.free.fr © Tous droits réservés.

La Bretagne constitue un modèle exemplaire dans la réactualisation d’une tradition pour lui apporter une modernité conceptualisée par un groupe d’artistes « Ar Seiz Breur » (les sept frères) dans le renouvellement de tous les registres des arts appliqués. Au sein de la Maison de la Bretagne de l’exposition de 1925 est présentée la salle commune « Osté » reconstituée à Valence, un mobilier sculpté de la géométrie épurée de diagonales.

Ramiro Arrue, Dantzari ou Le Fandango, 1926. Huile sur panneau. 50 x 160 cm.. Musée Basque et de l’Histoire de Bayonne, dépôt du musée du Béret, Nay //  Benjamin Gomez, Lucien Danglade, Mauméjean frères, Buffet enfilade, 1926. Bois, métal et verre. 190 x 260 x 48 cm.. Ancienne collection Jean Borotra. Musée basque et de l’histoire de Bayonne © photo Le Curieux des arts Gilles Kraemer, L'Art déco des régions. Modernités méconnues, musée de Valence art et archéologie, automne 2025.

Benjamin Gomez (1885-1959) architecte-décorateur Lucien Danglade (1891-1951) sculpteur et Maumejean Frères maîtres verriers , Buffet enfilade en chêne ciré et sculpté de forme rectangulaire, surmonté d'un miroir à pans, flanqué de lumières à abat-jour en vitrail dit de style américain par Mauméjean, ouvrant à trois tiroirs en ceinture, la partie basse à décor sur la porte de droite de la pierre à chocolat, rouleau et kaiku (verseuse), sur la porte de gauche pégara, chistera et espadrilles, la partie centrale en arcatures. 1926. Haut. 190 cm.; Larg. 260 cm.; Prof. 48 cm..  Ancienne collection Jean Borotra, le Basque bondissant. Musée basque et de l’histoire de Bayonne © Musée basque et de l’histoire de Bayonne. (1)

Les Ciboure du musée Basque et de l'histoire de Bayonne Deux vases olive à décor de coléoptères  //  Gourde à col conique à décor grec orientalisant (griffon, Pégase, lion)  //  Practika © photo Le Curieux des arts Gilles Kraemer, L'Art déco des régions. Modernités méconnues, musée de Valence art et archéologie, automne 2025. 

Autre culture identitaire fortement marquée, celle du Pays basque avec les frères Gomez – Louis (1876-1940) et Benjamin (1885-1959), architectes et décorateurs dans l’invention d’un mobilier, mis en avant avec le peintre Ramiro Arrue et la poterie de Ciboure tournant autour d’une vie rurale idéalisée. (2) Qualifier de "petite poterie basque" les Ciboure est un peu réducteur si l'on lit le catalogue de l'exposition La poterie d'art de Ciboure. 1919-1995 que le musée Basque et de l'histoire de Bayonne consacra à cette production intéressant Karl Lagerfeld qui en posséda 300  (18 juillet 2020 - 3 janvier 2021)

Clément Goyenèche, Fauteuil & Table, ca 1928 © photo Le Curieux des arts Gilles Kraemer, L'Art déco des régions. Modernités méconnues, musée de Valence art et archéologie, automne 2025. 

Troisième lieu présenté, celui du pavillon des Alpes-Maritimes et non de la région, une totale invention aussi dans l’absence de modèles traditionnels autour de la figure de l’architecte et décorateur niçois Clément Goyenèche (1893-1984).

Atelier Camille Fauré, Vase sphérique, ca 1926. Émail sur cuivre  //  Henriette Marty, Vase monté en pied de lampe, 1926. Émail sur métal© photo Le Curieux des arts Gilles Kraemer, L'Art déco des régions. Modernités méconnues, musée de Valence art et archéologie, automne 2025. 

L’industrie d’art en régions est mise en avant dans un renouveau des métiers emprunts de modernité. Ganterie en peau fine à Grenoble autour de cet accessoire de mode indispensable qui se porte durant les quatre saisons. Rubanerie stéphanoise. Soierie lyonnaise autour de Michel Dubost et de Raoul Dufy. Arts du feu à Limoges avec la porcelaine et l’émail – une pratique continuelle de l’émaillerie dans cette cité, les Pénicaud, les Nouahlier, Léonard Limosin ayant succédé à la Renaissance à « L’Œuvre de Limoges » non précisée  dans le catalogue -.

au milieu René Buthaud, Vase en faïence émaillée, ca 1918 © photo Le Curieux des arts Gilles Kraemer, L'Art déco des régions. Modernités méconnues, musée de Valence art et archéologie, automne 2025. 

Production originale avec les ateliers des grands magasins parisiens - Primavera du Printemps, La Maîtrise des Galeries Lafayette, Pomone du Bon Marché et Studium des Grands Magasins du Louvre – disposant chacun d’un pavillon à l’exposition. Nombre de céramiques présentées proviennent d’ateliers provinciaux, produites sur commande des ateliers des grands magasins.

Jacques-Émile Ruhlmann, Fauteuil “Rendez-vous des pêcheurs de truites”, vers 1932.  Bois, paille. 89 x 68 x 57 cm.. Musée des Années Trente, Boulogne-Billancourt © photo Le Curieux des arts Gilles Kraemer, L'Art déco des régions. Modernités méconnues, musée de Valence art et archéologie, automne 2025. 

Loin de son mobilier luxueux – macassar, marqueterie - une chaise en paille du décorateur parisien Jacques-Émile Ruhlmann (1879-1933) – prêt du musée des Années Trente de Boulogne-Billancourt, fauteuil « Rendez-vous des pêcheurs de truites ». Rustique chic certes mais menuiserie virtuose puisqu’aucun clou, uniquement un emboîtage par tenons et mortaises.

L’exposition se poursuit avec la présentation de demeures de villégiature de la région Aquitaine, de la ville thermale de Dax avec son casino et son immense hôtel Le Splendid méritant largement son nom.

Vitrine des terres vernissées d'Étienne Noël © photo Le Curieux des arts Gilles Kraemer, L'Art déco des régions. Modernités méconnues, musée de Valence art et archéologie, automne 2025. 

Se concluant par l’évocation de l’art régional et de l’artisanat drômois avec la présentation du travail d’Étienne Noël installé à Dieulefit - centre majeur de production de terre vernissée -, précurseur dans sa pratique de la céramique utilitaire dans des coloris différents et, part moins connue de son œuvre, en 1936, de la verrerie soufflée à la bouche, d’aspect épais et irrégulier, avec des bulles emprisonnées dans la pâte. Cette pratique inspirera le verre de Biot dans les années 1950.

Vitrine des verres soufflées et des céramiques d'Étienne Noël © photo Le Curieux des arts Gilles Kraemer, L'Art déco des régions. Modernités méconnues, musée de Valence art et archéologie, automne 2025. 

Dans cette exposition comme celle aussi de 1925-2025. Cent ans d’Art déco (22 octobre 2025 – 26 avril 2026) au musée des Arts décoratifs – Paris, l’art des jardins n’est pas évoqué comme le fait  Paris 1925 - l'Art déco et ses architectes (22 octobre 2025 - 29 mars 2026) à la Cité de l'architecture et du patrimoine. Avec le jardin cubiste de Robert Mallet-Stevens édifié sur l’esplanade des Invalides avec ces arbres en ciment armé des frères Jan et Joël Martin. Le Jardin d’eau et de lumière, d’inspiration persane de Gabriel Guevrekian. Et les jardins méditerranéens d’Albert Laprade et de Joseph Marrast.

(1) Passé en salle des ventes à Saint-Jean-de-Luz en octobre 2020, ce buffet fut adjugé 100 000 €.

(2) https://www.lecurieuxdesarts.fr/2020/08/la-poterie-d-art-de-ciboure-enfin-magnifiee-ziburuko-arte-eltzegintza.html

https://www.lecurieuxdesarts.fr/2020/09/des-ciboure-pour-le-musee-basque-et-de-l-histoire-de-bayonne.html

L'Art déco des régions. Modernités méconnues

28 septembre 2025 - 11 janvier 2026

Musée de Valence - art et archéologie

Commissariat général : Ingrid Jurzak, conservatrice du patrimoine, directrice du musée de Valence  //  Commissariat scientifique : Sung Moon Cho, docteure en histoire de l’art

Catalogue sous la direction de Sung Moon Cho, avec les contributions de conservateurs du patrimoine, de responsables de collections, d’historiens de l’art, d’historiens de l’architecture, de collectionneurs et d’ayants droit des artistes. Dont Emmanuel Bréon, Claude Laroche. Norma Éditions, 240 pages. 39 € (en service de presse)

Cette exposition est reconnue d’intérêt national par le ministère de la Culture.

1925-2025. Cent ans d’Art déco - 22 octobre 2025 – 26 avril 2026 - Musée des Arts décoratifs - Paris - Tropisme très appuyé dans l’intégralité de la nef centrale avec la présentation de trois maquettes grandeur nature du futur Orient Express revisité par Maxime d’Angeac, Orient Express étant le partenaire principal de cette exposition. Deux expositions se télescopent : une historique et scientifique d’un encyclopédisme remarquable, une commerciale par laquelle elle se termine. Dans une salle, une carte blanche est offerte au décorateur Jacques Grange que le panégyrique texte de salle présente tel le « guide de ses prestigieux clients dans l’acquisition de chefs-d’œuvre de l’Art déco, contribuant à le rendre vivant ». Commissaire générale : Bénédicte Gady, directrice des musées / commissaire :  Anne Monier Vanryb, conservatrice en charge des collections 1910‑1960 / commissaires associés : Jean‑Luc Olivié, Mathieu Rousset‑Perrier / conseiller scientifique :  Emmanuel Bréon.

Paris 1925 - l'Art déco et ses architectes - 22 octobre 2025 - 29 mars 2026 - Cité de l'architecture et du patrimoine - Paris - Avec très peu de crédits, trois bouts de ficelle, une salle d’exposition réduite induisant une sélection drastique et le refus d’un prêt exceptionnel – une documentation privée sur le pavillon de l’URSS qui était prévu et qui aurait dû être pris en charge par le parti communiste français. Dommage. Aucun catalogue ne conservera l’in-fine de cette exposition, encore une histoire d’euros. Commissaire de l'exposition : Bénédicte Mayer, attachée de conservation à la Cité de l'architecture et du patrimoine

 

 

 


 

 

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