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LE CURIEUX DES ARTS

LE CURIEUX DES ARTS

Curieux des arts, observateur de l'actualité artistique. Focus sur l'Italie. Exposition. Musée. Opéra. Théâtre. Musique. Festival. Livre. Biennale. Salon. Marché de l'art. Entretien.


​​​​​​​Le Faust de Gounod révélé tel qu’à sa création – Opéra-Comique

Publié par Gilles Kraemer sur 25 Juin 2025, 07:57am

Catégories : #Opéra et Musique

Gilles Kraemer

 

Abime de la vieillesse, utopie d’une jeunesse voulue éternelle, rédemption, sensualité, foi.

Une (re)naissance, une résurrection du Faust de Charles Gounod non celui de la version du 3 mars 1869 donnée à l’Opéra – salle Le Peletier à l’époque - mais celui du 19 mars 1859 créé au Théâtre-Lyrique, la version originale telle que composée par l’ancien pensionnaire du Pincio et Prix de Rome.

© Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Opéra-Comique, Faust, juin 2025

Louis Langrée - venant d’être reconduit comme directeur de l’Opéra-Comique, pour un second mandat de trois ans, de 2026 à 2029 - a souhaité cette renaissance, offrant la primeur en mai à l’Opéra de Lille, avant une première parisienne à l’Opéra-Comique qui ne pouvait qu’être le jour de la Fête de la musique. Les rues de Paris en fête, la salle du Comique en feu après avoir pactisé avec le diable. 

Pari voulu ! Pari tenté ! Et pari gagné pour Louis Langrée dans son choix de diriger la version initiale « opéra-comique » avec dialogues parlés de préférence à la version canonique « opéra » avec dialogues chantés et son incontournable ballet qu’exigeait l’institution. Il fallait bien flatter les abonnés du foyer plus enclins au regard glissant qu’à l’écoute !

© Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Opéra-Comique, Faust, juin 2025

Gourmandise de la direction électrisante de Louis Langrée retrouvant l’Orchestre National de Lille. Visuellement, une proximité palpable, démultipliée par cette fosse intime, plus petite que l’institution nordique de Caroline Sonrier. Les mains longues, très longues de Langrée – Toulouse-Lautrec aurait aimé - ne cessant leur fusion avec musiciens et plateau. Quatre heures de tension, de dynamisme, d’incandescence musicale et des bravi sans fin, de bonheur et de pleurs aux saluts de ce « rinascimento » musicologique, de ce « work in progress » oublié et interpelant. « Et Satan conduira le bal » n’était pas au rendez-vous car exit l’air de Méphistophélès lors de la nuit de Walpurgis. Il est parfois bon que nos oreilles se rafraîchissent.

© Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Opéra-Comique, Faust, juin 2025

Contrat signé avec le sang de la passion, Louis Langrée a su pactiser avec le diable en enflammant l’Opéra-Comique. Jusqu’aux placiers, à l’unisson, arborant des cornes rouges ou noires, jusqu’aux contre-marches du grand escalier reconstituant le visage de Méphistophélès. Tous ces détails dans et hors salle, clin-d'œil avec l’opéra donné ce soir.

© Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Opéra-Comique, Faust, juin 2025

Mise en scène de Denis Podalydès souple, respectueuse de la musique, à l’écoute de tout le plateau, les chanteurs étant aussi des acteurs à la diction intelligible et parfaite - nul besoin du sous-titrage -, les dialogues parlés étant très importants dans le prologue et les actes I et II.

© Stefan Brion – Faust, Opéra-Comique, juin 2025 

Sociétaire de la Comédie -Française comme Denis, Éric Ruf, également administrateur général – il quittera ce poste le 4 août, laissant la place à Clément Hervieu-Léger – jongle parfaitement de la scénographie. Le même décor mouvant, devenant amphithéâtre du chœur de l’Opéra de Lille observateur et commentateur de ce drame, église, demeure de Marguerite, définissant le lieu de l’action. Un plateau au centre de la scène, tantôt piste de danse pour Julie Dariosecq et Elsa Tagawa habillées par Christian Lacroix – retrouvant Ruf metteur en scène et scénographe de Le Soulier de satin de Paul Claudel pour lequel ce créateur imagina les costumes - tantôt tournant lorsque les chanteurs se croisent ou se poursuivent. Cercle se dupliquant dans le lustre-cercle de lumières, montant et descendant, cercle de l’enfermement où les humains se débattent, cercle de L’Enfer dantesque. Les meubles descendent des cintres dans une reconstitution du bureau de Faust ou de la chambre de Marguerite, l’armoire remontant vers les cintres et devenant poste d’observation où s’est caché Méphisto, surgissant comme un diable de sa boîte alors que l’on ne s’y attend pas. Lumières de Bertrand Couderc, jongleur inspiré du diaphane pour les scènes se déroulant dans l’obscurité. La noirceur de l’âme est le fil conducteur de l’action, noirceur du diable prompt à proposer monts et merveilles, noirceur de Faust se séparant de Marguerite après lui avoir subtilisé sa fleur.

Méphistophélès / Jérôme Boutillier © Stefan Brion – Faust, Opéra-Comique, juin 2025 

© Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Opéra-Comique, Faust, juin 2025

Remarquable comédien, ventripotent, légèrement bossu ce Méphistophélès ayant prêté sa redingote fripée à Jérôme Boutillier. Nulle épée au côté, nulle plume à son chapeau, il n’est pas à son avantage ce démon s’amusant à séduire Dame Marthe, vendeur de jeunesse contre une signature, habile à la menterie, très présent, à la voix voluptueuse et affirmée, provoqueuse de trouble. Toujours accompagné de ses deux diablotins tels des espions.

Faust / Julien Dran & Marguerite / Vannina Santoni © Stefan Brion – Faust, Opéra-Comique, juin 2025 

© Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Opéra-Comique, Faust, juin 2025

Vannina Santoni nous avait marqué par son interprétation de l’émotion de Traviata au Théâtre des Champs-Elysées. De sa jeunesse aux conséquences de la perte de son innocence dans les bras de Faust, elle incarne la progression dramatique d’une Marguerite poignante. Sa Chanson du roi de Thulé suivie de l’Air des bijoux nous transporte dans l’émotion et l’imploration d’il ne revient pas dans la scène du rouet nous parle au cœur. 

© Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Opéra-Comique, Faust, juin 2025

Un grand, un très grand Faust, tel est Julien Dran. Aisance, parfaite diction et sensibilité le caractérisent. Sa cavatine Salut ! demeure chaste et pure suivie de la cabalette C’est l’enfer qui t’envoie dans une interprétation glaçante ne pouvaient qu’être chaleureusement applaudies.

Julien Dran, Vannina Santoni, Jérôme Boutillier & Marie Lenormand © Stefan Brion – Faust, Opéra-Comique, juin 2025 

Entendu quelques jours plus tôt, à l’Opéra-Comique, lors de la soirée hommage à Jodie Devos (1988-2024), Lionel Lhote assure parfaitement Valentin. Campant Wagner, Anas Séguin de sa voix ample, défend généreusement ce rôle. Rôle ingrat, celui de Dame Marthe dévolu à Marie Lenormand qui ne sombre pas dans le rôle caricatural de cette matrone. Belle prestance de Juliette Mey dans Siebel; elle sait donner beaucoup de prestance à cet amoureux transit.

Un conseil. Fauteuil au premier balcon, immersion dans la mise en scène et les décors ressentie beaucoup plus forte qu’à l’orchestre. S’il le faut, pactiser avec les puissances infernales pour essayer d’avoir une place pour ce spectacle auquel le Prix Claude-Rostand 2025 (coproduction lyrique régionale et européenne) vient d’être remis, le 23 juin, par le Syndicat de la Critique Théâtre, Musique et Danse.

© Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Opéra-Comique, Faust, juin 2025

Charles Gounod, Faust, opéra en un prologue et quatre actes, livret de Jules Barbier et Michel Carré d'après le premier Faust de Goethe, traduit par Nerval - Créé le 19 mars 1859 au Théâtre-Lyrique

Opéra-Comique - 21, 23, 25, 27 juin, 1er juillet 2025

https://www.opera-comique.com/fr

direction musicale Louis Langrée

chœur Opéra de Lille  &  Orchestre national de Lille

mise en scène  Denis Podalydès    

décors Eric Ruf  -  costumes Christian Lacroix

lumières Bertrand Couderc  -  chorégraphie Cécile Bon

 

© Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Opéra-Comique, Faust, juin 2025

Faust  Julien Dran, ténor

Marguerite  Vannina Santoni, soprano

Méphistophélès  Jérôme Boutillier, baryton

Valentin  Lionel Lhote , baryton

Siebel  Juliette Mey, mezzo-soprano

dame Marthe  Marie Lenormand, mezzo-soprano

Wagner  Anas Séguin, baryton

le mendiant  Bruno Schraen-Vanpeperstraete (membre du chœur de l'Opéra-Comique)

Production Opéra de Lille créée le 5 mai 2025 - Coproduction Théâtre national de l’Opéra-Comique / Palazzetto Bru Zane - Centre de musique romantique française

 

 

 

 

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