La mouvance du corps, des corps – Frac Franche-Comté

Publié par Gilles Kraemer sur 30 Juin 2025, 16:17pm

Catégories : #Entretien à 210 km-h, #Expositions France

Gilles Kraemer

envoyé spécial à Besançon

Beau bâtiment imaginé par Kengo Kuma, avec l’agence Archidev (Hervé Limousin et Séverine Fagnoni) et le paysagiste Jean-Marc L’Anton, la Cité des arts de Besançon abrite le Conservatoire à Rayonnement Régional et le Frac Franche-Comté.

Comme le souligne Sylvie Zavatta, directrice de cette dernière institution, la collection du Frac Franche-Comté s’est naturellement structurée autour de la question du Temps lié au territoire, à l’horlogerie. Mais, le temps n’est pas que le temps mécanique, c’est la durée, le mouvement, l’espace, l’entropie, la mémoire, la répétition. Un temps très large dans cette ville où bat le cœur de l’horlogerie. Fondé en 1867, l’atelier de l’horloger Emmanuel Lipmann deviendra l’iconique Lip.

Important cet ancrage dans le territoire grâce à sa narration précise Sylvie Zavatta.

© Le Curieux des arts Gilles Kraemer, printemps 2025, Frac Franche-Comté, Besançon.

D’une façon progressive et logique, cette collection s’est ouverte à la problématique des œuvres sonores, performatives, immatérielles, ou encore à d’autres résolument transdisciplinaires. Collection abritée dans cette merveilleuse structure à l’esthétique douce, 2 700 m² lui sont dédiés.872 œuvres de 414 artistes dans une politique dynamique de 37 pièces acquises en 2024.

Laurent Goldring © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, printemps 2025, Frac Franche-Comté, Besançon.

Un travail de construction de l’éphémère.

Un homme qui dort autour de Laurent Goldring (1957), plasticien dans la croisée des hybridations entre art plastique, performance, vidéo, photographie et cinéma pour cette monstration. Titre proustien qu’il a souhaité, Un homme qui dort, tient un cercle autour de lui le fil des heures, l’ordre des années et des mondes… un extrait de La Recherche, dans cette indistinction du corps et de l’espace, fil conducteur de cette exposition précise-t-il, où chaque sculpture pourrait être pensée comme une sorte de kinésphère tout à fait subjective autour d’une présence corporelle particulière.

Un travail de construction dans l’éphémère, dans un processus de transformation s’opérant dans l’enroulement dans des lès de tissu d’un homme nu, jusqu’à ce qu’il disparaisse, devenant installation, sculpture dont il garde trace en filmant la performance. Sa mémoire ? Une vidéo.

Laurent Goldring, Mise à plat. 4 lais de tissu // Relief III, 2005. Sculpture : textiles et matériaux divers. Collection de l’artiste © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, printemps 2025, Frac Franche-Comté, Besançon.

Et aussi des Reliefs, des tissus durcis et bourrés pour ne pas retomber après que le corps s’en soit absenté, dans la conservation du volume du corps.

Une pièce murale, composée de quatre lés de tissu, un paysage abstrait selon lui, Mise à plat, est à mettre en relation avec sa façon de travailler.

Laurent Goldring, Cesser d’être un, 2014-2025. Sculpture : structure métallique, corde, ficelles, projection lumineuse. Collection Frac Franche-Comté, acquisition en 2021 © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, printemps 2025, Frac Franche-Comté, Besançon.

Laurent Goldring et Cesser d’être un, 2014-2025 © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, printemps 2025, Frac Franche-Comté, Besançon.

Le Frac présente une de ses œuvres entrées dans les collections en 2021, Cesser d’être un (2020). Qu’il dénomme un terrier aérien. Un cube, une sculpture à performer, une structure en acier parcourue de fils dans lequel un corps s’introduit, se déplace, un déplacement lisible en creux, un moulage du mouvement. La projection de la vidéo Un sur un revient sur l’exploration du corps dans un espace dans lequel il adapte sa chorégraphie ; comment ne pas songer à Hans Bellmer ou à Francis Bacon dans sa diffraction du corps rencontrant un obstacle.

Dans des bifurcations croisées d’un dialogue avec les œuvres de Laurent Golding, une exploration de Corps insensés traverse quelques œuvres du Frac, de Mathieu Abonnenc à Émilie Pitoiset,

Sylvie Selig, Daphnée, 2015. Feutre et broderie sur lin // Blindfold Fall, 2023. Feutre et broderie sur lin // Collection Frac Franche-Comté, pièces acquises en 2024 © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, printemps 2025, Frac Franche-Comté, Besançon.

Annette Messager n’est pas loin lorsque Sylvie Selig (1941) s’empare du travail de broderies rouge ou noire pour rehausser des tissus et des draps sur lesquels elle a dessiné. Travail de mémoire, de transmission, mise en avant de la femme à laquelle le travail de l’aiguille et la gestion du linge familial sont, disons-plutôt étaient, dévolues.

Marina De Caro © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, printemps 2025, Frac Franche-Comté, Besançon.

Marina De Caro, Binarios, lenguaje secreto 4 // Binarios, lenguaje secreto 1 // Binarios, lenguaje secreto 3 // 1996 – 2023. Impressions numériques sur dos bleu contrecollées au mur. Collection Frac Franche-Comté depuis 2024 // Marina De Caro, Tricot (Habillable), 1998. Laine et métal. Collection Frac Franche-Comté depuis 2024 © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, printemps 2025, Frac Franche-Comté, Besançon.

L’Argentine Marina De Caro (1961), prompte aux événements politiques et sociaux dans sa démarche, expérimente le corps. Une pièce en tricot Binarios, lenguaje secreto (1996-2023) d’une performance et des photographies de celle-ci sont démonstration que l’acte de danser porte une libération du corps dans les explorations du mouvement.

au premier plan, David Mach, There wasn't much room in the pool for individual expression, 1988. Bouteilles, eau, colorant. Collection Frac Franche-Comté, acquisition en 1989 © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, printemps 2025, Frac Franche-Comté, Besançon.

Fortement visuelle, ne reposant que sur l’utilisation de l’eau et facile à réinitialiser, l’installation de l’Écossais David Mach (1956), There wasn't much room in the pool for individual expression (1988). Il n’y avait pas beaucoup de place dans la piscine pour l’expression individuelle se concrétisant par l’accumulation de 3 000 bouteilles en verre toutes remplies d’eau, parfois tintées d’encre. De cet ordonnancement surgissent cinq silhouettes humaines, une chorégraphie dans un regard matissien.

Un homme qui dort autour de Laurent Goldring & Corps insensés, œuvres de la collection du Frac

18 avril au 31 août 2025

Frac Franche-Comté

Commissariat Sylvie Zavatta, directrice du Frac

Pas de catalogue

https://www.frac-franche-comte.fr/fr

Prolongation par la lecture Le corps du Monde. Retour sur La Machine de la Compagnie Labkine (Lise Daynac & Valeria Giuga). Éditions Frac Franche-Comté. Tirage à 450 exemplaires, septembre 2023 (en service de presse).

Premier jour de l’été, jour de la Fête de la musique, conjonction idéale ce samedi 21 juin 2025, pour l’inauguration de La Villa / Frac-Collection, antenne du Frac Franche-Comté dans le cadre du dispositif du ministère de la culture : « Mieux produire, mieux diffuser ». Sur l’ensemble de la Région, et les quatre départements de l’ex-Franche-Comté, le Frac poursuit aujourd’hui ses actions de diffusion via cette nouvelle proposition visant à privilégier les territoires les moins touchés par l’art contemporain.

La Villa / Frac-Collection est un lieu modeste par ses dimensions - ancienne demeure édifiée à la fin du XIXe siècle pour Félix Faivre, négociant en vin et membre du tribunal de commerce de Gray - mais elle proposera les mêmes prestations qu’au Frac situé à Besançon, à savoir une exposition d’œuvres de sa collection, des ateliers pédagogiques, une programmation culturelle composée de conférences et de rencontres avec des artistes, une médiation adaptée aux différents publics…

Également Chorégraphies. Dessiner, danser (XVIIe-XXI^e siècle) présenté par le musée des beaux-arts et d’archéologie de Besançon en collaboration avec l’Institut national d’histoire de l’art (INHA) et le CND - Centre national de la danse et la Bibliothèque nationale de France.

Autant que la peinture ou la sculpture, la danse s’invente aussi par le dessin. Qu’il soit un outil de création chorégraphique, de transmission d’une chorégraphie à des interprètes ou d’enseignement, qu’il serve à diffuser voire à préserver la trace d’une chorégraphie, le dessin est une pratique depuis longtemps liée à la danse. Cette exposition met en lumière nombre d’œuvres et de documents produits par des danseurs et des chorégraphes : dessins, carnets de notes et partitions. Des œuvres qui offrent autant un plaisir esthétique qu’une invitation à danser une gavotte, un fox-trot, une rumba avec Fred Astaire, un extrait de Giselle, une chorégraphie de Beyoncé ou un solo d’Anne Teresa De Keersmaeker. À travers plus de 250 pièces, les visiteurs sont dans les processus de création et de transmission de la danse, qu’il s’agisse de danses de société ou de danses scéniques, du ballet classique ou de la danse contemporaine.

Musée des beaux-arts et d'archéologie de Besançon

19 avril au 21 septembre 2025

https://www.mbaa.besancon.fr/

Commissaires : Pauline Chevalier, maîtresse de conférences à l’Université de Franche-Comté, conseillère scientifique à l’INHA et Amandine Royer, conservatrice des arts graphiques, musée des beaux-arts et d’archéologie de Besançon.

Catalogue sous la direction des commissaires. 256 pages. Coédition INHA, LIENART Editions et musée de Besançon. Prix 30 € (en service de presse).

Auguste Rodin, Victor Hugo. Don de Leonard Gianadda à la ville de Besançon, décembre 2022 © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, printemps 2025, Musée des beaux-arts et d'archéologie de Besançon.

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