Les hybridations poétiques de la Saison d'art 2025 - Domaine de Chaumont-sur-Loire
Gilles Kraemer
envoyé spécial
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Daniel Firman, Le sommeil en forêt #1 2025 © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Domaine de Chaumont, Saison d'art 2025.
Un monde enchanteur, un monde enchanté, Chaumont-sur-Loire, son château, son domaine de 35 hectares bien éloigné des 2 500 du temps des Broglie. Destination attendue dès les premiers jours du printemps pour sa Saison d’art dans ce magnifique lieu atypique souligne Chantal Colleu-Dumont, directrice du Domaine, commissaire de cette Saison, un domaine dont j’ai souhaité qu’il devienne une utopie artistique multidisciplinaire et multisensorielle autour des jardins, autour des artistes que j’invite. Ajoutant que Chaumont est tout un monde de porosités. Je travaille dans les hybridations. Cette aventure est passionnante dans une société déstabilisée.
Pas une journée, même en hiver, sans que le cœur de Chaumont ne batte en son château ou dans le domaine, à la découverte de ses collections permanentes tels Le fil infini de Lee Ufan, la tapisserie d’étiquettes et capsules de bouteilles en aluminium Xixe d’El Anatsui, le Cairn d’Andy Goldsworthy, construction ovoïde de plaques d'ardoise posée sur la souche d'un platane dont les surgeons nés de la souche ont enlacé cette œuvre de pierre. Ou la Bibliothèque cristallisée de Pascal Convert, dans un clin d’œil à la bibliothèque des princes de Broglie partie dans les flammes, enfin acquise en 2024 après avoir été longtemps présentée à Chaumont (1). Auteur d’œuvres interpellant l’Histoire et la mémoire, ce plasticien-écrivain vient de publier Le livre de R.D, récit autour du résistant Robert Ducasse. La lecture de ce roman poignant, sur le ton de la confidence, cette vie d’un Juste parmi les nations, se recommande.
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Fabienne Verdier, Cercle - Ascèse Or, 2012. Acrylique et technique mixte sur toile / Etienne Léopold Trouvelot (1827-1895), Effluves électriques à la surface et au pourtour d'une pièce de monnaie, 1888-1889. Epreuve positive sur papier aristotype. Collection du Musée des Arts & Métiers, Paris © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Domaine de Chaumont-sur-Loire, Centre d’art et de nature, Saison d’art 2025. Merci à Nicolas Alquin pour la silhouette.
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Fabienne Verdier, Guillaume Logé & Chantal Colleu-Dumond © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Domaine de Chaumont-sur-Loire, Centre d’art et de nature, Saison d’art 2025.
Succédant à la 7ème édition de Chaumont-Photo-sur-Loire (novembre 2024 - février 2025) réunissant cinq artistes, la Saison d’art 2025 invite 11 artistes et deux duos : Anne et Patrick Poirier, G & K ou Katarzyna Kot et Stéphane Guiran. La poésie est le dénominateur commun de ces artistes dont la présence relève exclusivement du choix qu’assume Chantal Colleu-Dumont, prenant seule sa décision d’inviter des artistes connus ou pas trop dans la lumière. Un engagement revendiqué. Ou de les réinviter telle Fabienne Verdier (1962) présente en 2022 avec une toile Jeux d’eau au jardin.
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Fabienne Verdier, Cabriolant dans l'herbe, 2025. Acrylique et technique mixte sur toile © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Domaine de Chaumont-sur-Loire, Centre d’art et de nature, Saison d’art 2025.
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Fabienne Verdier, Ceinture de Saint-Luc, "Errance dans les paysages du trait de la ceinture de Saint-Luc, installation B, d'après Saint-Luc dessinant la Vierge de Rogier van der Weyden, 1435-1440, 2012. Acrylique et technique mixte sur toile. 170 x 379 cm. © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Domaine de Chaumont-sur-Loire, Centre d’art et de nature, Saison d’art 2025.
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Fabienne Verdier, Le chant des cigales, 2024. Acrylique et technique mixte sur toile © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Domaine de Chaumont-sur-Loire, Centre d’art et de nature, Saison d’art 2025.
Aujourd’hui, toutes les salles des galeries hautes sont offertes à cette artiste. Une traversée lumineuse dans son œuvre et la présentation de nouvelles pièces dont Cabriolant dans l’herbe, écho à une citation de Michel de Montaigne : J’aime l’allure poétique, à sauts et à gambades. Cette ligne de 15 mètres de long, dans sa technique du « walking painting », épousant les quatre murs de la salle, renvoie à celle du fleuve du pays ligérien et à celle de de son œuvre, ligne alpha de la création. Une invitation à habiter le monde dans ses explorations et ses foisonnements, de la force cosmique à la force la plus infime. Chacun de ses tracés picturaux capture un instant de l’eau, du vent, des vibrations sonores. Fabienne Verdier se plait à rappeler qu’elle invente de nouveaux langages dans les harmonies que je retrouve dans la nature, une peinture chargée d’énergie en mouvement.
Autres œuvres récentes, celles des retables triptyques, l’énergie dans la volonté d’aller vers la lumière en transmettant son émerveillement dans un inventaire du vivant.
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Anne et Patrick Poirier, Le Monde à l'envers, 2024 © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Domaine de Chaumont-sur-Loire, Centre d’art et de nature, Saison d’art 2025.
Dans le mixe de l’élégance et du trash chic, Anne et Patrick Poirier jouent magnifiquement de l’architecture de la Tour de Diane, en accrochant l’immense Le Monde à l’envers, constitué de lustres revisités de la maison du sympathique Régis Mathieu qui travaille avec les châteaux de Versailles et de Vaux-le-Vicomte.
Dans un monde qui marche sur la tête, soulignent ces deux artistes travaillant ensemble depuis 56 ans, dans la mémoire d’un monde en filigrane, ils ont ré-inventé un second monde inversé lui aussi, pendant de celui que nous avions vu à à la Villa Médicis, au printemps 2019, pour leur exposition ROMAMOR (2). Depuis, la COVID a « rebattu d’autres cartes », le monde continue à « marcher sur la tête » à une vitesse « grand V ». Toujours un enchevêtrement de matériaux – pampilles et bronzes - ayant servi à la confection des lustres de la Grande Galerie de Versailles, un globe céleste et un globe terrestre. Dans le mixe de l’élégance et du trash chic, dans une pointe d’humour, d’autres étranges pampilles y sont suspendues qui se révèlent... des couteaux aux lames acérés.
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Stéphane Erouane Dumas, Les âmes sœurs. Bronze © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Domaine de Chaumont-sur-Loire, Centre d’art et de nature, Saison d’art 2025.
Troisième retour à Chaumont, cette fois d’une façon pérenne pour Stéphane Erouane Dumas (1958) ayant installé Les âmes sœurs dans la clairière des lierres. Comme l’impression que cet endroit était destiné depuis toujours à cette sculpture en bronze. Ouverte, tel un grand livre pour y découvrir les mystères des conversations entre deux personnes, se parlant et se répondant. Au milieu, un espace, celui du silence après des échanges.
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Nicolas Alquin, Les trois passantes, 2010. Chêne chaulé © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Domaine de Chaumont-sur-Loire, Centre d’art et de nature, Saison d’art 2025.
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Nicolas Alquin, Ange. Chêne © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Domaine de Chaumont-sur-Loire, Centre d’art et de nature, Saison d’art 2025.
Nous étions des arbres et vous en avez fait des hommes. Cette interpellation est de justesse face au belge Nicolas Alquin (1958) – fils de … qui eut les honneurs du château de Chaumont – en regardant ses Bois révélés dont Ange suspendu dans la grange aux abeilles, sculpté dans des poutres en chêne du XVIIIème siècle et les Trois passantes, chêne chaulé, sœurs aînées des Gorgones : Dino, Ényo et Péphrédo, se partageant à tour de rôle un unique œil et une unique dent.
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Daniel Firman, Le sommeil en forêt #1 2025 © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Domaine de Chaumont, Saison d'art 2025.
En 2009, Miquel Barceló - dont l'on peut voir sa Grotte Chaumont dans le parc historique du château - présentait le bronze de 8 mètres de haut Gran elefant dret, en équilibre sur sa trompe. « Il trompe énormément », lui aussi... Le sommeil en forêt # 1 2025 que Daniel Firman (1966) a imaginé pour Chaumont !
Placé sous l’auvent des écuries conçues en 1877 par Paul-Ernest Sanson – selleries de la maison Hermès – il est indiscutablement la vedette « selfiée » de l’année chaumontaise 2025. L’éléphante âgée de 2 ans, Miss Pundji offerte en 1898 par le Maharaja de Kapurthala, au prince et à la princesse Henri-Amédée de Broglie, partie en 1906 finir ses jours à Paris, au Jardin d’Acclimatation, a inspiré la démarche de ce plasticien. Sa 6ème sculpture éléphant, Le sommeil en forêt #1 2025. Thématique sur laquelle il travaille depuis 2008, son premier mammifère fut présenté taxidermisé. Celui-ci, 5,5 mètres de haut a nécessité 1 000 heures… d’impression en 3D, 11 morceaux en plastique PETG qui ont été assemblés à Chaumont, « une sculpture Kinder » précise-t-il. Un éléphant dressé sur sa trompe, lecture d’humour sur cette lévitation, réflexion sur la pesanteur et l’apesanteur dans la fantaisie.
Cette apesanteur se retrouve dans les sculptures en plumes de paon de Carole Solvay. Démarches artistiques variées de Sophie Zénon (1965), avec L’herbe aux yeux bleus, entre peinture, gravure, photographie, à la frontière de plusieurs arts. Regard éclairé sur la botanique, les plantes. Pratique du collage peuplé d’architectures de paysages chez Claire Trotignon (1985), paysages en mouvement, semblant flotter, dans une apesanteur. L’intemporalité signe ceux-ci. Meta-nature / A quatre saisons de Miguel Chevalier (1959), dans la galerie digitale du château, remplace quelques temps Effets du soir de Quayola. Démarche dans le végétal et les quatre saisons, nature réinventée, une œuvre en boucle soulignée par une musique trop intrusive. Le Bois des Chambres, dans son Étable du verger, accueille l’installation Plus loin dans la forêt de Vincent Laval (1991), témoignage d’un lien étroit avec la forêt.
Possibilité de prolonger sa visite par un séjour à l’hôtel du Domaine – une parenthèse hors du temps - et un dîner dans son restaurant – coup de cœur pour « les jeudis » -. www.leboisdeschambres.fr
Merci à C. C.-D..
(1) Plasticien, Pascal Convert est intervenu cette année au Centre d’études Picasso, installé dans l’une des dépendances de l’Hôtel de Rohan, au cœur du Marais. Il a été sollicité par le musée national Picasso-Paris pour la création de deux œuvres in situ : L’autoportrait à l’armoire et la Bibliothèque de Picasso.
Centre d’Arts et de Nature - Saison d’art 2025
29 mars - 2 novembre 2025
Domaine de Chaumont-sur-Loire
Expositions et installations d’art contemporain. Fabienne Verdier - Sophie Zénon - Claire Trotignon – G & K - Nicolas Alquin - Stéphane Erouane Dumas - Olivier Leroi - Daniel Firman - Carole Solvay - Anne et Patrick Poirier - Yann Lacroix - Miguel Chevalier - Vincent Laval
Le train Paris - Austerlitz pour rejoindre en 1h 40 le domaine de Chaumont-sur-Loire s’arrêtait à Onzain. Maintenant, cette gare se dénomme Onzain/Chaumont-sur-Loire. Tout est dit dans cette reconnaissance de Chaumont.
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https://domaine-chaumont.fr/fr/centre-d-arts-et-de-nature jusqu’au 2 novembre 2025.
https://www.lecurieuxdesarts.fr/2021/10/blanca-li-a-l-academie-des-beaux-arts-100-flamenco.html
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https://domaine-chaumont.fr/fr/festival-international-des-jardins sur la thématique « Il était une fois au jardin » jusqu’au 2 novembre 2025, 25 jardins dont Les contes de l'Alhambra, carte verte à Blanca Li, chorégraphe, danseuse, réalisatrice de films, metteur en scène, membre de l’Institut.