Zero Dom de Georg Baselitz installé devant le Palais de l’Institut
Gilles Kraemer
Octobre parisien faste pour Georg Baselitz. Rétrospective au Centre Georges Pompidou et installation sous la Coupole.
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Goerg Baselitz © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, 2018, visite presse exposition Corpus Baselitz, musée Unterlinden, Colmar.
À l’occasion de son exposition Baselitz. La rétrospective, dans l’évocation chronologique de six décennies de création, organisée au Centre Pompidou du 20 octobre 2021 au 7 mars 2022, commissariat de Bernard Blistène et Pamela Sticht, et de son l’installation ce mercredi 27 octobre comme membre associé étranger de l’Académie des beaux-arts, un des sculptures de Goerg Baselitz Zero Dom (2020) a été installée sur le parvis de l’Institut de France, devant la Coupole. (1)
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Installation de la sculpture Zero Dom sur le parvis de l’Institut de France mardi 12 octobre 2021.
Face au Pont des arts et au Palais du Louvre, Zero Dom évoque pour Georg Baselitz, " des jambes, des jambes de femme, [...], un igloo, une tente. Une charpente sans enveloppe, le vent siffle à travers ". La forme initiale en bois, travaillée directement par l’artiste à la tronçonneuse, a ensuite été moulée et coulée en bronze par les ateliers Noack (Berlin), puis recouverte d’une patine noire mate procurant à l’œuvre un aspect brûlé. Haute de 9 mètres, la sculpture restera sur le parvis pendant toute la durée de son exposition au Centre Pompidou.
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© Le Curieux des arts Gilles Kraemer, mercredi 13 octobre 2021.
D’une sculpture de la même série, Zero Dom (2015), bronze patiné haute de 3 mètres, présentée lors de son exposition Corpus Baselitz au musée Unterlinden de Colmar en 2018, quatre grandes poutres ligotées par un banal fil de fer, dans un travail silencieux du rapprochement des mains de Rodin La Cathédrale (1908) - Das Dom n'est-il pas la traduction de cathédrale ? - il nous précisait qu’en réalité, ce sont des jambes féminines. http://www.lecurieuxdesarts.fr/2018/07/corpus-christi-corpus-baselitz-colmar.html
De son vrai nom Hans-Georg Bruno Kern, il est né en Saxe, en 1938 à Großbaselitz (renommé Deutschbaselitz en 1948) d’où il tirera son pseudonyme dès 1961. Son enfance, en Saxe, pendant la période nazie est marquée par l’observation des atrocités de la guerre.
" Je suis né dans un ordre détruit, un paysage détruit, un peuple détruit, une société détruite. Et je n’ai pas voulu réinstaurer un ordre ; j’avais vu assez de soi-disant ordre. J’ai été contraint de tout remettre en question, d’être « naif », de repartir de zéro.". (2)
En 1961, ses lectures et découvertes incitent l’artiste enragé à écrire, avec son ami Eugen Schönebeck, le Manifeste pandémonique /Pandämonisches Manifest dont le titre renvoie au palais de Satan nommé Pandæmonium évoqué par John Milton dans son poème épique, Paradise Lost / Le Paradis perdu (1667), lieu imaginaire choisi pour faire écho à l’aspect post-apocalyptique de l’Allemagne en 1945. Il sera suivi d’un second manifeste en 1962.
Sa première exposition personnelle a lieu en octobre 1963 à la Galerie Werner and Katz, à Berlin-Ouest. Ses tableaux Die große Nacht im Eimer / La Grande Nuit foutue (1962-1963) et Der nackte Mann / L’Homme nu (1962) sont confisqués pour " leur caractère pornographique " par les autorités de Berlin-Ouest.
À cette époque, son travail se diversifie. Baselitz peint, dessine, grave et sculpte. C’est en 1969 qu’il débute son travail sur le renversement du motif dont le premier tableau sera Der Wald auf dem Kopf / La Forêt sur la tête : tous les sujets de son répertoire personnel sont alors retournés (personnages, arbres, maisons, ...) pour affirmer la primauté du regard sur le sujet. Le rendu frappe par la tension entre figuration et abstraction.
" Quand on veut cesser de passer son temps à inventer de nouveaux motifs et continuer malgré tout de peindre des tableaux, le retournement du motif est la solution la plus plausible. Cette hiérarchie dans laquelle le ciel se trouve en haut et la terre en bas n’est de toute façon qu’une convention à laquelle on est certes habitué, mais qu’on n’est pas du tout tenu de croire. ". (3).
Ses œuvres, faisant écho aux traumatismes de l’histoire allemande, du groupe des Héros à ses peintures au doigt, en passant par les tableaux-fractures et les tableaux Russes, sont présentes dans les collections publiques les plus prestigieuses. Depuis 2006, avec sa série de peintures remixées, il reprend et réinterprète sa propre iconographie. En 1975, il a participé à la Biennale de São Paulo, au Brésil, et en 1980, il a représenté l’Allemagne à la Biennale de Venise. 1995 est l’année de sa première rétrospective importante aux Etats-Unis. En 2004 lui est décerné le Praemium Imperiale en peinture à Tokyo.
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Georg Baselitz. À gauche Ankunft (Arrivo), 2018. Huile sur toile. 440 x 300 cm.. Collection privée. À droite Ankunft (nackte Ankunft, piazzale Roma, Venezia, 2018. Huile sur toile. 440 x 300 cm.. Collection privée © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, mai 2019, semaine presse Biennale de Venise.
En 2019, lors de la Biennale de l’Art de Venise, il fut le premier artiste vivant à bénéficier d’une exposition à l’Accademia, du 8 mai au 6 octobre, commissariat de Kosme de Baraňano. http://www.lecurieuxdesarts.fr/2019/10/georg-baselitz-adrian-gheni-sean-scully-le-trio-gagnant-de-la-biennale-de-venise-biennale-di-venezia-2019-vii.html
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à la librairie du musée d'Art moderne de la villes de Paris, jeudi 14 octobre 2021 © Le Curieux des arts Gilles Kraemer
(1) Georg Baselitz a été élu en octobre 2019, membre associé étranger à l’Académie des beaux-arts, au fauteuil précédemment occupé par le cinéaste polonais Andrzej Wajda (1926-2016). http://www.lecurieuxdesarts.fr/2019/10/georg-baselitz-elu-membre-associe-etranger-de-l-academie-des-beaux-arts.html
(2) Georg Baselitz, entretien avec D. Kuspit, « Goth to Dance », repris en français dans : G. Baselitz, Danse gothique. Écrits et entretiens, 1961-2019 Édition établie par Detlev Gretenkort, traduit par Régis Quatresous, Strasbourg, L’Atelier contemporain, 2020, pages 191-192.
(3) G. Baselitz, « Georg Baselitz im Gespräch mit Heinz Peter Schwerfel », dans « Georg Baselitz », Kunst Heute, n° 2, Cologne, Verlag Kiepenheuer & Witsch, 1989, p. 24 ; repris en français : dans G. Baselitz, Danse gothique. Écrits et entretiens, 1961-2019.