Corpus Christi. Corpus Baselitz. Colmar
Corpus Christi. Corpus Baselitz. Mais les pieds au ciel comme le crucifiement de l'apôtre Pierre.
Goerg Baselitz © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, 2018, visite presse exposition Corpus Baselitz, musée Unterlinden, Colmar.
" Suis-je passionnée, suis-je inconsciente ? " s'interroge Frédérique Goerig-Hergott, en présentant Corpus Baselitz, l'unique monstration institutionnelle consacrée en France à ce peintre, à l'occasion de ses 80 ans. Sans aucun doute puisque Goerg Baselitz accepta d'exposer à Colmar lorsqu'elle lui proposa de montrer un ensemble de ses œuvres, réalisées entre 2014 et 2018. Comme elle le souligne, n'était-ce pas " un risque de présenter ses dernières œuvres mais aussi quelque chose d'exceptionnel, une exposition merveilleuse intellectuellement. Dans un rapprochement entre le Retable d'Issenheim de Mathias Grünewald (1512-1516) et la représentation du corps de l'artiste meurtri par la vie ". Un beau cadeau, bien loin reconnaît l'artiste " des expositions plus pédagogiques, mêlant les œuvres récentes aux plus anciennes. Ici, en l’occurrence, ce n'est pas du tout le cas et je trouve ça merveilleux ".
Goerg Baselitz, série Männlicher Akt. Nu masculin, 2014. Encre de Chine à la plume et encre sur papier. Collections particulières © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, 2018, visite presse exposition Corpus Baselitz, musée Unterlinden, Colmar,
Lieu choisi, le musée Unterlinden, pour les trois sculptures, 42 dessins et 26 peintures d'Hans-Georg Bruno Kern né en janvier 1938 en Saxe et qui décidera en 1961 de s'appeler Baselitz, empruntant ce pseudonyme à Deutschbaselitz, son village natal. Il ne faisait que suivre de nombreux maîtres de la Renaissance. En 1969, il peindra son premier tableau au motif renversé, un choix devenu sa marque de fabrique, une provocation dans un temps du règne de l’abstraction, dans " une démarche visant à saper les conventions tout en nous contraignant à modifier notre perception par la proposition de nouveaux points de vue " note Frédérique Goerig-Hergott.
L'art allemand n'est-il pas celui qui représente la souffrance; ? Sa peinture s'inscrit dans la peinture germanique sans concession, dans " la tradition des peintres allemands qui est une tradition du ‘laid’. De Dürer à Nolde en passant par Caspar David ", point sur lequel il insiste.
Goerg Baselitz. Sur la cimaise centrale Dystopische Gloken. Cloches Dystopiques, 2015. Huile sur toile. 400 x 600 cm. Collection particulière © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, 2018, visite presse exposition Corpus Baselitz, musée Unterlinden, Colmar.
Les deux salles de l'extension du musée, réalisée par le cabinet Herzog & de Meuron, accueillant cette exposition, sont dans l'écho de la maison et de l'atelier de l'artiste sur les bords du lac Ammersee, en Haute Bavière édifiés par ce même cabinet d'architectes bâlois. Une osmose palpable, dans la salle du bas accueillant ses dessins et ses formats horizontaux et la salle du premier, l'immense cathédrale, avec ses grands formats abordés à partir des années 1990 et travaillés à plat, telle une immersion physique dans la création avec la matière, la peinture, la toile.
Goerg Baselitz. Sur les cimaises, deux huiles sur toile de 2016 Abgang mit Marcel. Descente avec Marcel, 307 x 257 cm. et Absatz für Absat. Etape après étape, 204 x 140 cm. Collections particulières. Au milieu Zero Mobil. Zéro Mobile, 2014. Cuivre patiné. 92 x 284 x 80 cm. Collection particulière © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, 2018, visite presse exposition Corpus Baselitz, musée Unterlinden, Colmar,
De suite, Baselitz nous trouble et dessille nos yeux avec trois toiles, un manifeste pied de nez à Marcel Duchamp qui annonça péremptoirement la fin de la peinture. Absatz für Absatz Étape après Étape, Abgang. Descente et Abgang mit Marcel. Descente avec Marcel tels des mises à plat du Nu descendant un escalier II (1912) retiré du Salon des Indépendants en mars 1912. Mais, que n'a-t-il pas fait, remarque l'artiste, si ce n'est de songer à un dessin de Picasso Nu (1910) ? " Tant qu'il a peint, Duchamp n'a cessé de piller ". La peinture continue toujours à exister, un siècle après la survenance ludique du dispositif de la Roue de bicyclette ou du Porte-bouteilles de celui qui intégra l'article manufacturé comme le décrit Marc Desportes dans son ouvrage Œuvres à objet (2018).
Goerg Baselitz. Au premier plan Zero Dom. Zéro Dôme, 2015. Bronze patiné. 301,5 x 163 x 151 cm. Collection particulière. Sur la cimaise Guidiamo. Nous roulons, 2016. Huile sur toile. 195 x 300 cm. Collection particulière © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, 2018, visite presse exposition Corpus Baselitz, musée Unterlinden, Colmar.
A côté, le grand cuivre patiné de Zero Mobil (2014) suspendu, un memento mori à deux têtes, un hochet d'enfant, un contraste entre la vie et la mort mais aussi la rémanence des gâteaux de Noël sur une tige de bois. Point de départ de cette sculpture paraissant être un charbon de bois travaillé, d'une apparence de folle légèreté, reproduction d'un tronc que l'artiste a évidé. Autre sculpture, le bronze patiné Zero Dom. Zéro dôme, quatre grandes poutres ligotées par un banal fil de fer, dans un travail silencieux du rapprochement des mains de Rodin La Cathédrale (1908). Das Dom n'est-il pas aussi la traduction de cathédrale ? En réalité, ce sont des jambes féminines précisera-t-il.
Goerg Baselitz. A gauche Finestra in Venezia-Cardinale Archinto, 2015. Huile sur toile. 300 x 290 cm.. Collection particulière. A droite Der Kardinal hinter dem Vorhand, 2015. Huile sur toile. 305 x 209 cm. Collection particulière © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse 2018, visite presse exposition Corpus Baselitz, musée Unterlinden, Colmar.
Baselitz aime jouer de l'arrière-pensée dans les titres qu'il donne à ses œuvres. La sonorité duchampienne se retrouve dans Lieber Marcel Duchamp, das haben Sie doch von Picasso gestolen !. Le cardinal derrière le rideau Der Kardinal hinter dem Vorhang. se place dans une référence au Titien et au Portrait du cardinal Filippo Archinto (1558) de Philadelphie, le prélat étant à demi caché par un rideau transparent; cette peinture du peintre vénitien sera reprise dans le portrait de son épouse flottant dans un espace laiteux Finestra in Venezia-Cardinale Archinto. Fenêtre à Venise- Cardinal Archinto.
Goerg Baselitz. Sur la cimaise Ach herrje, ma tutto occupato, 2016. Huile sur toile. 400 x 600 cm.. Collection particulière © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, 2018, visite presse exposition Corpus Baselitz, musée Unterlinden, Colmar.
Sans concession, nous assistons à la mise à nu, dans son regard implacable sur son corps et celui de son épouse Elke. Ce n'est plus le corps de l'homme viril, sûr de la manifestation matinale de sa gloire sexuelle, celui dont les tableaux exposés en 1963 furent décrochés et saisis pour outrage public à la pudeur et pornographie, mais un corps dans un âge avancé et meurtri, à côté de sa femme Ach rosa, ach rosa. Oh rose, oh rose.
Le corps entre dans la lumière, dans le bleu, pour la résurrection de Guidiamo. Nous roulons. Un regard lucide, très lucide sur lui-même se manifeste dans Ach herrje, ma tutto occupato. Oh mon Dieu, mais tout est occupé (2016), deux tableaux accolés avec la répétition de quatre corps scarifiés pudiquement drapés, les bras ballants, impuissants face à la maladie comme si la répétition annulait le tragique pour aller vers le burlesque. Une référence à son hospitalisation.
Baselitz ou une explosion de lumière à travers des sujets de souffrance.
Gilles Kraemer
envoyé spécial
Corpus Baselitz
10 juin - 29 octobre 2018
Musée Unterlinden - Colmar
Commissariat Frédérique Goerig-Hergott
Catalogue bilingue français-allemand. Préface de Pantxika De Paepe et Thierry Cahn. Introduction de Frédérique Goerig-Hergott. Nu comme un peintre Éric Darragon. Anklänge (Références) Georg Baselitz. Nous nous élèverons Frédérique Goerig-Hergott. Entretien avec Georg Baselitz, propos recueillis par Frédérique Goerig-Hergott. Damals, dazwischen und heute (Autrefois, entretemps et aujourd’hui) Georg Baselitz. Format en hauteur relié dos carré cousu collé procurant à cet ouvrage un effet de raffinement totalement inhabituel au catalogue d'exposition. 152 pages. Éditions RMN - GP / Musée Unterlinden. Prix 29 €.
Internet www.musee-unterlinden.com/
www.tv7.fr/VOD/Curio-cite/Exposition-Corpus-Baselitz-Musee-Unterlinden-VvZ1rFQTBU.html
Georg Baselitz à la Corderie, Arsenale, Venise © Le Curieux des arts Antoine Prodhomme, visite presse Biennale de l'art de Venise, 6 mai 2015.
Peinte en 2014, la série Avignon, rappel de l'exposition Picasso au crépuscule de sa vie au palais des Papes, huit autoportraits monumentaux - cinq mètres de haut - est présentée en 2015 à la 56e Biennale de l'art de Venise All the World's Futures, 9 mai au 22 novembre. Témoignage d'un artiste repoussant les limites de la peinture avec ces corps rose aux yeux exhorbités se détachant sur un fond noir. Avignon dada trip; Der Papst ist in Rom; Es fällr keine Schatten; Oh Schande; Fällt von der Wand nicht; Was is gewesen, vorbei; Kein Papst in Avignon et Amung, Lennung, alles zusammem. Achat de François Pinault pour une somme avancée de 8 millions d'€ comme lu en 2015 dans les articles consacrés à cette Biennale,
Georg Baselitz à la Corderie, Arsenale, Venise © Le Curieux des arts Antoine Prodhomme, visite presse Biennale de l'art de Venise, 6 mai 2015.