Une peinture de Bon Boullogne pour le musée Bonnat-Helleu de Bayonne
Gilles Kraemer.
Pertinente préemption par le musée Bonnat-Helleu de Bayonne lors de la vente de Tableaux anciens et du XIXe siècle et Sculpture chez Sotheby’s Paris avec cette toile de Bon Boullogne représentant la Guérison du paralytique (1)
La Piscine de Bethesda (ou maison de la grâce) est lieu d'un miracle de Jésus relaté dans l'Évangile selon saint Jean (5, 1-15). Au premier plan, plusieurs infirmes se pressent autour de la piscine de Bethesda. Un ange apparaît dans le ciel. C’est l’instant précis que Bon Boullogne saisit, celui d’un homme malade depuis trente-huit ans face au Christ lui disant " Lève-toi, prends ton grabat et marche.". Et à l'instant l’homme fut guéri, il prit son grabat et se mit à marcher.
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Bon Boullogne (Paris 1649 - 1717), La guérison du paralytique à Bethesda. Huile sur toile. 81,5 x 65 cm. © Sotheby’s Paris. Vente du 3 décembre 2020.
Il s’agit du tableau préparatoire de Bon Boullogne pour le May de Notre Dame, exécuté en 1678 pour la guilde des orfèvres de Paris. L’exécution des May de Notre Dame est une tradition familiale pour cette famille de peintres. Louis Boullogne père exécuta ceux de 1646, 1648, 1657 et 1669. Louis de Boullogne le Jeune ceux de 1685 et 1695.
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Louis de Boullogne le Jeune (Paris 1654 - 1733), Le centurion aux pieds du Christ. May de 1685. Musée des Beaux-Arts, Arras.
Le musée des Beaux-Arts d’Arras conserve le May de Bon Boullogne ainsi que ceux de son père de 1646 et 1648 et celui de son frère de 1685.
L’actualité rattrape cette préfecture du Pas-de-Calais mais d’une toute autre façon. Une pétition pour l’abbaye Saint-Vaast et le musée des Beaux-Arts d’Arras a été lancée en octobre 2020 par les Amis de l’Abbaye Saint-Vaast à l’adresse de la ministre de la Culture Roselyne Bachelot afin d’empêcher qu’une partie des locaux occupés par le Musée des Beaux-Arts d’Arras soit transformée en hôtel. (2)
Au XVe siècle, la confrérie Sainte-Anne et Saint-Marcel des orfèvres institue la tradition d’offrir, chaque année au mois de mai, un présent à la Vierge. S’il s’agissait au départ d’un arbre vert, à partir de 1482, l’arbre est remplacé par un petit édicule hexagonal ou tabernacle de may auquel sont suspendus des poèmes en l’honneur de la Vierge et des tableautins. Puis de 1608 à 1630 la corporation instaure la commande d’une peinture : le petit may. En 1630 changement et instauration de grands tableaux avec des sujets empruntés majoritairement aux Actes des Apôtres. Il en sera ainsi jusqu’en 1707. (3)
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Bon Boullogne (Paris 1649 – 1717), La guérison d’un paralytique à Bethesda. Huile sur toile. 81,5 x 65 cm© Sotheby’s Paris.
Formé à Paris auprès de son père Louis I Boullogne (Paris 1609 - 1674), peintre d’histoire et cofondateur, en 1648, de l’Académie royale de peinture et sculpture, Bon participe à ses côtés à la décoration de la Grande galerie du Louvre vers 1668-1669. Nommé pensionnaire à l’Académie de France à Rome, il part pour l’Italie à la fin 1669, séjournant à Rome puis en Lombardie pour revenir à Paris au début de l’année 1675. Il est reçu la même année comme peintre d’histoire à l’Académie royale de peinture et sculpture en présentant Hercule combattant les centaures (musée du Louvre). Il sera nommé professeur adjoint en janvier 1684 puis professeur en décembre 1692 de l'Académie.
En 1677, il reçoit la commande du « may de Notre-Dame dont le musée Bonnat-Helleu de Bayonne vient d’acquérir le tableau préparatoire.
Vers 1680-1681, il peint Le Mariage de la Vierge pour l’église de l’Assomption à Paris. Participant aux grands chantiers artistiques de l’époque, il peint un tableau d’autel pour la chapelle du Château de Versailles (1682), puis participe au décor de l’église Notre-Dame de Versailles par trois tableaux (1686), à celui du Grand Trianon avec Vénus, Hymen et les Amours et Vénus à sa toilette et Mercure (1688).
En 1699, la nomination de l’architecte Jules Hardouin-Mansart comme surintendant des Bâtiments du roi fut suivie d’un "Salon des académiciens", exposition réunissant la production des membres de l’Académie royale de peinture et sculpture. Ce fut pour Bon Boullogne l’occasion d’exposer Le Retour de Jephté (musée de l’Ermitage, Saint Pétersbourg). Cette nomination de Jules Hardouin-Mansart se traduisit également par un renouveau des commandes aux artistes. Ainsi fut-il chargé, en 1700, de décorer la résidence du Grand Dauphin à Meudon avec un tableau représentant Vénus, Bacchus et Cérès. Il devait également peindre, en 1702, un dernier tableau pour Trianon : Junon et Flore.
En 1702-1703, il décore la chapelle Saint-Ambroise puis en 1703 celle de Saint-Jérôme ; toutes deux à l’église des Invalides. Entre 1705 et 1710, il devait encore participer au décor de la chapelle royale de Versailles et livrer quatre compositions mythologiques pour le comte de Toulouse.
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© Sotheby’s Paris.
Décédé le 16 mai 1717, il sera inhumé le 18 mai à Saint-Roch en présence de son frère Louis et de son beau-frère Simon de Villaine.
Je renvoie à l’exposition que le musée Magnin de Dijon consacra à cet artiste il y a six ans. Cette rétrospective permettait de re-découvrir l’œuvre peint et dessiné de Bon Boullogne, qui, avec Charles de La Fosse, Jean Jouvenet, Antoine Coypel et Louis de Boullogne, fut l’un des cinq plus célèbres peintres d’histoire de la fin du règne de Louis XIV. L’exposition soulignait que l’œuvre de Bon Boullogne est diversifié, tant du point de vue des genres que des techniques. Tantôt imite-t-il les grands Bolonais, tantôt réalise-t-il des pastiches des petits maîtres hollandais du Siècle d’or. Cette dimension insolite apparaîtra dans l’exposition, de même que le rôle considérable que Boullogne joua sur le plan de l’enseignement. Non seulement la plupart des peintres français actifs au tournant du siècle furent formés dans son atelier, mais en multipliant les sujets mythologiques peuplés de nudités, Boullogne posa également les bases du goût qui allait prévaloir dans la première moitié du XVIIIe siècle. (4)
Reconnaissance tardive de ce peintre. Lors des expositions Les Peintres du Roi-Soleil (Palais des Beaux-Arts de Lille, 1968), Les Amours des Dieux La peinture mythologique de Watteau à David (Galeries nationales du Grand Palais, octobre 1991 - janvier 1992) ou La Peinture française du XVIIe siècle dans les collections américaines (Galerie nationales du Grand Palais, janvier - avril 1982), aucune peinture de Bon Boullogne n’était présentée.
A l’exposition Les couleurs du ciel. Peintures des églises de Paris au XVIIe siècle, deux tondi de Boullogne étaient montrés, oeuvres préparatoires pour l’église du dôme des Invalides. L’une L’Apothéose de saint Ambroise (ca 1702) destinée à la petite coupole de la chapelle éponyme, l’autre La Gloire de saint Jérôme (ca 1703-1702) pour la petite coupole de la chapelle dédiée à ce saint. Jules Hardouin-Mansart avait imposé Charles François Poerson (1653 - 1725) mais son travail s'étant révélé peu satisfaisant, la commande fut passée à Boullogne.
(1) Estimé 15 / 20 000 €, ce tableau a été préempté 15 120 euros, frais inclus.
Fermé depuis le 11 avril 2011 pour des travaux de rénovation et d’extension, la réouverture du musée Bonnat-Helleu était prévue pour fin 2019. Le temps serait plutôt celui de 2023-2024. http://www.lecurieuxdesarts.fr/2018/02/paul-cesar-helleu-un-don-et-une-nouvelle-acquisition-pour-le-musee-bonnat-helleu-de-bayonne.html
(2) https://www.cyberacteurs.org/cyberactions/lamoitiyidelabbayesaint-vaastdarras-4292.html
(3) Je renvoie au catalogue de l’exposition d’octobre 2012 – février 2013 au musée Carnavalet Les couleurs du ciel. Peintures des églises de Paris au XVIIe siècle sous la direction de Guillaume Kazerouni. Ce catalogue m'a été très utile pour la rédaction du "May". Commissariat de Jean-Marc Léri, Daniel Imbert, Thierry Sarmant, Lionel Britten, Guillaume Kazerouni.
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(4) Bon Boullogne (1649-1717). Un chef d’école au Grand Siècle - décembre 2014 - mars 2015 - Musée Magnin - Dijon - Rémi Cariel, directeur du musée Magnin, commissaire général et François Marandet commissaire scientifique - Catalogue de François Marandet, préface de Pierre Rosenberg, Bon Boullogne. 1649-1717. Un chef d’école au grand siècle, 2014.
Le rédacteur de cet article est membre du Conseil d’administration de la Société des Amis du Musée Bonnat-Helleu.