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Publié par Gilles Kraemer

Gilles Kraemer (mardi 15 juin, place achetée, loge de corbeille)

 

Si ce n’est la chaleur des retrouvailles avec l’opéra au Théâtre des Champs-Elysées qui nécessita, pour la tempérer, l’intrusion de crêtes neigeuses et l’apparition d’un glacier détaché de la banquise ou les 30 degrés de ce mardi qui incitèrent, dans ce lieu que l’on connaissait plus mesuré, des spectateurs à porter le bermuda et la chemise hawaïenne à la première, cette soirée ne restera pas dans les mémoires.

Pretty Yende © Vincent Pontet, juin 2021, TCE.

Que penser de l’accoutrement Super Mario du ténor proclamé metteur en scène, sweat jaune et écharpe rouge au moment du salut ? Comique ou navrant ! Pressentait-il que sa mise en mouvement serait unanimement huée puisque dans une provocation calculée, face à cette bronca, il s’affublera d’un nez rouge ? Une façon subtile de rappeler qu’il est ambassadeur de l’Association "Les Nez Rouges à l’hôpital" et membre du Collège de Pataphysique.

Dommage pour sa 11ème mise en scène en 10 ans. L’on attendait avec tellement d’impatience cette Somnambule sacrant Pretty Yende. Tout Paris a pour elle les yeux de Rodrigue et l’adore. Elle a littéralement sauvé la représentation du naufrage dans la mer de glace.

Un metteur en scène se doit de malmener le livret pour prouver qu’il existe. Celui de la Somnambule n’y a pas failli. Dans l’ultime mesure, Amina revêt la robe de chambre de Rodolfo, quitte le futur foyer conjugal avec sa mère, laissant son ex-Elvino roucouler avec Lisa. Qu’apporte cette relecture visuelle et continuelle du livret ? Quand s’éteindra cette doxa institutionalisée des metteurs en scène modeux ? Quand cessera-t-on de se moquer de ceux qui payent 180 euros une place ? Autant se contenter d’une version concert. Pour sa mise dite en scène, Rolando Villazón n’y coupe pas. Elle est loupée. Être Lavelli n’est pas permis à tout le monde.

© Vincent Pontet, juin 2021, TCE.

Tout n’est que glaciation sur scène, les costumes sont le triste reflet d’une communauté privée de tout contact. Ce ne sont pas des noces que l’on s’apprête à célébrer mais un enterrement. Seules les trois danseuses, vêtues de voiles arachnéens, contribuent à donner de la vie à tout cet immobilisme et à ce monde plongé dans la mélancolie.

Pretty Yende et Alexander Tsymbalyuk © Vincent Pontet, juin 2021, TCE.      La première partie tarde à nous émouvoir jusqu’à la scène de somnambulisme de Pretty Yende – Amina- Geloso / Saresti ancora dello straniero? Ah parla! / Sei tu geloso ? dans un dialogue parfait avec le grand Alexander Tsymbalyuk, exceptionnel Rodolfo comme il le sera en séducteur de Lisa. Une attitude Don Giovanni et grand seigneur.

Dans un apéritif interminable, il faudra attendre les quinze dernières minutes de la première partie pour que certains chanteurs prennent possession de leurs rôles, fallait-il encore que l’on réussisse à comprendre qu’ils s’expriment en italien. Le sous-titrage avait toute sa place ce soir. Heureusement qu’ils n’étaient pas masqués comme le Chœur de Radio France et la Maîtrise des Hauts-de-Seine qui enlèvent tous les suffrages sous la direction orchestrale pétillante et attentive de Riccardo Frizza, entouré de l’Orchestre de chambre de Paris puisque, distanciation oblige, la fosse est couverte, l’orchestre placé  sur une partie du parterre, entourant son chef.

Francesco Demuro – Elvino – se heurte à ses aigus ; le public saura lui pardonner en l’applaudissant avec un enthousiasme un tantinet démesuré après Ah! per me non v’ha conforto. No. / Il mio cor per sempre è morto / Alla gioia ed all’amor. Il est vrai que l’on était tellement privé de représentations réelles depuis des mois, l’oreille doit se réhabituer… .

Pretty Yende et Annunziata Vestri © Vincent Pontet, juin 2021, TCE.

Sandra Hamaoui – Lisa – devient plus audible en seconde partie. Les suffrages vont à la mère et à la fille. Annunziata Vestri – Teresa – est la mère parfaite, sachant défendre sa fille devant les villageois et Elvino. Pretty Yende sauve vocalement cette représentation. Sans elle, nous aurions sombré dans l’ennui, la musique de ce Bellini n’étant pas une des plus emblématiques. Une voix cristalline comme l’eau des rivières alpines scintillant sous le soleil. Un registre passant dans toutes les émotions. Un pur bonheur dans une terne soirée.  Je n’irai pas jusqu’au "soirée ratée" comme le gazouillait un jeune  "influenceur". Morne et onéreuse soirée. 

© Le Curieux des arts Gilles Kraemer, 15 juin 2021, TCE.

Vincenzo Bellini, La Somnambule, opéra en deux actes (1831)

Livret de Felice Romani

Rolando Villazón| mise en scène

Philippe Giraudeau chorégraphie  //  Johannes Leiacker décors 

Brigitte Reiffenstuel costumes  //  Davy Cunningham lumières

Pretty Yende | Amina soprano

Francesco Demuro | Elvino ténor

Alexander Tsymbalyuk | Rodolfo basse

Annunziata Vestri | Teresa mezzo-soprano

Sandra Hamaoui | Lisa soprano

Marc Scoffoni | Alessio baryton

Jeremy Palumbo | Un notaire

Riccardo Frizza | direction  //  Orchestre de chambre de Paris

Chœur de Radio France direction Sylvie Leroy  //  Maîtrise des Hauts-de-Seine| direction Gaël Darche

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