Une Architecture sans Structure. Festival d'Avignon 2019 (I).
Architecture de cette 73e édition du Festival d'Avignon ne connaît ni l'usage du fil à plomb ni celui du niveau à bulle. Ou l'a oublié. Tout architecte-metteur en scène, face au mur de la cour d'honneur du Palais des Papes, devrait avoir en mémoire ces instruments. Ces outils de la verticalité et de l'horizontalité surtout lorsqu'il parle de chaque élément architectural de ce bâtiment, peut en '' expliquer chaque fenêtre, chaque larmier ''. Un mot qui en remonta à Laurent Goumarre (faussement) étonné lors de la conférence de presse, accueillant Pascal Rambert, costume noir, Repetto aux pieds, panama au liseré vert académie. Le larmier permet l'écoulement de l'eau de ruissellement de la face du mur !
Architecture © photo Le Curieux des arts Guillaume Kraemer, juillet 2019, Festival d'Avignon.
L'écriture de Pascal Rambert ne pratique ni le point, ni la virgule, ni la majuscule. Quel pensum que la lecture de sa pièce ! Heureusement pas d'écriture inclusive. Pour la longueur de la représentation, il en justifie les quatre heures par l'attention trop difficile dans notre vie fragmentée, emplie d'écrans. Il souhaite mettre à l'épreuve son spectateur. Est-ce pour ceci que les acteurs d'Architecture usent chacun d'un ordinateur au sigle d'une pomme entamée ? '' Je fais exprès des pièces avec des longs monologues pour retenir l'attention ''. Oui, retenir, mais que ceux de Jacques dès la première scène, de Stan, de Laurent, d'Arthur, d'Audrey, d'Emmanuelle sont longs. Excessivement longs. Du verbiage. L'on se croirait dans un opéra baroque, dans des airs programmés pour une soprano ou un haute-contre connus ! Soit l'on attend, soit l'on s'ennuie.
Architecture © photo Le Curieux des arts Guillaume Kraemer, juillet 2019, Festival d'Avignon.
Tout suggérait le bonheur d'une belle nuit. Un plateau horizontal laissant respirer le mur. Différents meubles disposés sur un sol blanc, en divers salons. Un mélange de mobilier Biedermeier 1830-1840, Michael Thonet et Joseph Hoffmann, co-fondateur de la Sécession et architecte en chef de la ville de Vienne en 1920 – tel un clin d'œil à l'architecte Jacques -. Puis du mobilier Marcel Beuer que les machinistes apporteront dans le temps de l'action. L'on a même droit à l'inclusion de la modernité avec l'installation minimaliste ''façon Danh Vo Biennale de Venise'' d'une statuette posée sur une table basse. Costumes élégants d'Anaïs Romand - très plage des Alberoni de Morte a Venezia - dont le blanc se mariait bien avec la couleur des pierres du Palais. Très Visconti.
Architecture © Christophe Raynaud de Lage / Festival d'Avignon.
Que voir si ce n'est une sous-version de La caduta degli Dei mais autrichienne pour cette tragédie d'un famille viennoise, dominée par le patriarche Jacques devant lequel tous se taisent et tremblent sauf Stan qui le laisse éructer sa colère ! Ces temps des avant-jours de la Grande guerre – scène grand guignol de l'attentat de Sarajevo mimée par Denis/Pascal et Arthur - à l'Anschluss qui verra ces hommes et ces femmes qui '' ont donné leur vie pour la pensée […] pour la beauté '' disparaître !
Dès la première du jeudi 4 des spectateurs partent durant la représentation, l'entracte attendu patiemment permet la fuite. Un silence lourd, pesant dans la cour, celui de l'ennui non dissimulé. Dommage car la seconde partie d'une heure est enlevée et provoque enfin notre attention avec des acteurs jouant enfin collectivement et non plus individuellement. Mais trop tard, bien trop tard pour des applaudissements de politesse.

Architecture © Christophe Raynaud de Lage / Festival d'Avignon.
Un casting, sur papier, d'acteurs connus ne suffit pas. Mais, sont-ils vraiment en union dans cette non proximité, ont-ils répété suffisamment ensemble ? Le cheval sur scène, est un souvenir de Patrick Chéreau et Hamlet ! Les pas de danse, celui de Pina Bausch ! Mais le chat qui traverse le plateau dans un temps millimétré d'ennui, quel souvenir remue-t-il ?

Architecture © Christophe Raynaud de Lage / Festival d'Avignon.
Rendez-vous au Théâtre des Bouffes du Nord. Sans micro hf, cette calamité contribuant encore plus à la difficulté d'entendre le texte perdu dans l'immensité. Normalement un autre ressenti. Si un architecte il y a....
Gilles Kraemer
représentations des jeudi 4 et vendredi 5 juillet 2019
séjour et déplacement personnel à Avignon
Pascal Rambert © photo Le Curieux des arts Gilles Kraemer, 5 juillet 2019, Festival d'Avignon.
Pascal Rambert Architecture
4 5 6 | 8 9 10 11 12 13 juillet 2019
Cour d’honneur du Palais des Papes
Avec Emmanuelle Béart, la fille, épouse d'Arthur, psychanalyste
Audrey Bonnet, la bru, épouse de Denis / Pascal
Anne Brochet, la fille, épouse de Laurent
Marie-Sophie Ferdane, la seconde épouse de Jacques, poétesse
Arthur Nauzyciel, le gendre, époux d'Emmanuelle, journaliste
Stanislas Nordey, le fils, célibataire, homosexuel, philosophe
Denis Podalydès de la Comédie-Française en alternance avec Pascal Rénéric, le fils, bègue, époux d'Audrey, compositeur de musique atonale,
Laurent Poitrenaux, le gendre, époux d'Anne, journaliste
Jacques Weber le père, architecte
Texte, mise en scène et installation Pascal Rambert
Coproduction Festival d’Avignon, Théâtre national de Strasbourg, Théâtre national de Bretagne (Rennes), Théâtre des Bouffes du Nord (Paris), Bonlieu Scène nationale d’Annecy, Les Gémeaux Scène nationale (Sceaux), La Comédie de Clermont-Ferrand Scène nationale, Le Phénix Scène nationale pôle européen de création Valenciennes, Les Célestins Théâtre de Lyon, Emilia Romagna Teatro Fondazione (Italie);
Avec le soutien pour la 73e édition du Festival d'Avignon : Spedidam Résidence La FabricA du Festival d’Avignon.

Affiche de la 73e édition du Festival d'Avignon Miryam Haddad, Agonia / Graphisme mine de rien.