TEFAF New York Fall 2016. Incontestable et magistrale réussite. TEFAF New York Fall 2016. Indisputable and magnificent success
Gilles Kraemer,
déplacement et séjour à New York à titre strictement personnel
Et, quand il sera temps, si tu ne viens pas à TEFAF Maastricht, TEFAF Maastricht ira à toi ! Dans une libre re-formulation du texte de Paul Féval, l'Amérique se déplaçant moins fréquemment vers la vieille Europe, celle-ci a décidé d'aller à sa rencontre.
Pari gagné pour cette première implantation aux États-Unis du concept néerlandais de Maastricht.
Une tentative en terres chinoises fut évoquée en "mars 2013, la TEFAF annonçait qu’elle avait entamé des discussions en exclusivité avec Sotheby’s afin d’étudier la possibilité de mettre en place une foire de l’art de haut vol en Chine par le biais de la joint-venture de Sotheby’s à Beijing, GeHua. Au cours des derniers mois la TEFAF, avec le concours de Sotheby’s, avait ainsi développé une proposition détaillée destinée aux exposants, qui impliquait notamment le soutien et la coopération des autorités chinoises et répondait en outre aux exigences du pays. Le Comité exécutif et le Conseil d’administration de la TEFAF Maastricht [arrivèrent] à la conclusion qu’une foire de cette envergure, telle qu’elle avait été envisagée, ne peut pas avoir lieu à Beijing à l’heure actuelle" (communiqué presse TEFAF du 12 décembre 2013).
À l'écoute de quelques marchands - parmi 94 venant de 14 pays - rencontrés à TEFAF New York Fall (joint-venture entre TEFAF et Arvest Partners), le succès fut au rendez-vous. Et dès le vernissage, aux dires de ceux-ci, ce qu'une discrète épidémie de points rouge dans les stands révélait. Le contraire n'était même pas... envisageable, cette manifestation étant la fille de l'incontournable TEFAF Maastricht qui fêtera ses trente ans en 2017.
Ce n'est pas encore aujourd'hui que l'on verra un embouteillage de jets privés à JFK comme le faisait remarquer un marchand habitué de la foire néerlandaise même si les collectionneurs et les conservateurs étasuniens furent présents, très présents. Comme s'ils se rattrapaient d'avoir été privés d'objets d'art; il est vrai que les compagnies d'assurance ne sont pas très enclines à les voir se déplacer en Europe, surtout en France où l'état d'urgence est de rigueur.
Vetting composé presque exclusivement de professeurs et de conservateurs d'institutions muséales nord-américains, décoration minimaliste des extérieurs des stands, très belles présentations, des pièces de qualité muséale et jamais vues comme chez Éric Coatalem ou Heribert Tenschert, une recherche scénographie pour certains marchands (Carolle Thibaut-Pomerantz & Maisøn Gérard, Phoenix Ancient Art venu en voisin, sa galerie se trouvant à quelques mètres de l'Armory, Luca & Laura Burzio, Jacques Germain, les miroirs de l'infini chez Adriadne Galleries tel un remake de La Dame de Shanghai pour capturer ses sculptures gréco-romaines et égyptiennes..... ), allées larges, banquettes mais... étonnante absence de fontaines d'eau, le concept du bar à huîtres et à champagne très couru à TEFAF réimplanté.
L'on se croirait à Maastricht, en mars, pour l'atmosphère que j'y retrouve sauf qu'en place de l'immense hangar du MEEC, vous êtes dans la mythique Armory, en plein cœur de Manhattan. Même les immenses bouquets blancs semblaient venus des Pays Bas. Indiscutable connaissance avertie et pointue des collectionneurs soulignèrent les marchands.
Fortes présences des institutions nord-américaines, Parmi celles-ci, le Musée des Beaux Arts de Montréal, le Metropolitan Museum of Art et la Frick Collection de New York, le Getty, le LACMA, le Detroit Institute of Art, le Milwaukee Art Museum, le Portland Art Museum, la National Gallery of Art Washington DC et le Corning Museum of Glass.
Bien loin du bling-bling et des stilettos des "créatures de rêve" et des bronzages hors-saison, mais plutôt le rendez-vous de la discrétion, celle de la planète Kelly maison Hermès sous toutes ses versions - les New Yorkaises aiment ce magasin implanté Madison Avenue - et de la maison de mademoiselle Chanel.
Ticket d'entrée à 50 $, on est à New York, ne pas l'oublier, où les prix sont rudes même si les taxis sont peu chers.
Un seul bémol mais il devrait être pris en considération, le vernissage de vendredi 21 en deux temps. De midi à 16 heures pour les VIP et la presse qui durent laisser la place pour l'opening night au bénéfice de The Society of Memorial Sloan Kettering de 17 à 21 heures Ceci cassa quelque peu l'ambiance de l'ouverture; l'Europe est peu habituée à cette façon de concevoir un vernissage en deux temps... aussi tranché.
Galerie Jacques Germain, Montréal // Galerie Chenel, Paris © photographies Le Curieux des arts Gilles Kraemer, 23 et 24 octobre 2016, TEFAF New York Fall 2016
Si certain marchand parisien fut circonspect dans son ressenti, empreint de morgue, ne manifestant strictement aucun étonnement de rencontrer un journaliste français venu spécialement à New York, à titre personnel - nous devons être deux à avoir fait le déplacement à titre personnel depuis Paris - les propos de ses confrères furent plus empreints de chaleur et de spontanéité.
Pour Jacques Germain, venu de Montréal, habitué de Brafa et de Parcours des mondes-Salon international des arts premiers, "l'on est au centre du monde de la planète art à New York". Il perçoit cette première manifestation se déroulant Park Avenue - pas l'endroit le plus pauvre de notre planète, l'entrée est quand même à 50 dollars, catalogue compris et 20 dollars il me semble la flûte de champagne - comme "très porteuse, avec la volonté affirmée d'en faire un événement mondial. Quelque chose est en train de naître et l'on est heureux et chanceux d'être là". L'accueil a été très favorable pour les pièces d'art africain qu'il présente et l'attention des institutions muséales américaines très palpable.
Luca & Laura Borzio reconnaissent "l'accueil favorable et très surpris des amateurs américains qui ne s'attendaient manifestement pas à trouver une manifestation d'une telle qualité et de niveau international". Naturellement, à l'égard de la communauté italienne new yorkaise très très présente et connaisseuse, ils montraient un choix d'objets italiens extraordinaires - nous aurons l'occasion d'en reparler - dont un rarissime fauteuil napolitain et quatre tabourets romains, meubles qu'un premier regard donnait natif de Venise. "Meravigliosa mostra" selon Laura.
Jeunes marchands du quai parisien Voltaire, n'ayant jamais participé à TEFAF, Ollivier et Adrien Chenel ne masquaient pas le plaisir d'être retenus. Pour eux "le pari new yorkais d'implanter cette foire est largement réussi. Belle tenue, vivacité, public connaisseur, nombreuses institutions présentes" sont les propos revenant souvent chez eux. Un scoop : Leonardo DiCaprio très attentif et avide de renseignements est resté vingt minutes sur leur stand présentant des antiquités.
Les Enluminures, Paris, New York, Chicago // Shapero Rare Books, Londres // Carolle Thibaut-Pomerantz, New York, Paris & Maison Gerard, New York © photographies Le Curieux des arts Gilles Kraemer, 23 et 24 octobre 2016, TEFAF New York Fall 2016
Le regard de Sandra Hindman des Enluminures - galeries à Chigaco, New York, Paris (et souhait d'être à Londres, un scoop qu'elle nous a confié) - était d'autant plus intéressant qu'elle participe à TEFAF depuis 23 années. "New York avait besoin d'une telle manifestation". Même si sa galerie est non loin de l'Armory, elle juge que sa présence était indispensable, le public venant plus fréquemment à une foire que dans une galerie, c'est un moyen de faire connaître son implantation sur le sol étasunien. "Mais aussi une façon de donner aux américains l'envie de venir en Europe. Ici 90 marchands les ont étonnés. Aux Pays-Bas ils savent que le triple les y attend, en incluant la section art moderne et contemporain". Répondront-ils et succomberont-ils, du 10 au 19 mars 2017 à l'appel de Maastricht, sur les bords de La Meuse ? Une façon aussi pour elle d'affirmer que "le marché de l'art n'est pas seulement new yorkais mais aussi européen".
Telle qu'elle le souligne très justement, nombreux de ses confrères de New York sont présents à l'Armory, tels Blumka Gallery, Richard L. Feigen & Co (présentant un bronze de Gustave Courbet : La Liberté), Mireille Mosler Ltd, Taylor | Graham ou Adam Williams Fine Art Ltd. Pour Shapero Rare Books, libraire rencontré annuellement à Maastricht, le sentiment est le même. "La perception d'un dynamisme et d'un beau pouvoir d'achat est perceptible chez les visiteurs, les marchands sont très motivés".
Même perception pour Carolle Thibaut-Pommerantz, habituée de la Biennale et de TEFAF, implantée à Paris et à New York. "Dans ce lieu extraordinaire, le public est véritablement étonné par la qualité de la sélection et ne s'attendait manifestement pas à voir ceci. Il n'est pas dans ses habitudes d'être confronté à une telle excellence d'un salon d'antiquités aux États-Unis".
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Éric Coatalem, Paris // Galerie Kevorkian, Paris © photographies Le Curieux des arts Gilles Kraemer, 23 et 24 octobre 2016, TEFAF New York Fall 2016
Le goût français, en matière de tableaux, chez Éric Coatalem (trésorier suppléant au conseil d'administration du Syndicat national des antiquaires), pour lequel "les conservateurs des institutions américaines sont véritablement impressionnés par le niveau de la manifestation". Il est vrai que l'éblouissement de la qualité TEFAF sidère toujours et laisse médusé même après y être habitué depuis quinze années, comme pour moi.
"Ambiance et énergie positive, public extraordinairement bluffé par la force de cette manifestation" pour Corinne Kevorkian (secrétaire générale au conseil d'administration du S.N.A.), exposant à la Biennale et Maastricht. Si les pièces d'antiquité sont particulièrement recherchées sur le marché européen, elle constate ici "un intérêt très fort pour les miniatures que je présente; un tiers était vendu dès le second jour".
De Jonckheere, Genève // Cahn International AG, Bâle © photographies Le Curieux des arts Gilles Kraemer, 23 et 24 octobre 2016, TEFAF New York Fall 2016
Selon Georges DeJonckheere (membre du conseil d'administration du S.N.A.), présent à la Biennale et à TEFAF, "ce rendez- vous est de qualité et, un tel salon à New York, nous l'attendions depuis longtemps".
Pour Jean-David Cahn, venu de Bâle, habitué de TEFAF, sa présence est l'occasion de toucher un large public très curieux et les "institutions qui furent étonnamment surprises de la qualité des objets. Ce bâtiment a du potentiel et l'ouverture des salons du premier étage, accessibles pour la première fois, fut l'un des motifs de ce littéral engouement des New Yorkais curieux de découvrir ce lieu. La tradition des américains est de venir acheter à New York".
J'ajouterai qu'en visitant le Metropolitan Museum of New York - incontournable exposition Valentin de Boulogne Beyond Caravaggio présentant 45 tableaux d'un œuvre connu de 60 numéros - l'on ne peut qu'être stupéfait par l'aile des Arts grec et romain. Si l'on prend le temps de lire les cartels, nombre d'œuvres furent offertes, sous-entendant le potentiel et la connaissance avertie des collectionneurs nord-américains dans les arts antiques.
Une soupçon de people : Pierce Brosnan, Leonardo DiCaprio et Ai Weiwei ont poussé la porte de l'Armory. La haute joaillerie avec Wallace Chan, comme à son habitude, fut bluffante par les bijoux présentés, des chefs d'œuvre.
Avec TEFAF New York Fall, une sérieuse concurrente vient de naître sur la planète de l'art. TEFAF Spring 2017, en mai, la seconde fille dans le domaine de l'art moderne et contemporain de la TEFAF fera-t-elle aussi bien à New York ? 15 000 visiteurs sont venus à cette manifestation automnale.
TEFAF New York Fall
22- 26 octobre 2016
Park Avenue Armory - New York
Retour Air France par le vol de nuit depuis JFK, ce qui laisse le temps de commencer l'article sur TEFAF New York Fall