Trésors enluminés de Normandie. Une (re)découverte. Musée des Antiquités de Rouen
Initiée en 2005 par l'Institut national d'histoire de l'art, la campagne d'inventaire des manuscrits et des feuillets enluminés du Moyen Âge et de la Renaissance conservés dans les musées de France voit sa première concrétisation en 2013, lorsque trois institutions, en partenariat avec l'INHA et l'Institut de Recherche et d'Histoire des Textes, présentent le fonds de leur région. Il s'agissait du palais des Beaux-Arts de Lille pour les manuscrits et feuillets enluminés du Nord-Pas de Calais, Picardie et Champagne-Ardenne, du musée des Augustins de Toulouse pour le Midi-Pyrénées et le Languedoc-Roussillon, le musée des Beaux-Arts d'Angers pour les Pays de la Loire et le Centre. Trois expositions accompagnées d'un catalogue.
Dans cette continuité, le musée des Antiquités de Rouen présente, dans le cadre de l'exposition : Trésors enluminés de Normandie. Une (re)découverte, des manuscrits et des feuillets enluminés conservés dans les institutions de cette région, du musée d'Art et d'Histoire d'Avranches aux archives départementales de la Manche à Saint-Lô ou au musée de Vire, avec une exception pour les 19 manuscrits du legs Auguste Dutuit à Paris, aujourd'hui au Petit Palais, prêtés par ce musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris. Un catalogue - un magnifique catalogue, peu onéreux - accompagne cette présentation. Il suit le déroulé de l'exposition, celui du parcours historiograhique dans une des galeries de style gothique de ce musée ouvert en 1834 puis celui des salles du sous-sol présentant des Bibles, manuscrits liturgiques, livres d'heures, enluminures et dépeçages, imprimés.
© photographie Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite de l'exposition Trésors enluminés de Normandie. Une (re)découverte
Le propos s'ouvre sur la redécouverte de l'enluminure à la fin du XIXe siècle, les collectionneurs normands du XIXe et du XXe siècles, les frères Dutuit - Eugène et Auguste Jean-Baptiste - et le normand Léopold Delisle qui fut administrateur de la Bibliothèque nationale. A travers la bibliophilie, l'enluminure fut toujours appréciée et collectionnée dès le XVIIe siècle; la bibliothèque du normand Jean Bigot achetée par Louvois se trouve maintenant à la B.n.F.. Elle permet une approche documentaire pour l'histoire de France lorsque Bernard de Montfaucon illustre dans les années 1729-1733, avec des gravures reproduisant des manuscrits enluminés - dont celui de Commemoration et advertissement de la mort [...] de madame Anne (1514) aux miniatures attribuées au Maître des entrées parisiennes - les cinq volumes de Les Monumens de la monarchie française. Les progrès techniques, la lithographie puis la photographie, aideront à cette diffusion en la sortant du cadre des bibliothèques privées permettant ainsi la reproduction intégrale du Credo du Sire de Joinville en 1837 ou celle des Miracles de Notre-Dame du duc de Bourgogne Philippe le Bon (après 1456) en 1885. Dans leurs textes, José de Los Llanos et Cécile Champy-Vinas évoquent les collectionneurs que furent les frères Dutuit d'origine normande qui s'intéressaient aux ouvrages magnifiquement enluminés ou aux prestigieuses provenances telle celle de la duchesse de Berry pour un Livre d'heures à l'usage de Rouen (1516) aux gravures de Jean Pichore rehaussées. Nicolas Hatot dans son "Apport de l'archiviste et du bibliothécaire à la connaissance des arts du Moyen-Âge" revient sur Léopold Delisle qui sortira de l'oubli et identifiera les enlumineurs Jean Pucelle, le Maître Honoré et les frères de Limbourg. Le Portrait de Léopoldine [Hugo] au livre d'heures par Auguste de Châtillon (1835), conclut ce premier parcours.
Bréviaire de René II de Lorraine. Nancy, vers 1492-1493. Vol II, parchemin, 427 ff. 263 x 382 mm.. La première partie de ce bréviaire est conservée à la bibliothèque de l'Arsenal. Geroges Trubert enlumineur. Provenance : René II de Lorraine et son épouse Philippe de Gueldres. Legs d'Auguste Dutuit à la ville de Pais en 1902. Paris, Petit Palais, musée des Beaux-Arts de la ville de Paris.
Dans cette Annonciation, travail tout en grisaille, l'enlumineur inverse les paroles de l'archange Gabriel. L'intérêt pour la peinture en "miroir" provient sans doute de la relique de l'église de Santa Croc de Rome dont les inscriptions en grec et en latin y ont été écrites de droite à gauche. Trubert fait également allusion à la vie du duc qui vénérait le mystère de l'Annonciation depuis sa victoire contre Charles le Téméraire à Nancy en 1477; victoire qu'il attribuait à la Vierge dont il avait sollicité l'aide sur le champ de bataille. © photographie Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite de l'exposition Trésors enluminés de Normandie. Une (re)découverte
Attavante degli Attaventi (Castelfiorentino 1452 - 1520/1525 Florence ?), Crucifixion et scènes de la vie du Christ, Florence, 1483. Parchemin 380 x 250 mm. Provenance : feuillet détaché du Missel de Thomas James (bibliothèque municipale de Lyon). Collection Langevin-Bazan (1840), légué au musée André-Malraux du Havre (1903); Le Havre, musée André-Malraux, inv. 36.1 © photographie Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite de l'exposition Trésors enluminés de Normandie. Une (re)découverte
La section la plus importante de l'ouvrage, comme celle de l'exposition, est consacrée aux livres d'heures, ouvrages de dévotion destinés aux particuliers pouvant choisir les prières qu'ils souhaitaient y être incorporées, l'enlumineur et son atelier, la représentations des saints et saintes auxquelles ils témoignaient une profonde reconnaissance. Un ouvrage sur mesure et unique. D'un Livre d'heures à l'usage de Rome, Provence (?), premier quart du XVe siècle, conservé au musée des Beaux-Arts de Rouen à un Livre d'heures à l'usage de Rome, Bruges (?), vers 1515-1520, due à deux maîtres anonymes et à celui surnommé le Spécialiste des drôleries, prêt du Petit Palais, ce sont deux siècles d'enluminures qui se succèdent, entre influences parisienne, italienne ou des écoles du Nord, permettant pour chacun des ouvrages étudiés de préciser à qui l'ornementation et les miniatures sont redevables ou attribuables, d'y déceler pour un même ouvrage diverses mains. Comme pour le Livre d'heures à l'usage de Rome, dit "Heures Dutuit", Paris, vers 1530-1540. Un magnifique ouvrage qui nous fait songer que nombreux de ces livres furent démembrés comme la Crucifixion et scènes de la vie du Christ, 1483, provenant du somptueux Missel de Thomas James conservé à la bibliothèque municipale de Lyon, une œuvre si reconnaissable et insurpassable comme surent l'être toutes les miniatures d'Attavante degli Attaventi ou de son atelier florentin. Cette page arrachée renvoie à des pratiques tellement dommageables au XIXe siècle, celle du dépeçage des ouvrages vendus comme des lambeaux pour leurs enluminures, feuillet par feuillet ou plus affligeante encore par lettrine découpée. Une étrange collection de lettres d'alphabet !
Gilles Kraemer
Trésors enluminés de Normandie. Une (re)découverte. Ouvrage sous la direction de Nicolas Hatot, chargé des collections médiévales du musée des Antiquités de Rouen et de Marie Jacob, maître de conférences en histoire de l'art médiéval, université Rennes 2 .Trente-cinq auteurs, d'Anne Margreet W. As-Vijvers à Pierre-Gilles Girault, de Maxence Hermant à Catherine Yvard. Cet ouvrage catalogue les collections normandes d'enluminures conservées dans les musées sous les thématiques des Bibles, manuscrits liturgiques, livres d'heures, enluminures et dépeçages, imprimés. 296 pages. ISBN 978-2-7535-5177-0. Éditions Presses Universitaires de Rennes. Prix 28 euros. Internet www.pur-editions.fr
Nicolas Hatot est le commissaire général de l'exposition éponyme présentée au musée des Antiquités de Rouen (9 décembre 2016-19 mars 2017) dont cet ouvrage est l'accompagnement. Commissariat scientifique de Nicolas Hatot et Marie Jacob. Exposition en collaboration avec l'IRHT et l'INHA
© photographie Le Curieux des arts Gilles Kraemer
Du 25 novembre 2016 au 21 mai 2017. Ve édition 2016-2017. Le temps des collections au musée des Beaux-Arts de Rouen. Dont La Chambre des visiteurs ou le choix de 20 oeuvres dans le musée par le public; Henri III : portrait de règne en clair-obscur; Caravage : hors champ; Histoire de cadres.... Catalogue, 192 pages. Éditions SilvanaEditoriale. 19, 50 euros.
© photographie Le Curieux des arts Gilles Kraemer
Du 20 octobre 2016 au 3 avril 2017. Masséot Abaquesne. L'éclat de la faïence à la Renaissance. Musée de la céramique. Catalogue, 160 pages. Éditions de la RMN. 32 euros. Exposition présentée du 11 mai au 3 octobre 2016 au musée national de la Renaissance, château d'Écouen.