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Publié par Gilles Kraemer

D'une défaite à un mécénat. Le siècle de François Ier. Chantilly
Diodore de Sicile, Les troys premiers livres [...] des antiquitez d'Egipte, Ethiopie et autres pays d'Asie et d'Affrique, traduction par Antoine Macault, 1534. Enluminures par Noël Bellemare et le Maître de François de Rohan. © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, présentation presse de l'exposition Le Siècle de François Ier, domaine de Chantilly

Comment François Ier (1494-1547), le vainqueur de Marignan en 1515, défait à Pavie dix ans plus tard face aux troupes de Charles Quint, réussit-il cependant à sauver son image de prince de la Renaissance et celle de son règne ? En se jetant dans la bataille des arts, en se lançant dans le mécénat. En devenant l’ami des arts et le protecteur des lettres. Simple démarche de communiquant avant l'heure. Quelle avance ! Même si à 50 ans, il n'eut pas de Rolex, signe ostentatoire de réussite selon Jacques Séguéla, le communiquant de la campagne d'un ancien président de notre Vème République, il réussit et gagna cette bataille. C'est cette démarche que l'exposition à la Bibliothèque nationale de France, ce printemps avec François Ier. Pouvoir et image avait mise en éclairage (http://www.lecurieuxdesarts.fr/2015/04/l-image-au-service-du-pouvoir-francois-ier-premier-souverain-a-remporter-la-bataille-de-la-communication.html)

C'est ce propos que Le siècle de François Ier. Du roi guerrier au roi mécène, à Chantilly, élargit, au formidable élan que le roi donna aux lettres et aux arts, tant par goût que par volonté politique, grâce à son entourage participatif et éclairé. Manuscrits enluminés, livres, dessins d’architecture, peintures et objets d’art, environs 200 pièces, montrent l’immense influence culturelle du roi-chevalier fait prisonnier à Pavie. Un feu d'artifice de la création mis en scène, dans sa diversité et sa richesse, dans cette exposition cantilienne, le cœur de l'exposition étant le livre, Chantilly possédant la deuxième collection d'ouvrages -réunie par le duc d'Aumale - ayant appartenu au souverain, après la Bibliothèque nationale de France. "Une occasion unique de réunir des pièces qui dialoguent entre elles, celles de Chantilly, celles de la Nationale", comme le rappellent les deux commissaires Olivier Bosc et Maxence Hermant. 

Le siècle de François Ier. Du roi guerrier au roi mécène © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, présentation presse de l'exposition Le Siècle de François Ier, domaine de Chantilly
Le siècle de François Ier. Du roi guerrier au roi mécène © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, présentation presse de l'exposition Le Siècle de François Ier, domaine de Chantilly
Le siècle de François Ier. Du roi guerrier au roi mécène © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, présentation presse de l'exposition Le Siècle de François Ier, domaine de Chantilly
Le siècle de François Ier. Du roi guerrier au roi mécène © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, présentation presse de l'exposition Le Siècle de François Ier, domaine de Chantilly
Le siècle de François Ier. Du roi guerrier au roi mécène © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, présentation presse de l'exposition Le Siècle de François Ier, domaine de Chantilly
Le siècle de François Ier. Du roi guerrier au roi mécène © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, présentation presse de l'exposition Le Siècle de François Ier, domaine de Chantilly

Le siècle de François Ier. Du roi guerrier au roi mécène © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, présentation presse de l'exposition Le Siècle de François Ier, domaine de Chantilly

Une très grande miniature du roi, assis à sa table, entouré de sa cour, extraite des Troys premiers livres de Diodore de Sicile, 1534, ouvrage enluminé par Noël Bellemare et le Maître de François de Rohan, le représente écoutant Antoine Macault, le traducteur de cet ouvrage. Âgé de 40 ans, l'on est bien loin de son avènement au trône à 21 ans lorsqu'il est représenté par Jean Clouet et atelier ou sous les traits de Saint Jean-Baptiste par Jean Clouet avec le détail étonnant d'un perroquet, symbole impérial du pouvoir, rappel que le souverain avait souhaité accéder au trône du Saint Empire mais qu'il ne fut pas élu empereur en 1519 face au futur Charles Quint - "son éclairage financier" des Grands Électeurs ayant été insuffisant -. L'exposition s'ouvre en une galerie de portraits, présentant pour la première fois la peinture sur bois du souverain par Jean Clouet (vers 1525) venue du Louvre, déjà exposée ce printemps à la B.n.F. (cette propension à faire bouger, dans un temps rapproché, trop rapproché, les oeuvres devient récurrente) confrontée au dessin à la sanguine et pierre noire strictement identique, de Chantilly et ne pouvant quitter le château en raison des dispositions testamentaires du duc d'Aumale. Deux images du roi glorieux, éloignées de celles de l'année de son décès avec la sanguine de François Clouet, éventuelle image frontale de la remembrance du roi au moment de ses obsèques et de son buste en bronze (vers 1545).

"L'attraction fatale de l'Italie" comme le souligne Marcello Simonetta dans le catalogue, l'échec de Pavie, le traité de Madrid garantissant sa libération contre l'incarcération de ses deux fils, lui et son entourage les contrebalancent. En se lançant dans "la propagande de la glorification" avec Les Gestes, ensemble la vie du preux chevalier Bayard de Symphorien Champier (1525) faisant naître l'adoubement de François par le chevalier Bayard, moment où la victoire de Marignan se forge contre la défaite de Pavie. S'insurgeant contre le traité de Madrid garantissant la liberté du roi à de rudes conditions en les dénonçant à travers Apologie contre le traicté de Madrid (1526). Et plus encore, en établissant une alliance "impie" entre Soliman le Magnifique et le roi de la fille aînée de l'Église dont le grand rouleau de deux mètres du souverain de la Sublime Porte rend compte (1536) alors qu'en 1531 le Panegyricus christianissimo Francisco (1531) de René Bombelles, enluminé par Étienne Colaud, affirme le souverain opposé aux idées luthériennes. Une image très contrastée du roi, ce souverain auprès duquel les femmes tiennent une grande place. Sa mère Louise de Savoie - à laquelle une exposition à Écouen rend hommage en cet automne 2015 -, sa sœur Marguerite d'Angoulême, aux différents instants de la vie, représentée par Jean et François Clouet, également écrivain du Miroir de l'ame pecheresse ou de La Coche - splendide manuscrit enluminé par le Maître de François de Rohan - , Éléonore d'Autriche, sœur de Charles Quint, au visage revêche que se soit sous la sanguine des Clouet, le pinceau de Joos van Cleve ou l'émail de Léonard Limousin. Ou sa maîtresse, la duchesse d'Étampes.

Que reste-t-il du roi mécène ? Aucune des tapisseries tissées d'or et d'argent, brûlées sous le Directoire pour en récupérer ces métaux ; venue de Madrid, la Bataille de Zama, tenture de l'Histoire de Scipion en restitue la splendeur. Les dessins du Primatice conservés à Chantilly évoquent les aménagements de Fontainebleau et le Recueil de dessins d'architecture d'Androuet du Cerceau les constructions royales.

Le siècle de François Ier. Du roi guerrier au roi mécène © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, présentation presse de l'exposition Le Siècle de François Ier, domaine de Chantilly
Le siècle de François Ier. Du roi guerrier au roi mécène © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, présentation presse de l'exposition Le Siècle de François Ier, domaine de Chantilly
Le siècle de François Ier. Du roi guerrier au roi mécène © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, présentation presse de l'exposition Le Siècle de François Ier, domaine de Chantilly
Le siècle de François Ier. Du roi guerrier au roi mécène © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, présentation presse de l'exposition Le Siècle de François Ier, domaine de Chantilly
Le siècle de François Ier. Du roi guerrier au roi mécène © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, présentation presse de l'exposition Le Siècle de François Ier, domaine de Chantilly
Le siècle de François Ier. Du roi guerrier au roi mécène © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, présentation presse de l'exposition Le Siècle de François Ier, domaine de Chantilly

Le siècle de François Ier. Du roi guerrier au roi mécène © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, présentation presse de l'exposition Le Siècle de François Ier, domaine de Chantilly

Point central de l'exposition : le livre. Les portraits de Guillaume Budé et de Mellin de Saint-Gelais, respectivement maître de la librairie du roi et bibliothécaire, sous la pierre noire de Jean et François Clouet, viennent en écho de la collection d'ouvrages que le roi et son entourage possédaient. Outre les Troys premiers livres de Diodore de Sicile, deux oeuvres majeures sont présentes. Commentaires de la guerre gallique de François Demoulins, 1520, enluminé par Geoffroy le Batave et les Heures d'Anne de Montmorency, 1549-1551, enluminées de diverses mains. Regardez les bien, ils ne sont que trop rarement présentés. Les reliures aux armes et emblèmes de François Ier démontrent la richesse des ateliers de relieurs au service du roi comme à celui du futur Henri II - Débat d'Ajax et d'Ulysse de Jacques Colin, reliure de l'Atelier de l'oiseau qui becquète ou Les suppliantes d'Euripide, reliure de l'atelier du Relieur de Salel - et permettent de présenter les dessins des enfants de France par Jean Clouet conservés à Chantilly.

Gilles Kraemer

Le Siècle de François 1er

7 septembre - 7 décembre 2015

Salle du Jeu de Paume

Chantilly

http://www.domainedechantilly.com

Commissariat général. Olivier Bosc, conservateur en chef de la bibliothèque et des archives du Château de Chantilly, Maxence Hermant, conservateur au département des manuscrits de la Bibliothèque nationale de France assistés de Léa Ferrez-Lenhard, bibliothécaire assistante spécialisée, en charge du secrétariat général de l’exposition

Catalogue de l’exposition sous la direction d’Olivier Bosc et Maxence Hermant, avec Louise Amazan, Nicole Garnier, Fabienne Le Bars et Marcello Simonetta. Paris, Éditions du Cercle d’Art, 2015, 229 pages. Prix 30 euros.

 

Autres expositions de l'année François Ier

François Ier. Pouvoir et image (24 mars - 21 juin 2015 à la Bibliothèque nationale de France)

http://www.lecurieuxdesarts.fr/2015/04/l-image-au-service-du-pouvoir-francois-ier-premier-souverain-a-remporter-la-bataille-de-la-communication.html

Trésors royaux, la bibliothèque de François Ier (4 juillet - 18 octobre 2015 au château de Blois)

http://www.lecurieuxdesarts.fr/2015/07/dans-les-ors-les-enluminures-et-les-ecrits-le-retour-temporaire-de-la-librairie-royale-de-francois-ier-au-chateau-de-blois.html

Louise de Savoie, mère de François Ier

14 octobre 2015 - 1er février 2016 au musée national de la Renaissance, château d’Écouen

 

 

 

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