Le SUPERBEMARCHÉ du MIAM nous régale ! - Sète

Publié par Marie-Christine Sentenac sur 3 Juin 2025, 22:14pm

Catégories : #Entretien à 210 km-h, #Expositions France, #Musées

Marie-Christine Sentenac

GINA l'orange délicieuse © photographie Marie-Christine Sentenac, Sète 9 avril 2025.

Une fois de plus le MIAM propose une savoureuse exposition hors des sentiers battus, vrai festin pour les AGRUMINVELOPAPYROPYLISTES : SUPERBEMARCHÉ - Papiers d’agrumes & co

Hervé di Rosa © photographie Marie-Christine Sentenac, Sète 9 avril 2025.

Pour ceux qui l’ignoreraient encore le MIAM (Musée International des Arts Modestes) fondé par Hervé di Rosa (1966- ) et Bernard Belluc (1949- ) a ouvert ses portes en novembre 2000 dans un ancien chai réaménagé par l’architecte Patrick Bouchain sur les quais du port de Sète.

C’est Hervé di Rosa qui a inventé dans les années 80 le concept d’Arts Modestes en réaction à la tyrannie du bon goût, bannissant toute forme de hiérarchie entre les créations marginales, le vernaculaire, la culture populaire opposée à la culture savante, obsession de nombreux créateurs contemporains. En archéologues les deux complices collectionophiles ont reconstruit le passé avec les menus objets banals du quotidien, pacotilles vulgaires pour créer le musée de l’éphémère. Belluc se concentrant sur les années 50/60, Di Rosa sur les suivantes. On notera que l’ancien punk, comme il aime à se définir, n’a heureusement perdu ni son accent ni sa bonne humeur, malgré l’immortalité conférée sous la Coupole de l’Institut lors de la séance de son installation comme membre de l’Académie des Beaux-Arts le 12 juin 2024 par sa consœur Astrid de La Forest. Pour lui «…tout est Art, il faut savoir regarder ! ».

Le MIAM conserve des collections d’œuvres, organise des expositions temporaires et soutient les artistes en leur commandant des productions: les vitrines de Bernard Belluc (en exposition permanente), l’hymne du MIAM composé par Pascal Comelade et Général Alcazar, Le jardin des plantes modestes de Liliana Motta dans la cour intérieure, les sculptures de Théodore et Calixte Dakpogan …

SUPERBEMARCHÉ - Papiers d’agrumes & co © photographie Marie-Christine Sentenac, Sète 9 avril 2025.

Plus de soixante expositions ont été montées depuis le début, plus de 1500 artistes mis en lumière, mais aussi des collaborations avec la Fondation Antoine de Galbert, la Collection de l’Art Brut de Lausanne, des prêts, notamment au MoMA de New York…. En 2023 le MAAT (Musée d’Art, d’Architecture et de Technologie) de Lisbonne accueillait un florilège des collections au sein de l’exposition Archipelago Di Rosa.

Papiers avec classeurs dans le fond © photographie Marie-Christine Sentenac, Sète 9 avril 2025.

A la frontière des Arts Modestes et des Arts Appliqués, entre œuvres et documents, la gigantesque collection pointue de papiers d’agrumes du MIAM, (due pour la plus grande part au don de près de 20 000 papiers récoltés et méticuleusement rangés dans 120 classeurs par le peintre normand Pascal Casson), a été l’objet d’une résidence de recherche et de création en 2023, soutenue par Montpellier 2028 et Véronique Marrier, conservatrice de la collection design graphique au Centre national des arts plastiques. Le MIAM et La Fenêtre ont sélectionné le duo de designers Rovo (Gaëlle Sandré et Sébastien Dégeilh) qui ont mené à bien le projet à la genèse de ce déballage OU CET ETALAGE !

© photographie Marie-Christine Sentenac, Sète 9 avril 2025.

Intégralement liée aux papiers d’agrumes, la première section, au rez-de-chaussée, retrace l’histoire de l’orange en se penchant sur les différentes étapes qui conduisent ce fleuron de l’industrie alimentaire mondialisée de l’arbre à l’assiette.

Mangiami - Mange-moi © photographie Marie-Christine Sentenac, Sète 9 avril 2025.

Origine, agriculture, stockage, transport, vente, consommation, publicité, tout un univers kitsch et coloré, la fabrication d’une esthétique, entourent ce symbole solaire, promesse de vitamines donc de santé. Les italiens et les espagnols rivalisent particulièrement d’originalité pour afficher la qualité du produit et son identité nationale. Le travail des agrumiculteurs y est mis en valeur ainsi que la beauté du pays, façon carte postale. Chaque saison la provenance des denrées varie selon des enjeux climatiques ou géopolitiques. C’est au milieu du XIXème siècle que l’on commence à exporter, ou importer des fruits. Des images imprimées sur des papiers de soie, comme des pages de comic books, entourent les agrumes afin de les protéger et d’éviter qu’elles ne se contaminent lorsque les fruits moisissent. Dans les années 80 le recours aux fongicides et à la cire les a condamnés à la disparition.

SUPERBEMARCHÉ - Papiers d’agrumes & co. Collection Christian Bonifas © photographie Marie-Christine Sentenac, Sète 9 avril 2025.

Les cagettes (collection Bernard Belluc et El vivero, graphistes madrilènes qui se sont intéressés au graphisme lié à la production espagnole de fruits), permettent non seulement de les faire voyager en sécurité mais servent aussi d’étal coloré et aguichant pour le chaland. Les étiquettes, les sachets de fruits, filets, affiches, camions, hangars, tout est prétexte à vanter la marchandise.

Dix papiers d’agrumes contestataires, 2017. Hommage aux transbordeuses, à leur travail, à leur soulèvement contestataire, à leurs sourires. édition d’artiste, sérigraphie sur papier soie © photographie Marie-Christine Sentenac, Sète 9 avril 2025.

Le côté social et politique est abordé par la toulousaine Pascale Herpe avec l’évocation d’une des premières grèves féminines en 1906. Les Rouges, main d’œuvre féminine exploitée qui se couche sur les rails pour se faire entendre, transbahutaient à Cerbère, des trains espagnols aux trains français, des couffes pesant jusqu’à 20 kg.

SUPERBEMARCHÉ - Papiers d’agrumes & co. © photo Marie-Christine Sentenac, Sète 9 avril 2025

L’impression des papiers et son histoire sont abordées en regard des œuvres d’artistes et designers internationaux. De nombreux catalogues, fac-similés, documents, manuels, revues sont présentés dans des vitrines, où l’on voit que le sujet n’est pas si anodin qu’il y parait et que la collectionnite aigüe est une maladie plus répandue qu’on pourrait le penser. Le regard d’artistes sur le sujet est scruté,

Louise Bourgeois, Peels a Tangerine, 1998. Vidéo © photographie Marie-Christine Sentenac, Sète 9 avril 2025.

Dans une amusante vidéo Louise Bourgeois nous éclaire sur la façon dont son père lui apprenait à peler une orange.

SAVIGNAC, Vérigood c’est si bon…, 1955. Tôle publicitaire. Chapeau publicitaire, porte-pailles © photographie Marie-Christine Sentenac, Sète 9 avril 2025.

Le jus en bouteille fait son apparition dans les années 50, Savignac nous incite à consommer des boissons à base de jus, nectars ou sodas dont la filière parallèle voit le jour en Algérie. Moyen astucieux de commercialiser les fruits impropres à l’exportation.

ADN-DNA, 2020-2023, multiple d’artiste - 7 photographies imprimées sur papier soie - coffret en bois de peuplier - vidéo (7´10) -Todoli Citrus Fundació, (Valence, Espagne) © photographie Marie-Christine Sentenac, Sète 9 avril 2025.

Le photographe Antoni Miralda s’intéresse à la diversité des formes et des couleurs métamorphosant les fruits en sculptures.

Sébastien Dégeilh et Gaëlle Sandré, deux des quatre commissaires © photographie Marie-Christine Sentenac, Sète 9 avril 2025.

Au premier étage, les commissaires s’interrogent sur " les images qui accompagnent et embellissent notre vie de consommateurs ". « L’art est ce qui rend la vie plus intéressante que l’art ». La maxime de Robert Filliou prend ici toute sa valeur. Des artistes réfléchissent au caractère éphémère des papiers d’usage et leur offrent une nouvelle vie via le remploi des signes au sein de projets d’édition ou s’en inspirent pour d’insolites créations, grâce à eux ces "éphémèras" voués à la poubelle entrent dans la postérité.

François Baudevin, Harissa, 2025 / Carambar 1991-2025 / Merfen-Orange, 1989 © photographie Marie-Christine Sentenac, Sète 9 avril 2025.

Une série de toiles reprenant des motifs d’emballages de François Baudevin, connu pour ses toiles abstraites et conceptuelles.

Dimitri Broquard & Bastien Aubry. Painted and glazed porcelain, ceramic Decal print © photographie Marie-Christine Sentenac, Sète 9 avril 2025.

Les sculptures des suisses Bastien Aubry et Dimitri Broquard, inspirées par le packaging, s’autonomisent de leur fonction commerciale.

SUPERBEMARCHÉ - Papiers d’agrumes & co. Collection Eic Monin © photographie Marie-Christine Sentenac, Sète 9 avril 2025.

La collection de sacs plastiques (environ 700) présentant des architectures dans une démarche oulipienne de l’architecte saccuplastikophile Éric Monin. Des feuilles de papier essuie-tout collectées et customisées par le duo Mazaccio & Drowilal, papiranapinophiles depuis l’adolescence. Des billets de banques collectés par l’artiste et éditeur billetophile toulousain Sébastien Girard…

Le MIAM est le paradis des collectionneurs. « Il n’y a pas d’artistes modestes, il n’y a que des collectionneurs modestes ». Hervé di Rosa.

Agrumivelopapyrophiliste: collectionneur de papiers de soie d’agrumes. Collectionophile: collectionneur de collections. Saccuplasticophile: collectionneur de sacs plastiques. Papiranapinophile: collectionneur d’essuie-tout. Billetophile: collectionneur de billets de banques.