Le mystérieux Kunstkammer des Rothschild à Paris dévoile ses merveilles. I Rothschild e il misterioso Gabinetto delle meraviglie a Parigi
Le Cabinet de curiosités de l’Hôtel Salomon de Rothschild avec L’Astronomie d’après Giambologna © photographie Gilles Kraemer, Le Curieux des arts, juillet 2017.
Le Bal jaune de la Fondation d'entreprise Ricard au moment de la semaine FIAC, les amateurs d'art contemporain le connaissent. Et l'endroit où il se déroule, pour les chanceux invités de cet Incontournable moment, les salons de l'Hôtel Salomon de Rothschild. Cette demeure fut édifiée entre 1873 et 1878 par Léon Ohnet puis Justin Ponsard pour la baronne Adèle de Rothschild (1849-1922). Celle-ci était veuve de son cousin Salomon - un des quatre fils de James de Rothschild, fondateur de la branche française - décédé brutalement en 1864 à l'âge de 29 ans.
L’Hôtel fut construit sur un terrain qui accueillait précédemment la Folie Beaujon, petit château de villégiature construit par l’architecte Nicolas-Claude Girardin à partir de 1781 pour le financier Nicolas Beaujon. Cette résidence est transformée en 1801 en kermesse. Au XIXe siècle, le domaine est divisé en plusieurs habitations, dont une maison acquise par Honoré de Balzac en 1846, dans laquelle l'écrivain décède en 1850.

Le Cabinet de curiosités de l’Hôtel Salomon de Rothschild © Barnabé Moinard/ FNAGP
Mais, les noctambules, addicts de l'art contemporain ou les incontournables des défilés de la Fashion week savaient-ils qu'à quelques mètres, derrière une porte de cette demeure se dissimulait un endroit totalement secret : le Cabinet des merveilles Rothschild. Un lieu totalement inconnu, resté en l'état depuis le décès de la baronne Adèle. Elle avait précisé dans son testament que ce Cabinet devait être conservé intact, comme témoignage de son goût pour les arts.
Il fut restauré par Gérard Alaux, le prédécesseur de Laurence Maynier, l'actuelle directrice de la FNAGP - Fondation Nationale des Arts Graphiques et Plastiques -. Cette dernière, depuis son arrivée en avril 2016, a souhaité réveiller ce bel inconnu et présenter au public cette enclave des merveilles, tout en souhaitant lui conserver un côté intime, l'accessibilité étant permise deux fois par mois en visite guidée.
Sa configuration intime, 40 m², incite à l'accueil restreint de 10 personnes; la moquette d'époque aux couleurs bleu et rouge explique qu'elle ne se foule qu'avec des sur-chaussures. Ajoutant à son côté mystérieux, chaque visiteur dispose d'une lampe de poche pour éclairer la pénombre de ce lieu. Le Cabinet est ceint d'un couloir où sont présentés des tableaux et des dessins d'Eugène Delacroix (deux tableaux), Ary Scheffer, Alexandre-Gabriel Decamps et Eugène Lami à côté du portrait du baron par un anonyme français (que c'est étrange ?) et du pastel de la baronne par Charles Escot (1868).
Que voir dans ce Kunstkammer, aux murs tendus de cuir de Cordoue du XVIIème et au plafond d'une Chancellerie de la même époque, avec son mobilier d'époque, aux vitraux allemands et suisses du XVIe siècle montés sur les fenêtres ? De grandes vitrines présentent les pièces de cette étonnante collection rassemblée par Salomon de Rothschild entre 1862 et 1864.

Le Cabinet de curiosités de l’Hôtel Salomon de Rothschild © Barnabé Moinard/ FNAGP
L'ordonnancement actuel n'est pas celui de la baronne mais une présentation typologique avec une vitrine art musulman, art chinois et asiatique, porcelaine. Un travail de repositionnement des 400 objets est à l'étude à partir des inventaires. Dans un mélange de styles et d'époques, ce "goût Rothschild", juxtapose une tête de lion romaine avec une boîte à poudre islamique, un miroir italien du 17ème avec une colonne en cristal de roche ou une arme ottomane. Une gourde de pèlerinage du 18ème siècle et son pendant une copie du 19ème, placées sur la cheminée en marbre bleu turquin, encadrent une fonte de la fin du XVIe - début du XVIIe siècle, L'Astronomie d'après Giambologna et un émail du XIXe siècle, dans le goût limougeaud.
Le Cabinet de curiosités de l’Hôtel Salomon de Rothschild, terre cuite, au nez recollé, attribuée à della Robbia © photographie Gilles Kraemer, Le Curieux des arts, juillet 2017
Les bras de lumière sont-ils du 18ème ou une copie du 19ème dans le goût de Germain alors que les chenets sont vraisemblablement du XVIIIe siècle ? Le bureau Mazarin en marqueterie du 17ème siècle, avec des interventions au 19ème est sans attribution pour l'instant. Une terre cuite décrite dans le goût della Robbia dans les inventaires pourrait s'avérer être un vrai. Une étude de réattribution a été lancée sur les objets de ce lieu. "C'est la totale découverte, reconnaît la directrice, un moment proprement exaltant, un temps d'histoire de l'art qui nous renseigne sur le goût des collectionneurs et sur ce qui pouvait les intéresser".
Une seule pièce qui à l'origine n'était pas dans ce Cabinet mais dans le Salon rouge : le marbre de Rodin de L'Orpheline alsacienne (1871).
Un lieu à découvrir et encore plus, au moment de la Biennale Paris 2017, du 11 au 17 septembre www.biennale-paris.com. Un cadeau que les antiquaires, souhaitant étonner leurs clients, pourraient faire en leur proposant de visiter ce lieu.
Et, autre conseil, précipitez-vous à l'Hôtel Collot, chez Nicolas et Alexis Kugel, les princes-antiquaires parisiens des plus incroyables objets dignes d'un Kunstkammer www.galeriekugel.com/
Gilles Kraemer
Cabinet de curiosités de l'hôtel Salomon de Rothschild
Fondation Nationale des Arts Graphiques et Plastiques (FNAGP)
Hôtel Salomon de Rothschild
9-11 rue Berryer - 75008 Paris
Réservation : 01 45 63 23 56 ou visite@fnagp.fr
Visite-conférence d’une heure sur réservation, le 1er samedi du mois à 11h00 et le 2e mercredi du mois à 12h30. Sur rendez-vous pour les groupes constitués de 10 personnes maximum. Langues: français, japonais, anglais.
Pour les collections de la baronne de Rothschild, portail de l’Institut national d’histoire de l’art : https://collections.rothschild.inha.fr/fr/mecenes/biographies-des-donateurs/de-1922-a-1935/adele-de-rothschild.html
Les Rothschild, une dynastie de mécènes en France, de 1873 à 2016, trois volumes, sous la direction de Pauline Prevost-Marcilhacy. Coédition musée du Louvre - Éditions du Louvre / BNF / Somogy éditions d'Art. Prix 290 euros.
En 1922, la baronne Adèle de Rothschild s’éteint à Paris dans cet Hôtel. Elle lègue à l’État ses collections qui seront réparties entre Le Louvre, Cluny, la BnF et les Arts Décoratifs; cette demeure sera affectée à la Fondation Salomon de Rothschild créée en faveur des artistes vivants.
La Fondation Nationale des Arts Graphiques et Plastiques, créée en 1976, s’est substituée à l’ancienne Fondation Salomon de Rothschild, pour administrer ce premier legs fait à l’État en 1922, auquel s’est ajouté celui des sœurs Smith-Champion en 1944, constitué d’un immense domaine au cœur de Nogent-sur-Marne. La FNAGP a pour mission de respecter les volontés de ces généreuses donatrices en soutenant les plasticiens. Elle s’y emploie à travers des actions de mécénat, qui jalonnent la carrière des artistes : de la sortie d’école d’art, à la production d’œuvres d’art, en passant par l’attribution d’ateliers d’artistes à Paris et à Nogent-sur-Marne et la diffusion des œuvres dans son centre d’art contemporain, la Maison d’Art Bernard Anthonioz (MABA) située à Nogent-sur-Marne, jusqu’à l’accompagnement des artistes dans leur grand âge à la Maison Nationale des Artistes (MNA), une maison de retraite qui leur est dédiée.
.