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Gilles Kraemer, déplacement et séjour personnel à Milan

 

Pourquoi ces deux galeries lors de mon séjour milanais de février ? La galerie parisienne Canesso a ouvert une seconde galerie à Milan, non loin de la Pinacoteca di Brera. La galerie Fumagalli, fondée en 1991, a exposé les artistes français Anne et Patrick Poirier en janvier 2023. Deux raisons évidentes pour découvrir ces deux lieux.

Attention en se rendant à la Galerie Canesso. Ne pas avoir l’instant d’inattention de Charles VIII; la porte s’ouvrant dans le grand portail donnant sur la rue est de peu de hauteur. Un long portique et l’on débouche sur une cour arborée et silencieuse. Maurizio Canesso y a ouvert une annexe à l’automne 2021. Accueil très naturel et sympathique de Ginevra Agliardi, sa directrice, maîtrisant parfaitement le français, bien qu’elle s’en défende. Elle me fait songer à Véronique Damian, responsable scientifique de la galerie parisienne. Même enthousiasme à décrire une peinture, à faire partager son histoire, à expliquer en quoi elle constitue un jalon dans la belle histoire de la peinture italienne. Comme la sensation aussi de retrouver l’atmosphère de la rue Laffitte, Maurizio Canesso ayant souhaité le même architecte d’intérieur.   

Giulio Cesare Procaccini (Bologna, 1574 – Milano, 1625), Sacra Famiglia con San Giovannino. Huile sur panneau de noyer. 97 x 64,5 cm. © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Milan, 22 février 2024. Expositions - L’ultimo Caravaggio. Eredi e nuovi maestri, cat. della mostra a cura di A. Morandotti, Milano, Gallerie d’Italia, 29 novembre 2017 - 8 aprile 2018; - Faithful to Nature. Eleven Lombard Paintings 1530-1760, cat. della mostra a cura di V. Brilliant, N. Hall, New York, Nicholas Hall, 2019. 

Cette peinture a récemment été réattribuée au plus connu des frères Procaccini, Giulio, bolonais d’origine mais qui s’est vite établi à Milan où il se fera le chantre de la nouvelle culture artistique de la Contre-Réforme initiée par le cardinal Federico Borromeo. Si l’influence stylistique au langage rubénien est évidente, des accents picturaux se perçoivent dans une tradition de Lombardie-Émilie du XVIe siècle du Corrège et de Parmigianino. Toile pouvant être datée entre 1610 et 1616. Hugh Brigstocke et Odette D’Albo, dans la monographie qu’ils consacrèrent à Giulio Cesare Procaccini (publication en 2020), s’accordent pour une date plus tardive, autour de 1620.

Les études récentes de Hugh Brigstocke (2002, 2020) et de Viviana Farina (2002) évoquent la place importante du principal commanditaire de l’artiste, Giovan Carlo Doria (1576-1625), pour lequel Procaccini peignit nombre de tableaux entre 1611 et 1621. Jusqu’à être le principal artiste représenté dans la collection de cet amateur génois chez lequel il séjourna en 1618. Il n’est pas impossible que cette toile ait appartenu à ce collectionneur.

Giuseppe Antonio Petrini (Carona, Ticino 1667 – 1759), Allegoria della scultura. Huile sur toile. 90 x 120 cm. © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Milan, 22 février 2024.

L’activité de cet artiste se concentre principalement en Lombardie et en Piémont. Cette œuvre s’inscrit parfaitement dans le corpus de cet artiste, important de nombreux portraits de saints, de prophètes mais également de philosophes, de mathématiciens et d’astronomes, œuvres à destination privée. Opposition dans cette toile entre les rides du vieil homme et la tête en marbre inspirée de l’idéal de la beauté classique.

Alessandro Varotari, detto Il Padovanino (Padova, 1588 – Venezia, 1648), Ecuba e Priamo. Huile sur toile. 102 x 126 cm. © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Milan, 22 février 2024. Exposition - Ospiti al museo. Maestri veneti dal XV al XVIII secolo tra conservazione pubblica e privata, a cura di Davide Banzato, Elisabetta Gastaldi, Padova, Musei Civici, 31 marzo – 17 giugno 2012.

Cette peinture évoque l’une des scènes les plus tragiques de l’Énéide, celle de la nuit durant laquelle les soldats grecs sortirent du cheval de bois géant, l’instant où le vieux roi Priam a endossé son armure, s’apprêtant à défendre Troie, sa ville. Alors que son épouse Hécube l’implore de ne pas s’exposer. Scène d’une grande intensité dramatique chargée de tensions émotives.

La famille du Padavino était une famille de peintres. Son père, Dario Varotari il Vecchio. Son grand-père maternel Giovan Battista Ponchino, responsable de la décoration des pièces du Consiglio dei Dieci du Palazzo Ducale de Venise. Chira, la sœur d’Alessandro et son fils Dario Varotari il Giovane, furent aussi peintres à Padoue.

Francois de Nomé (Metz, 1593 – Napoli, ca. 1640), Agrippina parte da Antiochia per portare a Roma le ceneri di Germanico. Huile sur toile. 85 x 146 cm. © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Milan, 22 février 2024. Exposition - The Fantastic Visions of Monsù Desiderio, Sarasota, The John and Mable Ringling Museum of Art, février 1950.

Sujet historique et bien réel chez François de Nomé, celui de l’instant où Agrippine quitte Antioche, emportant les cendres de son époux Germanicus. La jeune veuve est accompagnée de son fils, le futur empereur Caligula et de sa fille Giulia Livilla. Derrière eux, une jeune femme porte l’urne funéraire et un soldat leur indique la direction à suivre. Il est évident que l’imagination de cet artiste s’est nourrie des estampes maniéristes de l’École de Fontainebleau telles celles de Jacques Androuet du Cerceau (1515/1520-1585/1590) et de l’architecte flamand Vredeman de Vries (1527-1604).

Giandomenico Tiepolo (Venise, 1727-1804), Hercules et Antaeus. Pierre noire, plume et lavis gris, signé en bas à droite. N° 9, à la plume en haut à gauche. 19,2 x 12,2 cm. © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Milan, 22 février 2024. Provenance: Paris, vente Drouot, Beaussant Lefèvre, 9 June 2020 (lot. n. 24) puis collection privée italienne.

Une exposition parisienne est consacré aux Tiepolo, également une famille de peintres. Les Tiepolo, invention et virtuosité à Venise, exposition au Cabinet Jean Bonna - Cabinet des dessins et des arts graphiques des Beaux-Arts de Paris autour de dessins et d'eaux-fortes de Giambattista Tiepolo [beau-frère de Francesco Guardi] et de ses deux fils, Giandomenico et Lorenzo, artistes du Settecento. Commissariat Hélène Gasnault, conservatrice des dessins aux Beaux-Arts de Paris & Giulia Longo, conservatrice des estampes et photographies aux Beaux-Arts de Paris | 22 mars-30 juin 2024 |. 

Attribué à Philothée François Duflos (Paris, vers 1710 – Lyon, 1748), Vue de la façade orientale de l’Arc de Titus à Rome. Huile sur papier marouflé sur toile. 56,8 x 39,5 cm..

La facture, plus française que véritablement italienne, conduit à proposer le nom de Philothée François Duflos, Grand Prix de l’Académie royale de peinture et de sculpture en 1729. Quatre ans plus tard, il sera pensionnaire à l’Académie de France à Rome au palais Mancini. Entré en novembre 1733, il quitte l’Académie à la fin de 1742, après neuf années de pensionnat. Il y reviendra, quelques semaines plus tard, à la demande Jean-François de Troy qui souhaite encore lui confier une copie de La Dispute du Saint Sacrement de Raphaël. Il quitte définitivement la Ville Éternelle en mars 1745.

Établi à Lyon après son retour en France, Duflos se voit commander des tableaux religieux, poursuivant avec succès cette veine de paysagiste apprise à Rome. Cette vue de l’Arc de Titus dut être réalisée durant son séjour romain, la feuille employée possédant le format caractéristique de celles qu’utilisaient les pensionnaires du palais Mancini pour leurs exercices académiques. Elle vient enrichir le corpus encore étroit d’un paysagiste français méconnu qui contribua à diffuser le goût français pour les ruines romaines.

L’Arc de Titus fut érigé à Rome sur la Via Sacra à la demande de l’empereur Domitien en 81. Il célèbre les victoires de son frère Titus durant la guerre de Judée entre 66 et 73. L’inscription dédicatoire, parfaitement visible sur le tableau, signifie : « Le sénat et le peuple romain pour le divin Titus Vespasien, Auguste, fils du divin Vespasien. » Le point de vue adopté permet d’apercevoir, à travers l’arche, les murs des jardins Farnèse, les trois colonnes du temple de Castor et Pollux et le campanile médiéval du palais sénatorial sur la colline du Capitole.

Bernardo Bellotto (1721/ 1780), L'arco di Tito a Roma, ca. 1742. Huile. 28.0 x 38.0 cm.. Collezione Collezione Giacomo Carrara © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Bergame, Accademia Carrara, 24 février 2024. https://www.lacarrara.it/catalogo-online/58AC00149/  https://www.lacarrara.it/

Cet Arc de Titus inspira également Bernardo Bellotto. Neveu de Canaletto et son aide durant sa jeunesse, Bellotto séjourna à Rome en 1742 avec son oncle, réalisant de nombreuses vues de l'Urbs dont cet arc de Titus.  De petites dimensions, il est probablement une étude ou la première idée pour une toile se trouvant aujourd'hui dans une collection privée. Cette toile est conservée à l'Accademia Carrara à Bergame.

 

 

 

 

Allan McCollum – MINIME VARIAZIONI. Drawings and Plaster Surrogates © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Milan, 22 février 2024.

La Galleria Fumagalli - avec la Galleria studio G7 de Bologne - représente Anne et Patrick Poirier. Une façon de les évoquer lorsque Francesca Avataneo et Veronica Tremolada nous présentent des photographies de l’exposition consacrée à ces artistes, en janvier 2023, autour de l’immense poème La Divina Commedia de Dante. (1)

Allan McCollum – MINIME VARIAZIONI. Drawings and Plaster Surrogates © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Milan, 22 février 2024.

Occasion donnée de voir le travail de l’artiste conceptuel étasunien Allan McCollum (Los Angeles, 1944) vivant à New York depuis 1975. Sa première exposition personnelle ici alors qu’il a participé aux Biennales de l’art de Venise en 1988 et 2012.

MINIME VARIAZIONI, dont il a suivi personnellement l’accrochage pendant deux semaines est un projet pensé spécifiquement pour l’espace de la galerie, se composant de 660 éléments réalisés entre 1988 et 1992. Regardant rapidement, l’impression est celle d’une même forme reproduite à l’infini. Mais, de minimes variations de formes et de couleurs, une singularité. L’artiste évoque l’éternel paradoxe de l’existence humaine, chaque individu aspirant à être partie d’un groupe et en même temps à être unique. Forme répétitive mais à chaque fois différente. Similitude avec Claude Viallat dans l’emploi du mot « « forme » mais a-t-on jamais proposé à Viallat de le classer dans le registre conceptuel ? Non.

Allan McCollum – MINIME VARIAZIONI. Drawings and Plaster Surrogates Francesca Avataneo et Veronica Tremolada © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Milan, 22 février 2024.

(1) Hommage à Dante : Enfer, Purgatoire, Paradis en trois lieux milanais : L’Inferno à la Casa degli Artisti: 10 janvier - 15 février 2023, une longue frise de 80 cm. x 3 000 cm., créée pendant le premier confinement. Il Purgatorio à la Galleria Fumagalli: 13 janvier - 16 avril 2023, terminé pendant le second confinement, vu précédemment à Sérignan. Et Il Paradiso à Antonini Milano - Palazzo Borromeo: 13 janvier - 30 mars 2023. 

Le Purgatoire fut présenté d’octobre 2021 à mars 2022 au Musée régional d’art contemporain Occitanie/Pyrénées-Méditerranée - Sérigan lors de l’exposition Anne et Patrick Poirier. La mémoire en filigrane. http://www.lecurieuxdesarts.fr/2021/11/l-italie-l-eternel-fil-de-l-oeuvre-d-anne-et-patrick-poirier.html

 

Galerie Canesso © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Milan, 22 février 2024.

Galerie Canesso - Via Borgonuovo 24 – Milano  https://www.canesso.art/about-milan

Galleria Fumagalli © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Milan, 22 février 2024.

Allan McCollum – MINIME VARIAZIONI. Drawings and Plaster Surrogates

Galleria FumagalliVia Bonaventura Cavalieri 6 – Milano  https://galleriafumagalli.com

https://galleriafumagalli.com/cateogoria-mostre/mostre-anne-patrick-poirier/anne-e-patrick-poirier-hommage-a-dante/

Les deux galeries sont sur ligne jaune M3 du métro milanais, à une station l’une de l’autre, Montenapoleone et Turani. Nous remercions les galeries Canesso et Fumagali pour les informations qu’elles nous ont communiquées.

Risotto à la milanaise, naturellement © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Milan, 22 février 2024. Primo piatto al ristorante o a casa, il risotto alla milanese, cioè con zafferano. Facile : zafferano in pistilli, riso, vino bianco, cipolle bianche, burro e brodo di carne. 

Il migliore Marocchino © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Milan, 23 février 2024. Naturalmente Giacomo Caffè con un'atmosfera della fine dell'Ottocento. Cioccolato, espresso, schiuma di latte. Pas trop de touristes heureusement; ce café a encore une âme. Entrée très discrète, l'endroit italien tel que je l'aime. Et ne surtout pas lire les mauvaises critiques à l'égard de l'accueil. Préférer la première salle à la seconde.

Giacomo Caffè © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Milan, 23 février 2024.

 

 

 

 

Tag(s) : #Expositions à l'étranger, #Italie, #Marché de l'art, #Milan, #Turin
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