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Publié par Gilles Kraemer

Gilles Kraemer

 

Claude Gellée dit le Lorrain, ou tout simplement Claude. L'appeler uniquement par son prénom, c’est savoir tout de suite à quel artiste l’on se réfère souligne Baptiste Roelly commissaire de cette exposition au Cabinet d'arts graphiques du musée Condé du château de Chantilly, réunissant 50 numéros de ce peintre.

Claude Gellée, dit le Lorrain (Chamagne, vers 1600 – Rome, 1682), Vue du Tibre  surplombant l'Acqua Acetosa, vers l'ouest, 1662. Plume et encre brune, lavis brun sur papier vergé. Paris, collection privée© Le Curieux des arts Gilles Kraemer.  

Si un grand nombre de dessins de cet artiste est conservé en Angleterre, le musée Condé avec douze feuilles de Claude (ca 1600 Chamagne - Rome, 1682) possède le plus important ensemble de dessins de France, après celui du musée du Louvre. Selon le catalogue raisonné de son œuvre dessiné, publié par Marcel Roethlisberger en 1967, ce corpus comporte 1 929 numéros.

Chantilly expose, avec les eaux-fortes de Claude acquises par le duc d’Aumale, des prêts de collections publiques en France – Besançon, Custodia, Petit Palais, Pontoise, Saint-Cloud - et de très généreux collectionneurs privés. (1) Le propos de l’exposition, ajoute Baptiste Roelly, est de présenter un aperçu le plus complet de l’art graphique de Claude, puisque des estampes sont montrées dans ce survol de la rareté des œuvres du Lorrain dans les institutions, de ce peintre dont la carrière traverse presque tout le siècle.

Claude Gellée, dit le Lorrain (Chamagne, vers 1600 – Rome, 1682) Bénédiction des chevaux à Rome devant Santa Maria Maggiore ca 1635-1640. Pierre noire, plume et encre brune, lavis brun sur papier vergé (doublé) 20,8 × 32,2 cm.. Chantilly, musée Condé, DE 382 © RMN-Grand Palais Domaine de Chantilly-Adrien Didierjean.

En 1630, il a trente ans mais, qu’a-t-il fait avant ? De ce que dessine avant 1630 cet élève d’Agostino Tassi, rien n’est conservé. Dans l’introduction du catalogue, un dessin à soi, Baptiste Roelly relève que le marché frauduleux à Rome incite Claude à conserver l'image, par le dessin, des peintures qui sortent de son atelier et que ses dessins sont l’environnement quotidien de son labeur qu’il consulte pour travailler et se remémorer les choses vues. Soulignant avec justesse que notre appréhension des feuilles de Lorrain n'est nullement celle de son époque puisque plusieurs altérations ont brouillé l’apparence et le sens des dessins de Claude, résultant des matériaux qu’il utilise. Ses lavis sont appliqués à l’encre métallo-gallique, corrosive en raison de son acidité; cette encre devient brune progressivement et apparaît en réalité noire ou grise au moment de son application.

Claude Gellée, dit le Lorrain (Chamagne, vers 1600 – Rome, 1682), Le Troupeau en marche par un temps orageux, ca 1650-1651. Eau-forte, état II.A/II.C. Chantilly, musée Condé © Le Curieux des arts Gilles Kraemer.

Claude Gellée, dit le Lorrain (Chamagne, vers 1600 – Rome, 1682) Paysage avec un troupeau de vaches traversant un gué, 1670. Pierre noire, plume et encre brune, lavis gris, jaune-brun et rose, rehauts blancs sur papier vergé (doublé), trait d’encadrement partiellement recouvert de gouache blanche. 15 × 21,1 cm.. Chantilly, musée Condé, DE 381 © RMN-Grand Palais Domaine de Chantilly - Adrien Didierjean.

Capter la lumière de la campagne romaine, son terrain d’élection, créant des paysages autrement plus artificiels qu’il n’y paraît, en réalité de vastes plaines servant de pâturage durant les mois d’hiver suite à la déforestation – estampe Le Bouvier, 1636 (cat. 13) ou dessin Un troupeau de taureaux, ca 1635-1645 (cat. n°16) , dans cette campagna romana, perçue comme hostile, repaire de brigands - eau-forte Étude d’une scène de brigands, ca 1633 (cat. n°6) -, où la mortelle mal’aria règne. L’artificialisation des paysages pastoraux luxuriants et idylliques qui sublimisent la réalité des plaines largement dénudées comme le représente Études d’arbres, ca 1640 (cat. n°19), jouant de gouache blanche dans l’éclaircissement de ce paysage composé et équilibré, un pur paysage d’invention. L’on ressent le plaisir pris dans la composition, la façon dont il l’a modelée. Paysage avec une petite cascade et un pont, ca 1645 (cat. n°26) révèle la rapidité de construction de ses vues d’invention.

Claude Gellée, dit le Lorrain (Chamagne, vers 1600 – Rome, 1682), La Tour ronde éclatée pour découvrir la statue du roi des Romains, 1637. Eau-forte état I/II.  Paris, Petit Palais – Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris © Petit Palais-Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris.

Une section est consacrée à l’expérimentation [de la gravure] dans la Rome baroque chez cet artiste, usant uniquement de l’eau-forte car il est un dessinateur qui dessine sur le cuivre, tirant lui-même ses plaques. Une presse est mentionnée dans son inventaire. Revoir La Danse sous les arbres, ca 1637 et ca 1640-1641 dont le 7ème état est présenté, les trois eaux-fortes de Feux d’artifice, 1637, d’une série de treize, célébrant les festivités d’une semaine données sur la piazza di Spagna pour célébrer l’élection de Ferdinand III, roi de Hongrie et de Bohème.

Les scènes de tempête – Deux bateaux dans la tempête, ca 1638-1640 (cat. n°21) et l’eau-forte La Tempête, 1630 (cat. n°2), peuvent se lire telles l’écho de la mésaventure advenue à Claude, lors de son retour de Marseille à Rome en 1627.

Claude Gellée, dit le Lorrain (Chamagne, vers 1600 – Rome, 1682). A gauche, Paysage de bord de mer avec Psyché, ca 1663. Pierre noire, plume et encre brune, lavis brun, rehauts de gouache blanche. Chantilly, musée Condé  // A droite Paysage avec Daphné changée en laurier, ca 1645. Plume et encre brune, lavis brun. Chantilly, musée Condé © Le Curieux des arts Gilles Kraemer.

Claude Gellée, dit le Lorrain (Chamagne, vers 1600 – Rome, 1682), Paysage avec Daphné changée en laurier, ca 1645. Plume et encre brune, lavis brun. Chantilly, musée Condé.  Exposition Claude Lorrain - Exhibition Claude Lorrain - Copyright RMN-Grand Palais Domaine de Chantilly-Adrien Didierjean.

Plus il avance dans sa pratique, plus sa technique se complexifie, heures du jour se mélangent dans ses compositions qui ne peuvent plus se dater dans cette transformation continuelle. Œuvre atypique, Paysage avec Daphnée changée en laurier, ca 1645 (cat. n°27), sujet dramatique où se devine, à peine, à gauche, la nymphe se transformant en arbre.

Cette remarquable évocation de l’art de Claude se clôt par l’évocation de la dispersion de son fonds d’atelier et les gravures d’interprétation de ses peintures.

Claude Gellée, dit le Lorrain (Chamagne, vers 1600 – Rome, 1682). A gauche Paysage avec le palais de Staphyle, ca 1672 Pierre noire, plume et encre brune, gouache blanche partiellement oxydée (repentirs) sur papier vergé 39,8 × 26,5 cm Besançon, musée des Beaux-Arts et d’Archéologie, D.2698  // A droite Wilhelm Friedrich Gmelin (1760 - 1820) Templum Veneris d'après Claude Gellée, 1805. Burin, roulette et eau-forte. Chantilly, musée Condée © Le Curieux des arts Gilles Kraemer.

(1) Chantilly a financé la restauration de nombreux dessins de Besançon, de Pontoise et du musée du Grand Siècle de Saint-Cloud.

Détail de Port de mer au soleil couchant, ca 1635-1640. Plume et encre brune, lavis brun, légers rehauts blancs, mise au carreau diagonale à la pierre noire sur papier vergé. Chantilly, musée Condé.

Claude Lorrain. Dessins et eaux-fortes

2 mars - 19 mai 2024

Cabinet d’arts graphiques, musée Condé - Chantilly

Commissariat Baptiste Roelly, conservateur du patrimoine au musée Condé

Sous la bonne et si discrète étoile d’Alice Goldet qui a brillé aussi fort que les soleils de Claude, catalogue d’un grand plaisir de lecture. Gardes et contre-gardes avec des détails de dessins. Un exemple de ce que doit être un catalogue, mémoire in fine d’une exposition, donnant le plaisir de le lire et de le relire. Sous la direction de Baptiste Roelly, textes de Lisa Beaven, Rhea Sylvia Blok, Angélique Franck-Niclot, Frédérique Lanoë, Maïté Metz, Catherine Monbeig Goguel, Amandine Royer, Francesca Whitlum-Cooper.

 

De gauche à droite - Joseph Baumhauer et Philippe Caffieri d’après les dessins de Louis-Joseph Le Lorrain. Meuble coquillier.  Bâti en chêne ; ébène et placages d’ébène ; bronze doré ; filets de laiton ; marbre. Vers 1758-1762.  Collection particulière  //  Joseph Baumhauer et Philippe Caffieri d’après les dessins de Louis-Joseph Le Lorrain. Meuble coquillier. Bâti en chêne ; ébène et placages d’ébène ; bronze doré ; filets de laiton ; marbre. Vers 1758-1762.  Collection particulière © Galerie Steinitz © Le Curieux des arts Gilles Kraemer.

Pour exposer la collection de coquillages qu’il commença à réunir en 1758, La Live commanda, outre le bureau cartonnier, plusieurs bas d’armoires vitrés en ébène. Deux des quatre corps d’armoires qui l’entouraient sont identifiés avec certitude et ici réunis. Ceux-ci portent l’estampille de l’ébéniste Joseph Baumhauer à deux reprises, contrairement au bureau et à son cartonnier.

Joseph Baumhauer et Philippe Caffieri d’après les dessins de Louis-Joseph Le Lorrain. Bureau et son cartonnier. Vers 1758, achevé en 1759. Bâti en chêne ; ébène et placages d’ébène ; bronze doré ; filets de laiton ; cuir.  Chantilly, musée Condé. © Le Curieux des arts Gilles Kraemer.

 Ce meuble fut acheté par le duc d’Aumale à la vente de son ami bibliophile, le duc d’Hamilton, à Londres en 1882 pour meubler sa galerie des Batailles, en pendant au bureau cartonnier de Choiseul. Il a notamment été restauré par Leleu (qui y a apposé son estampille) entre 1764 et 1770, du temps de La Live, puis par Grohé en 1883. La pendule n’est pas celle d’origine ; elle a été achetée par l’Institut de France en 1970.

Aux sources du néoclassicisme. L’incroyable mobilier de monsieur de La Live de Jully

Galerie des Batailles, du 2 mars au 29 avril 2024

Commissariat Mathieu Deldicque, conservateur en chef du patrimoine, directeur du musée Condé et du musée vivant du Cheval.

Le bureau-cartonnier d’Ange-Laurent de La Live de Jully (1725-1775), introducteur des ambassadeurs à la cour de Versailles, est l’un des meubles les plus mythiques du XVIIIe siècle français. Premier jalon du goût néo-classique, il a été exécuté par l’ébéniste Joseph Baumhauer et le bronzier Philippe Caffieri d’après les dessins de Louis-Joseph Le Lorrain. Ce chef d’œuvre - bureau et son cartonnier ont été restaurés grâce au soutien du Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF) et des Amis du Musée Condé -. Sa restauration coïncide avec la réapparition de deux meubles coquilliers qui l’accompagnaient, de Joseph Baumhauer et Philippe Caffieri d’après les dessins de Louis-Joseph Le Lorrain, tous deux en collection privées.

Dispersé en 1770 dans la vente des collections de La Live ce célèbre mobilier est réuni pour la première fois depuis. L’usage de ces deux meubles était celui de la présentation de précieux coquillages. Le bureau était-il un bureau ou, objet splendide, sa fonction n’était-elle celle pas de présenter aussi des coquillages ?

 

Traités de fauconnerie et de vénerie. (détail). Italie (Milan), XVe siècle (1459).  Manuscrit sur parchemin. 110 feuillets. 2 miniatures, ornements dans les marges et lettrines.  Chantilly, Bibliothèque du musée Condé, manuscrit 368.  Provenance : Francesco Sforza, duc de Milan (1450-1466) ; Guy Chapelet (XVIe siècle) ; achat du duc d’Aumale à la vente Broderip (1859) © Le Curieux des arts Gilles Kraemer.

Bestiaire médiéval. Trésors du Cabinet des livres

Cabinet des livres, 21 février au 27 mai 2024

Commissariat Marie-Pierre Dion, conservateur général des bibliothèques, musée Condé. Avec l’assistance de Camille Olivier, chargée de documentation, musée Condé.

Dommage qu'un catalogue ou une plaquette ne concrétise pas le souvenir d'une telle merveilleuse exposition, dans ce lieu, l'un des sanctuaires de la bibliophile et des bibliophiles.

L’animal occupe une place importante dans la vie et l’imaginaire des hommes et femmes du Moyen Âge. Les livres - et pas seulement ceux qui traitent des animaux - offrent ainsi un répertoire riche et varié d’illustrations ou de décors animaliers. Exposition s’ordonnant autour de la symbolique, de la Bible, des animaux des saints, des fables, des emblèmes, de la chasse, des animaux familiers, exotiques.

Psautier à l’usage de Brême.  Manuscrit sur parchemin. 117 feuillets. Allemagne, fin du XIIe siècle (1175). Reliure sur ais de bois, rehaussée d’une plaque de bronze lors d’un remontage postérieur.  Chantilly, bibliothèque du musée Condé, manuscrit 7.  Provenance : achat du duc d’Aumale à la librairie Thomas Boone (Londres, 1858) © Le Curieux des arts Gilles Kraemer.

Kalîla wa Dimna.  Traduit du latin en allemand par Anton von Pforr ( 14.. - 1483).  Urach (Souabe), XVe siècle (après 1476). Manuscrit sur papier. 183 feuillets. Cycle de 132 miniatures.  Bibliothèque de Chantilly, manuscrit 680.  Provenance : Eberhard V le Barbu, comte de Wurtemberg (1445-1496) ; achat du duc d’Aumale à Londres en 1860 © Le Curieux des arts Gilles Kraemer.

 

 

Pietro de’Crescenzi (1233-1320).  Le Rustican.  France (Anjou), XVe siècle (après 1459).  Manuscrit sur parchemin. 320 feuillets, 14 miniatures, lettres ornées. Chantilly, Bibliothèque du musée Condé, manuscrit 340.  Provenance : Philippe de Béthune (1566-1649) ; princes de Bourbon-Condé ; héritage du duc d’Aumale, 1830 © Le Curieux des arts Gilles Kraemer.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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