Redécouvrir le peintre-graveur Leonardo Cremonini – Académie des beaux-arts
Gilles Kraemer
Leonardo Cremonini, la (re)découverte de ce peintre-graveur, la riscoperta dell’artista.
Leonardo Cremonini, La Serra (frontispice), 1968. Lithographie, impression en couleurs. © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, printemps 2024, Palais de l’Institut de France.
Grâce aux donations, entre 2022 et 2024, de Pietro, fils de l’artiste Leonardo Cremonini (Bologne 1925-2010 Paris), les Beaux-Arts de Paris détiennent le corpus complet des estampes de cet artiste italien. Ce fonds unique, exceptionnel, dans les collections publiques françaises comprend 16 œuvres de jeunesse (de 1947 à 1953, principalement des eaux-fortes), ses éditions réalisées entre 1966 et 2009, de la lithographie Gli amanti / La coppia, assez coquine si on la décrypte attentivement à la sérigraphie photomécanique Sans titre [d’après Les Beaux jours] dans la thématique de la plage en été, et une trentaine d’épreuves d’état.
© Le Curieux des arts Gilles Kraemer, printemps 2024, Palais de l’Institut de France.
Leonardo Cremonini, Il sole negli occhi (planche 4), 1968. Lithographie, impression en 6 couleurs // Finestre al balcone (planche 2), 1968. Lithographie, impression en 13 couleurs © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, printemps 2024, Palais de l’Institut de France.
En quelque 75 estampes, le Palais de l’Institut de France consacre une exposition à cet artiste qui vécut la majeure partie de sa vie en France. Chef d’atelier de peinture à l’Ecole des beaux-arts de 1983 à 1992 - cela expliquant les donations de son fils à cette institution -, il est élu, en juin 2001, membre associé étranger de l’Académie des beaux-arts au fauteuil précédemment occupé par François Daulte. En avril 2018, le chorégraphe Jiří Kylián lui a succédé. (1)
Leonardo Cremonini, Al mare, 1966. Offset lithographique, impression en couleur // D’après Les Beaux jours, 2009. Sérigraphie, impression en couleur © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, printemps 2024, Palais de l’Institut de France.
Sous le commissariat d’Anne-Marie Garcia, ce parcours explore la puissance et l’originalité de cet œuvre graphique - ce monde tramé et sans fin des impressions de Leonardo Cremonini, dans un déroulé chronologique – un carambolage d’images souligne-t-elle - initié par la lithographie Gli amanti / La Coppia imprimée par la maison d’édition florentine Il Bisonte et, se terminant par la sérigraphie d’après Les Beaux jours éditée pour son exposition de peintures à Athènes en 2010. Un cheminement révélateur de la rectitude de l’imaginaire de cet artiste. Alberto Moravia écrivait de lui, en 1972, que son univers est furtif et clandestin et que les choses qui s’y produisent ne sont qu’une part de celles qui pourraient s’y produire.
Une révélation, un véritable défi que de le présenter souligne la commissaire. Les moins de 40 ans ont-ils jamais entendu parler de Cremonini, encore moins connaissent-ils son œuvre gravé et lithographié. (2).
Leonardo Cremonini, Da una stanza al balcone, la notte, 1974. Lithographie, impression en couleur // à droite Da una stanza al balcone, il giorno, 1973. Lithographie, impression en couleur © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, printemps 2024, Palais de l’Institut de France.
à gauche Leonardo Cremonini, Il labirinto, 1994-1998. Sérigraphie, impression en 18 couleurs, bois, plexiglass, laque // à droite, Le Rideau / Les Coulisses sans théâtre, 1975. Sérigraphie, impression en couleur © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, printemps 2024, Palais de l’Institut de France.
Leonardo Cremonini, Il labirinto, 1994-1998 (détail). Sérigraphie, impression en 18 couleurs, bois, plexiglass, laque © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, printemps 2024, Palais de l’Institut de France.
Formation à l’Académie des beaux-arts de Bologne, puis à l’Académie des beaux-arts de Brera à Milan. S’il s’essaie à l’eau-forte pendant ses études, c’est en peintre mûr et accompli qu’il revient en 1966, tardivement, à l’estampe. Gravures dont Le indiscrezioni (1973), eau-forte, aquatinte et gaufrage dans un regard à Rembrandt. Lithographie Dalla stanza al balcone, il giorno (1973) dans son mystère de l’enfance avec toujours le regard observateur d’un jeune enfant. Sérigraphie dont il expérimente et exploite toute la richesse des matrices et de leur impression ; Il labirinto (1994-1998), au titre tellement parlant, pour une scène dans une salle de bain, dans un jeu de reflets dans un miroir, en un tirage tridimensionnel incluant bois et plexiglas.
Un œuvre jamais enfermé ni renfermé mais dans la curiosité et l’expérimentation des techniques – l’estampe est le royaume de l’aléatoire et celle de la reprise puisque plusieurs états peuvent se succéder - dans ses thématiques de la plage et de la chaleur de l’été, de l’enfant au regard frontal, de l’évocation de la sensualité des corps, de l’intimité, de l’intime. Dans un œuvre dans laquelle il garde, comme dans sa peinture, les coulures de l’encre.
L’estampe, une métaphore de sa propre création mais dans une remise à la merci de l’aléatoire. Dans un monde de création en perpétuel mouvement.
Exposition - pas si confidentielle car de nombreux visiteurs très attentifs rencontrés - à prolonger par la lecture du formidable catalogue raisonné des estampes de cet aritste.
© Le Curieux des arts Gilles Kraemer, printemps 2024, Palais de l’Institut de France.
(1) Au cours de cette séance plénière du mercredi 25 avril 2018, procédant à l’élection de Jiří Kylián, l’Académie adoptait une réforme de ses statuts avec la création d’une neuvième section, celle de chorégraphie, forte de 4 membres. Angelin Preljocaj (élu il y a 5 ans, le 24 avril 2019, tardant à être installé) alors que ses confrères Blanca Li et Thierry Malendain (élus le 24 avril 2019), Carolyn Carlson (élue le 02 décembre 2020) sont installés.
Anne-Marie Garcia © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, printemps 2024, Palais de l’Institut de France.
Dans l’atelier de Leonardo Cremonini
5 avril au 29 mai 2024
Pavillon Comtesse de Caen, Palais de l’Institut de France (Paris)
Commissariat d’Anne-Marie Garcia conservatrice générale honoraire du patrimoine, anciennement responsable de la collection des Beaux-Arts.
couverture du catalogue - Leonardo Cremonini, Mosca cieca / Colin-maillard (planche 3), 1968. Lithographie, impression en couleur sur vélin, épreuve d’atelier avec reprise au crayon lithographique, au crayon graphite et à la mine de plomb © DR.
Catalogue. Dans l’atelier de Leonardo Cremonini. L’œuvre complet de ses estampes. Premier ouvrage consacré aux estampes de Leonardo Cremonini. Reproduction de l’intégralité de la collection des Beaux-Arts de Paris. Catalogue raisonné rédigé par Anne-Marie Garcia. Les 125 numéros de son corpus sont reproduits et commentés. Réédition de 6 textes fondamentaux de Louis Althusser (1966), Michel Butor (1969), Alberto Moravia (1972), Umberto Eco (1977), Italo Calvino (1984), Jacques Brosse (1987) et Régis Debray (1995) ainsi que de 2 textes de Pietro Cremonini, fils de l’artiste. Correspondances entre Cremonini, la maison Il Bisonte et la Fondation Adriano Olivetti (1967-1972). 400 pages. Éditions Beaux-Arts de Paris avec le soutien de l’Académie des beaux-arts. Prix 39 € (en service de presse). Disponible à la librairie de l’Institut, Les immortels, à cinq mètres de l’exposition. https://librairie.institutdefrance.fr/
(2) Fort opportunément et dans une concordance de temps, une autre exposition explore les rapports entre son œuvre et celle de son ainé Francis Bacon (1905-1992). Leonardo Cremonini, dans l’œil de Francis Bacon. Histoire d’une amitié artistique. 25 avril au 6 juillet 2024 - Galerie T & L - Paris