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Publié par Gilles Kraemer

Gilles Kraemer

Magnifique exposition aux Beaux-Arts de Paris consacrée aux Tiepolo, famille vénitienne d’artistes du Settecento : Les Tiepolo, invention et virtuosité à Venise. Dans la tradition des ateliers familiaux des peintres italiens. (1) Dix dessins de Giovanni Battista ou Giambattista (Venise 1696-1770 Madrid) le père, neuf de Giovanni Domenico ou Giandomenico (Venise 1727-1804), deux de Lorenzo (Venise 1736-1776 Humera) les deux fils, un du beau-frère de Giambattista, Francesco Guardi (1712-1792) avec un Projet de plafond, ca 1770-17790, plus des œuvres d’autres artistes. Commissariat de Hélène Gasnault et Giulia Longo. 

Giandomenico Tiepolo (Venise, 1727 – 1804),  Le  Couronnement de la Vierge. Plume, encre grise et lavis gris d'encre de Chine © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, avril 2024, Cabinet des dessins et des estampes Jean Bonna – Beaux-Arts de Paris.

Une exposition, en 44 numéros – le Cabinet Jean Bonna est intime – dans la (re)découverte de la richesse des collections de cette École car nombre de ces dessins ont peu été montrés. Principalement en 1988 à Venise, 1990 à Stockholm et Paris, sous le commissariat d’Emmanuelle Brugerolles et de David Guillet : Disegni veneti dell'École des Beaux-Arts di Parigi. Le dernier dessin montré fut, en 2017, La Malvasia de Giandomenico, représentant une taverne populaire vénitienne, lieu de sociabilité et de vie, présenté ici à côté de deux dessins de Giovanni Raggi (Bergame 1712 - ca 1792-1794), élève de Giambattista.

Giovanni Battista Piazzetta (Venise, 1683-754), Portrait d’un jeune garçon en buste. Pierre noite grasse et craie blanche sur papier jauni  //  Giovanni Cattini (Venise, 1715 - 1800), d'après Piazzetta, Couple de musiciens, 1743. Eau-forte © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, avril 2024, Cabinet des dessins et des estampes Jean Bonna – Beaux-Arts de Paris.

Une carte de Venise, deux estampes de Giovanni Antonio Canal detto Canaletto (ca 1741), dont un Capriccio portant bien son nom par sa réinvention architecturale de cette ville restitue cette République déclinante politiquement et économiquement, peuplée de 140 000 personnes en 1750. Il n’y a plus que 48 997 vénitiens le 22 avril 2024.

Dans son parcours thématique, l’exposition s’honore de nombreuses estampes qui redonnent toute sa place à l’image imprimée de la Venise du Settecento, aux eaux-fortes virtuoses de Giandomenico dont le corpus s’élève à 135 œuvres, celui de son père atteignant seulement 36 numéros.

Dialogue entre les trois estampes de Rembrandt van Rijn (Leyde, 1606 - Amsterdam, 1669) & les trois dessins de Giambattista Tiepolo (Venise, 1696 – Madrid, 1670) © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, avril 2024, Cabinet des dessins et des estampes Jean Bonna – Beaux-Arts de Paris.

Giandomenico Tiepolo (Venise, 1727 – 1804), Idee pittoresche sopra la Fuga in Egitto di Gesù, Maria è Giuseppe, eaux-fortes. Ouvrage ouvert à la planche 20  © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, avril 2024, Cabinet des dessins et des estampes Jean Bonna – Beaux-Arts de Paris.

L'œil du père a regardé attentivement les eaux-fortes de Rembrandt van Rijn ; Vieillard au chapeau de velours orné d’un bijou (1637) mis en dialogue avec le dessin Tête de vieillard du Vénitien le démontre. La suite remarquable des 27 planches d’invention de la Fuite en Égypte de la Sainte Famille par Giandomenico, les planches 11 et 20 sont seules présentées – les autres l’étant par un film – est d’une brillante créativité. Ce dernier a également gravé 56 estampes d’interprétation d’après des œuvres peintes de Giambattista – Apparition de la Vierge ; Saint Patrick ; Sainte Catherine de Sienne, un outil de communication des peintures d’autel de son père, une véritable dimension publicitaire précise Giulia Longo, évoquant cette entreprise familiale

Lorenzo Tiepolo ( Venise, 1736 – Humera, 1776),  Tête de vieil homme barbu. Sanguine et Buste figurant Palma il giovane, Pierre noire grasse et sanguine estompées  //  Giambattista Tiepolo (Venise, 1696 – Madrid, 1670), Étude de pied, de tête de profil et de flacons. Pierre noire et rehauts de blanc, traces de sanguine © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, avril 2024, Cabinet des dessins et des estampes Jean Bonna – Beaux-Arts de Paris.

Les études de tête et de visages importent dans l’art des Tiepolo. La feuille d’études de Giambattista Étude de pieds… converse avec deux études de Lorenzo : Tête de vieil homme barbu et Buste figurant Palma il giovane.

Giambattista Tiepolo (Venise, 1696 – Madrid, 1670), Faune et faunesse. Plume, encre brune, lavis brun sur esquisse à la pierre noire  //   deux Sainte Famille. Plume, encre brune et lavis brun © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, avril 2024, Cabinet des dessins et des estampes Jean Bonna – Beaux-Arts de Paris.

Dans une cité où églises et palais sont nombreux, la commande d’œuvres importe pour cette famille. Les dessins présentés ne sont pas des études préparatoires même si la question se pose pour le couple de Faune et de faunesse de Giambattista, vu "da sotto in sù", comme s’il s’agissait d’un exercice pour un plafond fresqué. Tout est dans un "Fa presto" merveilleusement maîtrisé. Encre brune et lavis apportent consistance aux dessins de La Sainte Famille de Giambattista, laissant libre cours à son inépuisable inventivité souligne Hélène Gasnault. Pour les deux Couronnement de la Vierge de Giandomenico, Catherine Loisel avance les capacités d’invention de celui-ci, dans la fluidité de la rapidité construisant, en quelques traits de plume, la composition.

Dommage cette suppression des quelques chaises et des trois tables du Cabinet Jean Bonna ! Elles permettaient de présenter trois dessins supplémentaires ! L’endroit, qui est lieu de consultation de dessins, en a perdu sa chaleur…

L’article du 6 novembre 2023 de notre confrère suisse Étienne Dumont L’ENSBA fait sa révolution en matière patrimoniale. Le Cabinet Jean Bonna du dessin fait place à une nébuleuse papier. L’École liquide l’héritage d’Emmanuelle Brugerolles et des «Amis» y est-il pour quelque chose ? Miraculeusement, le nom de Jean Bonna "réapparaît" dans Carnets d’études 58 du Cabinet des dessins et des estampes Jean Bonna. Lorsque Emmanuelle Brugerolles, conservatrice générale du patrimoine chargée de la collection des dessins des Beaux-Arts, assurait le commissariat des expositions attendues par tous les amateurs de "la belle feuille", il se dénommait Cabinet des dessins Jean Bonna. Dans un épisode navrant à biffer, à l'automne 2023, pour l’exposition La fabrique des collections ce lieu fut dénommé dans Carnets d’études 57 : Cabinet des Arts graphiques. Rien n’expliquait le pourquoi de cette subite mise à l’écart du nom de Jean Bonna. (2)

Une "omission" ou un "oubli", prestement réparé à l’égard de Jean Bonna, très discret genevois - trop bien élevé comme le soulignait Étienne Dumont le décrypteur nullement candide des dessous des institutions culturelles françaises et italiennes - bibliophile, collectionneur de dessins, correspondant de l’Académie des beaux-arts depuis novembre 2006. Sa contribution capitale et très discrète avait plus que largement aidé, en 2005, à la conservation de la donation Mathias Polakovits (Budapest 1921-Paris 1987) forte de 3 000 dessins de maîtres français du XVII et du XVIIIème – ce don étant lié à la condition qu’une salle devait être spécialement dédiée à celui-ci - et à l’aménagement de cet écrin que représente ce Cabinet comme le souligne Alexia Fabre, directrice des Beaux-Arts dans la préface de Carnets. Préface relevant le rôle et le nom d’Emmanuelle Brugerolles, la place importante de l’association des Amateurs de dessins des Beaux-Arts de Paris. Remerciements réitérés, dans le catalogue, à l’égard de cette association pour le don généreux d’une Feuille d’études, recto-verso, de Giambattista. Et dernier clin d’œil appuyé à cette association dynamique d’une quarantaine de personnes avec la reproduction de cette œuvre de jeunesse (ca 1718-1724 ou ca 1726) en 4ème de couverture. (3) Avoir toujours en tête que les collectionneurs-donateurs participent grandement à l'enrichissement de nos institutions. Comme pour cette exposition où la générosité de la veuve - elle doit bien avoir un prénom ? – de Prosper Valton en 1908, de Charles Drouet en 1909 et de Jean Masson en 1925 est soulignée pour les nombreuses feuilles de la famille Tiepolo qu’ils offrirent. Sans eux, sans ces mécènes passés et aujourd'hui présents, aucune exposition des Tiepolo aux Beaux-Arts ! L’article d’Étienne Dumont, clos d’un sans appel : Il y a vraiment là accumulation de sottises et de mauvaises décisions aurait-il interpellé la rue Bonaparte ?

(1) Vivarini http://www.lecurieuxdesarts.fr/2016/05/fascinants-vivarini-entre-gothique-et-renaissance-i-vivarini-lo-splendore-della-pittura-tra-gotico-e-rinascimento.html

(2) Dessins italiens de la collection Jean Bonna, Carnets d’études 4, 2006.

https://www.bilan.ch/story/exposition-a-paris-lensba-fait-sa-revolution-en-matiere-patrimoniale-934034151522 L’ENSBA fait sa révolution en matière patrimoniale. Le Cabinet Jean Bonna du dessin fait place à une nébuleuse papier. L’École liquide l’héritage d’Emmanuelle Brugerolles et des «Amis».

Sur la porte du Cabinet des dessins et des estampes - Jean Bonna, la liste des donateurs du Cabinet des dessins Jean Bonna (artistes, collectionneurs, galeristes, directeurs d'institution) © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, avril 2024, Cabinet des dessins et des estampes Jean Bonna – Beaux-Arts de Paris.

(3) Depuis 2015 le président de cette association, créée le 19 novembre 2005, est Daniel Thierry. Il a succédé à Jean Bonna.

https://beauxartsparis.fr/fr/exposition-simple/le-partage-dune-passion-pour-le-dessin

https://www.bilan.ch/story/une-passion-commune-pour-le-dessin-aux-beaux-arts-383024559526

Les Tiepolo, invention et virtuosité à Venise

22 mars – 30 juin 2024

Cabinet des dessins et des estampes Jean Bonna - Beaux-Arts de Paris

24, rue Bonaparte – Paris VI

Commissariat Hélène Gasnault, conservatrice des dessins et Giulia Longo, conservatrice des estampes et des photographies, toutes deux du département des œuvres des Beaux-Arts de Paris.

Carnets d’études 58. Textes d’Hélène Gasnault, Catherine Loisel (conservateur en chef honoraire au Département des Arts graphiques, musée du Louvre) et Giulia Longo. 144 pages. Prix 25 € (en service de presse).

Une exposition suggérée, avant son départ à la retraite, par Emmanuelle Brugerolles; elle en est remerciée dans ce Carnets.

http://www.lecurieuxdesarts.fr/2024/03/une-tete-de-philosophe-selon-giandomenico-tiepolo-una-testa-di-filosofo-di-giandomenico-tiepolo-tefaf-2024-galerie-coatalem.html

 

 

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