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Gilles Kraemer

Déplacement et séjour à titre personnel à Avignon

Seconde repésentation, vendredi 7 juillet, 21h30

 

A Noiva e o Boa Noite Cinderela © DR Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Avignon, gymnase du lycée Aubanel, 7 juillet 2023.

" Quelque chose me paraît moins sûr qu’avant ". Temps de basculement au milieu de la pièce de Carolina Bianchi, brésilienne, vivant à Amsterdam, auteur, metteur en scène, dramaturge et comédienne d’A noiva et o Boa Noite Cinderela. C’est sa première venue à Avignon. Elle frappe fort, très fort. La lecture de l’entretien avec le metteur en scène est souvent captivante, incitatrice, pétrie d’émotionnel, donnant l’envie d’aller voir de l’autre côté du miroir la transcription de son propos sur le plateau. Ici, celui du gymnase du lycée Aubanel convoque récits d’une mariée performatrice et de femmes assassinés.

A Noiva e o Boa Noite Cinderela, Capítulo 1 da Trilogia Cadela Força, Carolina Bianchi et Cara de Cavallo © Christophe Raynaud De Lage / Festival d’Avignon.

 

Première partie. Carolina Bianchi, assise derrière une table, lisant son manuscrit. Lecture de quelques vers de L’Inferno chant I de La Divina Commedia de Dante Alighieri. Nel mezzo del cammin di nostra vita / mi ritrovai per una selva oscura, / ché la diritta via era smarrita… D’une journée du Decameron de Giovanni Boccaccio - histoire de jeunes gens fuyant la peste florentine - celle de Nastagio degli Onesti, personnage noble dont les avances amoureuses sont repoussées par la dame de ses pensées. Il assiste à une scène perpétuellement renouvelée : celle d’une jeune fille poursuivie par un cavalier qui la tue et l'éviscère avant de donner les entrailles à manger à ses chiens. Écouter décrire les visuels des quatre tempera sur bois de Sandro Botticelli (1438) surnommées La chasse infernale. Mais Carolina Bianchi ne parle pas - omission, oubli ou méconnaissance du pourquoi de la création de cette œuvre - de la destination étonnante de ces peintures : l’ornementation d’un coffre à vêtements - cassone - offert en cadeau de noces à de jeunes époux. Évocation de la participation à la Biennale de l’art de Venise de Tania Bruguera en 2001 et 2005. Les saintes martyres. La vie de Pippa Bacca, une performeuse-artiste, ayant décidé d’aller d’Italie en Israël avec une amie, toutes deux vêtues en mariées. Dans la symbolique d’un mariage entre les peuples rencontrés. Elle sera violée et assassinée en Turquie en 2008. Son âge ? 33 ans, comme celui du Christ.

Des temps de violence, de viol, la sobriété de la narration de tous ces féminicides, tout en buvant un Boa noite Cenderela / Bonne nuit Cendrillon, la boisson offerte sournoisement par le violeur brésilien, l’agresseur sexuel à sa future victime. Elle aussi va tomber dans un profond sommeil, s’allongeant sur sa table de lecture, devenant l’évocation-future proie inconsciente après absorption de cette drogue du sommeil.

" Quelque chose me paraît moins sûr qu’avant ".

Salle sous le choc émotionnel. Doit-on rester ou partir silencieusement. Salle dans une telle sidération ce soir, qu’un homme s’est levé de son siège à 22h 45, allant boire le verre d’eau posé sur la table de la comédienne avant de se rasseoir. Script non prévu. Trouble profond et perceptible de la salle.

Qu’allait-il advenir ?

Seconde partie dont Carolina Bianchi sera l’observatrice impassible, après qu’on l’a déshabillée, revêtue d’une combinaison puis allongée sur un matelas posé au sol. Immensité du plateau livrée aux huit acteurs-performeurs, hommes et femmes. La violence prend corps, une danse rituelle et mortelle, des phrases s’inscrivent sur des écrans comme dans des films sans parole. Glaçante histoire, bien réelle dans son ignominie, celle d’une femme séduite par le footballeur Bruno, marié, qui l’engrossera, refusera de reconnaître son enfant, la fera séquestrer, violer, tuer, découper et donner à manger à ses dobermans. N’écopant que de quelques années de prison avant d’être libéré et de devenir l’idole des femmes. Le footballeur brésilien-assassin-star existe.

A Noiva e o Boa Noite Cinderela, Capítulo 1 da Trilogia Cadela Força, Carolina Bianchi et Cara de Cavallo © Christophe Raynaud De Lage / Festival d’Avignon.

Une voiture – plaque d’immatriculation FUCK CATHARSIS -, Carolina Bianchi sera enfermée dans son coffre puis subira sur le capot un très trop long examen vaginal filmé, manifestement douloureux ce soir de représentation.

A Noiva e o Boa Noite Cinderela, Capítulo 1 da Trilogia Cadela Força, Carolina Bianchi et Cara de Cavallo © Christophe Raynaud De Lage / Festival d’Avignon.

Dernière image, elle est déposée sur un matelas entouré de fleurs. Derrière elle, un panneau où est inscrit SHE GOT LOVE. Elle se réveillera, sortant de son endormissement. J’aimerai me réveiller d’une amnésie de la parole.

A Noiva e o Boa Noite Cinderela © DR Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Avignon, gymnase du lycée Aubanel, 7 juillet 2023.

Trois minutes d’applaudissements nourris.

A Noiva e o Boa Noite Cinderela © DR Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Avignon, gymnase du lycée Aubanel, 7 juillet 2023.

A Noiva e o Boa Noite Cinderela  /  Capítulo 1 da Trilogia Cadela Força

La mariée et Bonne nuit Cendrillon  //  Chapitre 1er de la trilogie Force de chien

Selon Carolina Bianchi et l’organisation collective Cara de Cavallo (visage de cheval)

Texte, conception, mise en scène, dramaturgie Carolina Bianchi

Traduction pour le surtitrage Larissa Ballarotti, Luisa Dalgalarrondo, Joana Ferraz, Marina Matheus (anglais), Thomas Resendes (français)

Dramaturgie et recherche Carolina Mendonça  //  Direction technique, musique originale, son Miguel Caldas

Lumière Jo Rios  //  Scénographie Luisa Callegari  //  Vidéo Montserrat Fonseca Llach  //  Costumes Carolina Bianchi, Luisa Callegari, Tomás Decina

Entraînement du corps et de la voix Pat Fudyda, Yantó  //  Dialogue sur la théorie et la dramaturgie Silvia Bottiroli

Avec Larissa Ballarotti, Carolina Bianchi, Blackyva, José Artur Campos, Joana Ferraz, Fernanda Libman, Chico Lima, Rafael Limongelli, Marina Matheus

Pour 5 représentations au gymnase du lycée Aubanel, du 6 au 10 juillet 2023

Durée 2h 30

En portugais, surtitré en français et en anglais

 

Tag(s) : #Avignon, #Théâtre
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