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 " Mon art est comme un buisson élagué par les préjugés - malgré tout nous grandissons, voire mieux. Et nous proliférons, non seulement vers le haut, mais aussi vers le bas.". Sigmar Polke. 

Sigmar Polke, Sans titre (Hannelore Kunert), 1970-1980, Collection de Georg Polke © Sigmar Polke, Cologne/ ADAGP, 2019.

En collaboration avec le Museum Morsbroich de Leverkusen (Allemagne) où elles furent présentées en 2018, LE BAL accueille, sur une conception originale de Georg Polke et de Fritz Emslander, 294 photographies inédites de l’allemand Sigmar Polke (Oels 1941 - 2010 Cologne) provenant de la collection de son fils Georg. Ses prises de vue, restées de longues années dans une caisse chez Georg, surgissent de  l’oubli.

" Son œuvre protéiforme peut s’apparenter à un champ de bataille où s'affrontent matières et sujets dangereux " souligne Bernard Marcadé, co-commissaire avec Diane Dufour, en présentant cet ensemble des années 1970 à 1986. Très rapidement, Polke " utilise le médium photographique, à la fois de manière documentaire pour réaliser ses peintures, mais aussi de façon autonome. Il existe chez lui une contamination réciproque de ces deux domaines, au point qu’il est autant possible d’évoquer la dimension photographique de ses peintures que la dimension picturale de ses photographies " précise-t-il. 

Quelles sont ses " infamies photographiques ", ses clichées sur cette pratique indépendante de son œuvre, un médium qualifié de mauvaise réputation, honteux au sens strict de l'infamie, comme l'exposition les titre ? Ce sont des images accidentées car largement manipulées lors du tirage, des photographies en noir et blanc - en majorité de format à l'italienne -. Des photographies de tous les jours, des instantanés dans la démarche multiforme de cet artiste réfractaire à tout systématisme et à toute règle préétablie. " Dans une position esthétique et éthique éminemment libertaire " pour Bernard Marcadé.

Ce qu'il saisit, c'est le quotidien que la scénographie de Cyril Delhomme présente en de très longues frises de photographies, comme le déroulé d'une vie, des instants de sa mémoire. Sa façon de faire : regardez et appuyez sur le déclencheur, "raptez" l'instant non mis en scène. Un mystère emprisonné dont le tirage livrera la réponse. Une collecte du temps passé pour des intermittences de souvenirs. Hambourg et Düsseldorf dans la tristesse de ces villes. Avec sa famille en Tunisie en 1971. La série Lady Shiva, Zurich, études d'ombres, de mouvements, autour d'une pratique de l'insolation (1977). Des portraits de ses ami(e)s, dont celui de Baseltitz. Lui-même pouffant de rire à Zurich (1976) ou avec de grosses lunettes, perdu dans ses rêveries (1980). Des inconnus, des réunions, des repas. L'instantanéité de la vie, tout simplement.

Sigmar Polke, Sans titre, 1970-1980, Collection de Georg Polke © Sigmar Polke, Cologne/ADAGP, 2019.

Dans sa série monochrome, dans des essais de noir, comment ne songerait-on pas à Axial Age (2005-2007), ses tableaux monumentaux exposés dans le pavillon central de la 57e Biennale de l'art de Venise (2007), dans cette abstraction et ces variations subtiles autour d'une seule couleur. Venise, il y partagea, en 1986, le Lion d'or avec le peintre britannique Frank Auerbach, lorsque Athanor fut présenté dans le Pavillon allemand. Pour la première fois apparaît la quête alchimique de l’artiste dont le titre de ce projet vénitien renvoie au creuset où se produit la transmutation. Une large section de l'exposition est consacrée à cette pratique développée lors de cette XLIIe Biennale - ne pas oublier que c'est l'année de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl - avec sa fascination pour l'alchimie et son désir d'expérimenter. Une peinture hygroscopique, aux couleurs hydrosolubles passant du bleu au rouge, fut appliquée sur les murs du Pavillon, réagissant aux variations atmosphériques, à la lumière si présente, à l'humidité. Des photographies et le catalogue conservent l'image "work in progress" de son installation italienne, dans un rendu fantasmagorique.

La photographie, qu'est-ce, sinon de l'alchimie au moment de son développement ? C'était au temps de l'argentique. Sigmar Polke aurait-il la même démarche maintenant à l'égard du numérique ?

Gilles Kraemer

Les infamies photographiques de Sigmar Polke

LE BAL - 6, impasse de la Défense - Paris 18e

13 septembre - 22 décembre 2019​​​​​​

www.le-bal.fr

ce texte a été publié dans la revue Artaïs, n°23, octobre-décembre 2019, dans un format plus concis.

 artais-artcontemporain.org/wp-content/uploads/2019/10/Journal_23-web.pdf 

 

 

 

 

 

Sigmar Polke (1941 - 2010). A gauche Die Trennung des Mondes von de einzelnen Planeten [La Séparation de la Lune des autres planètes ] [La separazione della luna dai singoli pianeti], 2005. Acrylique et résine artificielle sur tissu, 300 x 500 cm.. Collection Pinault // À droite Zirkusfiguren [Figures du cirque] [Figure del circo], 2005. Acrylique, résine artificielle et craie sur tissu, 300 x 500 cm.. Collection Pinault © photographie Le Curieux des arts Gilles Kraemer, juin 2016. Exposition Sigmar Polke, palazzo Grassi, Venezia.

En mémoire, exposition Polke au Palazzo Grassi, en 2016. www.lecurieuxdesarts.fr/2016/09/sigmar-polke-de-retour-a-venise-dans-la-transparence-du-chimiste-des-couleurs-nella-trasparenza-dello-chimico-dei-colori.html

 

 

Tag(s) : #Expositions Paris, #Expositions à l'étranger
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