Un coup de D jamais n'abolira le hasard. Le D dans la collection du Frac Île-de-France
Un coup de dés jamais n'abolira le hasard, Stéphane Mallarmé (1897). Pour l'exposition "D" du Frac Île-de-France, au château de Rentilly, c'est un autre hasard, pas si éloigné de la poétique mallarméenne qui fut convoqué. Sans doute que le tirage au sort (via un plugin sur son site Internet) dans le choix d'une lettre de l’alphabet, déterminant le choix des artistes présentés, aurait séduit l'avant-gardiste "prince des poètes", adepte de l'analogie et de la suggestion, dans un jeu de correspondances, à travers images et sensations ! Mais, si l'on y songe, n'est-ce pas la démarche d'un commissaire d'exposition d'art contemporain lorsqu'il place une œuvre à côté d'une autre !
Marc Desgrandchamps, Sans titre, 1990. Huile sur toile. 195 x 130 cm. © ADAGP, Paris, 2019. Collection Frac Île-de-France.
"D" fut le gagnant. Tous les artistes dont le nom commence par D, présents dans ce Fonds francilien, sont exposés, avec toutes leurs œuvres. Soit 34 artistes ou binômes et 123 œuvres, dans le spectre large, de la peinture à l'installation, de la sculpture de verre Fenouil prudent d'Erik Dietman (1993-1997) à la vidéo Animate V de Simon Dybbroe Møller (2012).
Ce principe prédéterminé et arbitraire, ne laissant aucune place au choix subjectif du commissaire Xavier Franceschi, également directeur du Frac, fut l'objet du précédent "L", à l'automne 2018 à Rentilly. L'approche est celle d'une exposition conçue sous le spectre de ce protocole rigoureux, à l'opposé de la classique sélection des œuvres confortant le discours du commissaire sur un thème.
Philippe Decrauzat, The Way Out is to permutate, 2006. Acrylique sur toile. 210 x 210 cm. © Philippe Decrauzat. Collection Frac Île-de-France.
Au gré des acquisitions, choix des différents directeurs de ce Fonds régional d'art contemporain, adeptes de la radicalité extrême, de l'intervention ou de la peinture, une image très large de la création de l'art en France est présentée. Certains artistes ne figurent que par un achat tel Plein ocre d'Olivier Debré (1920-1999), peintre de l’abstraction gestuelle dans ses toiles de la nature et du paysage ou Philippe Decrauzat The Way Out is to permutate (2006) revisitant le champ de l’abstraction dans un répertoire de formes minimales et géométriques, réinvestissant l’art optique et cinétique pour en élargir les différentes perspectives. D'autres plus "chanceux", eurent droit à de nombreux achats. Tel Stéphane Dafflon - AST 292 (2017) - avec sa peinture abstraite créée à l’écran puis transposée de l’ordinateur à la toile. Sa démarche joue également des références aux mouvements art concret, abstraction géométrique, Op’Art. Ou Marc Desgrandchamps - Sans titre, 1996 - figuratif de l’espace indéfini dans des références à la peinture classique d’histoire.
Erik Dietman, Fenouil prudent, 1993-1997 © Adagp, Paris, 2019. Collection Frac Île-de France.
Parmi les duo d'artistes, les belges Jos de Gruyter & Harald Thys réalisent des vidéos, des performances, des installations et des photographies dans lesquelles ils mettent en scène des personnages décalés, dans ce qui semble être leur quotidien, dans un univers fictionnel aux faux airs de réalité, entre cauchemar et caricature. Ten Weyngaert (2007) reprend le nom d’un centre communautaire implanté dans la banlieue de Bruxelles dans les années 1980, proposant un espace de vie utopique réunissant des individus autour d’activités artistiques et culturelles.
Vue de l'exposition D, Frac Île-de-France, Le Château, 2019 Photo : Martin Argyroglo.
Gilles Kraemer
D œuvres de la collection du Frac Île-de-France
Frac Île-de-France, le château - Parc culturel de Rentilly - Michel Chartier
77600 Bussy-Saint-Martin
20 septembre - 22 décembre 2019
ce texte a été publié dans la revue Artaïs, n°23, octobre-décembre 2019.
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