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Publié par Gilles Kraemer

Gilles Kraemer

 

   L’atelier de Guido Reni Pour les Nuls. Pas encore paru, sous sa célèbre couverture noire et jaune, l’ouvrage consacré à l’atelier de Guido Reni (1575 - Bologne - 1642), dont l’objectif permettrait de plonger dans l’atelier du « pittore divino » ! C’est ainsi que ses contemporains le surnommèrent. Un peu rapide ce titre car le bolognesi n’en était pas moins homme, ne tutoyait pas tous les jours les anges et le Seigneur. Eruptif avec certains de ses collaborateurs, souffrant d’addiction aux cartes et aux dés, jusqu’à la ruine, « pratiques violemment condamnées au nom de l’Église comme des vices » souligne Corentin Dury, commissaire scientifique de cette passionnante exposition que le musée des Beaux-Arts d’Orléans consacre à l’atelier de Guido Reni. Quatrième exposition sur ce peintre, dans les institutions muséales européennes depuis 2022 !

Guido Reni, David tenant la tête de Goliath. Huile sur toile, 228 x 163 cm.. Orléans, musée des Beaux-Arts © Orléans, musée des Beaux-Arts.

L’événement fondateur de la réflexion de cette exposition autour de cet atelier fut le David contemplant la tête de Goliath du musée d’Orléans, présenté alors « d’après Reni ». L’on commença en 2016 à le regarder plus attentivement puis, sa restauration en 2016-2017 permit qu’il fût présenté, de l’automne 2022 à l’été 2023, aux rétrospectives Reni à Francfort-sur-le-Main puis à Madrid comme étant de sa main. Tout, de l’histoire de sa restauration, de sa qualité révélée, de sa datation – au début des années 1610 à Rome - est explicité dans l’un des essais de Corentin Dury lui permettant d’avancer que « l’hypothèse la plus plausible serait celle d’un travail d’élaborations et de tâtonnements sur le tableau orléanais et d’une reprise avec changements, presque immédiatement, sur la toile du Louvre, toujours pas Reni ». 

 Guido Reni, photographie du David du musée du Louvre  //  David du musée des Beaux-Arts d'Orléans  //  photographie de l'image sous infrarouges de la toile d'Orléans  //  attribué à Giovanni Francesco Gossi, David contemplant la tête de Goliath. Huile sur toile. 132 x 149 cm.. Gemaldegalerie, Dresde © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Orléans, 2025.

La confrontation entre le parisien et l'orléanais n'a pas eu lieu. Quelles furent les arguties du Louvre pour qu’Orléans ne puisse accueillir son David alors qu’elle le prête actuellement à la Galerie du Temps du Louvre-Lens ? Réponse subtile de l’accrochage en présentant la photographie du David parisien, dans un format plus petit qu’il ne l’est.

N’ayant pas été montré à Francfort en novembre 2022 et à Madrid en mars 2023, quel motif empêcha que le David parisien ne prenne la route d’Orléans alors que le David orléanais présent à Francfort jusqu’au soir du 5 mars 2023 se retrouvait à Madrid le 28 mars au matin ?

D'après Guido Reni (avec ritochi ?), collaborateur de Guido Reni, Judith tenant la tête d'Holopherne. Chartres, musée des Beaux-Arts  //  Collaborateur de Guido Reni, Avec des ritocchi de Guido Reni (?), Saint Jérôme. Huile sur toile, 118 x 96,5 cm.. Magny-les-Hameaux, église Saint-Germain-de-Paris  //  D'après Guido Reni, collaborateur de Guido Reni (Flaminio Torri ?), Saint Jérôme, Rome, Gallerie Nazionali di Arte Antica - Palazzo Corsini    © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Orléans, 2025.                    

Dommage cette non confrontation alors que Saint Jérôme de l’église Saint-Germain-de-Paris, Magny-les-Hameaux, d’après Guido (avec ritocchi ?, collaborateur de Guido) est présenté à côté de celui du Palazzo Corsini, Rome, collaborateur de Reni (probablement Flaminio Torri ?).

Le Martyre de sainte Apolline // Collaborateur de Guido Reni, Mantou, museo diocesano Francesco Gonzaga  //  Guido Reni, collection particulière  //  Atelier de Guido Reni, Le Mans, musée de Tessé © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Orléans, 2025.

Un généreux collectionneur privée a accepté que son Martyre de sainte Apolline – un bourreau s’apprête à arracher les dents de la future sainte attachée à une colonne – peinture de Guido sur cuivre, soit montré à côté d’un cuivre d’un collaborateur et d’un autre cuivre de l’atelier, permettant cette triple confrontation entre un original, une répétition convaincante d’un collaborateur et une production ordinaire. Elles suivent toutes, de manière fidèle, un même modèle. Manifestement ce sujet devait plaire puisque Guido le reprit, vers 1600-1603, avec deux bourreaux dont l’un tient les cheveux de la sainte, scène plus apte à émouvoir (Madrid, musée du Prado - non présentée à Orléans – figurant à l’exposition romaine du printemps 2022).

Guido Reni, David contemplant la tête de Goliath, plume et encre sur papier, Harris Museum & Art Gallery, Preston © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Orléans, 2025.

Le britannique Harris Museum & Art Gallery, Preston, a prêté l’insigne dessein préparatoire du David. « Prêt crucial » souligne Dury. La première pensée de cette représentation du jeune berger - l’on sent la pose raffinée des deux pieds, une attitude facile et confortable pour un modèle - ayant décapité le philistin. Il est plongé dans la contemplation de la tête tranchée au front ensanglanté, posée sur une colonne, qu'il tient par les cheveux. Une méditation. L’on est en dehors de toute narration, de toute action. Dans l’après du lancer de la fronde et de la décapitation. Dans un devenir. Dans un temps suspendu, porteur d’une histoire connue de tous sans qu’il soit nécessaire de la représenter. (1)

Six typologies de David, modèle incontournable de la marque Reni © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Orléans, 2025.

Guido Reni, David, huile sur toile, Kunsthitorisches Museum, Vienne  //  Guido Reni,  David contemplant la tête de Goliath, huile sur  toile, donation Paolo et Roberto Volponi, Galleria Nazionale delle Marche, Urbino © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Orléans, 2025.

Cette présentation du David orléanais a permis à Corentin Dury ne nous livrer les différentes typologies de cette figure biblique, porteuses du nom du collectionneur chez lequel l’œuvre est attestée pour la première fois : Créquy pour le Louvre, La Vrillière pour Orléans et une interprétation attribuée à son élève Giovanni Francesco Gessi (Dresde), Volponi avec la réinvention de la composition, le sujet seulement en buste (incroyables prêts de la Galleria nazionale delle Marche, Urbino & du Kunsthitorisches Museum, Vienne) Mazarin, Famille en pied et Famille au cimier. Dans sa continuation, le prêt exceptionnel, par la Galleria Borghese, d’un Giovanni Battista Caracciolo detto Il Battistello (1578 - 1635), le berger crâneur, conscient de son action, une force dans le regard, sous le pinceau de ce napolitain.

Cette exposition est la 4ème consacrée à ce peintre après celles de la Galleria Borghese en mars 2022 sur le thème de Guido Reni a Roma. Il sacro e la natura, du Städel Museum à l’automne 2022 : Guido Reni le divin et du Museo del Prado : Guido Reni, au printemps 2023. (2)

Comparé à une « divinité » Guido ne peut tout faire. Derrière lui, il y a un atelier. D’où cette exposition dans la résonnance pertinente entre ce qui est de lui et ce qui est de son atelier. Sa formation commence, en 1584, dans l’atelier de Denijs Calvaert (ca 1540-1619) flamand installé à Bologne, il s’adonne à l’exécution de l’œuvre que le second retouchait et vendait comme de sa main. En 1594, il rejoint l’Académie des Carracci Annibale, Agostino et Ludovico, appétence pour le dessin, avant de partir à Rome où il travaillera de 1601 à 1614, dans l’observation du Cavaliere d’Arpino ou de Caravaggio, membre de l’Accademia di San Luca, collectionné par les cardinaux Pietro et Ippolito Aldobrandini, Scipione Borghese, Ludovico Ludovisi..

Sainte Marie Madeleine  //  Collaborateur de Guido Reni, 172 x 121 cm.., musée des Beaux-Arts, Orléans  //  Guido Reni, 200 x 150 cm., galerie Sarti, Paris  //  Guido Reni, 111,5 x 93 cm.., Quimper, musée des Beaux-Arts   © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Orléans, 2025.

Retour à Bologne en 1614, création d’un atelier. Son contemporain Carlo Cesare Malvasia y dénombra jusqu’à 200 personnes, des « garzoni » aux élèves, des collaborateurs aux artistes de passage à Bologne souhaitant se confronter à la manière de Guido. Une P.M.E. ?

" Guido Reni and Co, Guido Reni and Partners, Guido Reni Haute-Couture, Guido Reni Prêt-à-porter " , toutes les acceptations sont possibles dans la qualification de l’entreprise Guido, une pratique courante à l'époque. Une " firme " au service des grands avec des toiles d’invention et dans le sur-mesure : répétitions autographes – notion d’original multiple tels les deux Atalanta e Ippomene -, ou des œuvres de collaborateurs ou des copies plus ordinaires de l’atelier.

Toiles esquissées, « abbozzate », pouvant être rapidement achevées. « Ritocchi », œuvre produite par un collaborateur qu’il retouchait suite à une commande, dans un jeu de déclinaisons. « Capacité exceptionnelle des collaborateurs de produire des tableaux en étouffant presque totalement leur individualité pour aboutit à une marque de fabrique qui devient un véritable label de créateur » note Corentin Dury, les premières étapes n’ont pas à être nécessairement de la main de Reni. Ajoutant « il faut garder à l’esprit qu’aucun tableau du XVIIe siècle ne fut un travail strictement solitaire. ».

Imagerie infrarouge avant restauration de Guido Reni et collaborateur (?) L’Enlèvement d’Europe. Huile sur toile, 127,5 x 107,5 cm.. Tours, musée des Beaux-Arts  // superposition par lignes principales de la toile d'Orléans et de la toile de L'Ermitage, Saint-Pétersbourg © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Orléans, 2025.

Il est avant tout l’inventeur de la composition, avant sa déclinaison. Dont ses nombreuses figures féminines : Cléopâtre, Enlèvement d’Europe (musée de Tours), Marie Madeleine (musée d’Orléans et galerie Sarti, musée de Quimper) ou Suicide de Lucrèce dans une réinterprétation en demi-figure de Giovanni Giacomo Sementi (musée de Besançon).

Giovanni Maria Tamburini, en partie d'après les dessins de Guido Reni (et avec ritocchi ?), L'Annonciation avec saint Laurent, église Santa Maria della Vita, Bologne; présentée juste à côté des deux dessins de Guido conservés aux Uffizi © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Orléans, 2025.

Colérique certes, il se montre aussi généreux avec ses collaborateurs tel Giovanni Maria Tamburini auquel il offrit les dessins d’un Archange Gabriel et d’une Vierge annoncée (Galleria degli Uffizi) dont celui-ci s’inspirera pour son Annonciation avec saint Laurent, église Santa Maria della Vita, Bologne. L’invention de cette peinture doit être en partie rendue à Guido.

Donnez des clefs pour se poser des questions en n’oubliant pas que cette exposition orléanaise est une enquête dont l’on espère qu’elle ne soit pas terminée.

 

(1) Harris Museum & Art Gallery à Preston - https://www.theharris.org.uk/collections/

(2) Guido Reni a Roma. Il sacro e la natura. Commissariat Francesca Cappelletti (directrice générale de la Galleria Borghese). 1er mars au 22 mai 2022. Galleria Borghese, Rome - Catalogue, 36 numéros. Le prétexte de cette exposition était la présentation de la Danza campestre de Guido (1605-1606), ancienne collection du cardinal Scipione Borghese, acquise par l’Etat italien sur le marché de l’art en 2020, réintégrant la Galleria Borghese. David avec la tête de Goliath, « Guido Reni et son atelier » selon le catalogue, prêt des Gallerie degli Uffizi y figurait sous le numéro 12 ; dans sa notice, Antonio Iommelli cite la toile d’Orléans. https://www.lecurieuxdesarts.fr/2022/04/le-sacre-et-le-paysage-en-majeste-chez-le-divin-guido-reni-galleria-borghese.html

Guido Reni le divin. Commissariat Bastian Eclercy (directeur du département des peintures italiennes, françaises et espagnoles avant 1800). 23 novembre 2022 au 5 mars 2023. Städel Museum, Francfort-sur-le Main - Catalogue, 164 numéros. Le David d’Orléans y figurait sous le numéro 33, notice de Corentin Dury.

Guido Reni. Commissariat David Garcia Cueto. 28 mars au 9 juillet 2023. Museo del Prado, Madrid – Catalogue fort imposant et pesant 2500 grammes, 96 numéros. Le David d’Orléans était présenté dans la 3ème section : À Rome, entre Raphaël et Caravage, sous le numéro 16, notice de Maria Cristina Terzaghi. Toile exposée à côté de David vainqueur de Goliath (1600) de Caravaggio, Museo del Prado et de David décapitant Goliath (1606-1607) de Guido Reni, Arp Museum Bahnhof Rolandseck, Remagen, Allemagne. Interdiction de prendre des photographies dans tout le musée du Prado. Comique, les tableaux de ce musée ibérique, présentés dans d’autres pays, sont photographiables !

Guido Reni, Etude de saint Jean Baptiste prêchant dans le désert, ca 1620-1625. Plume et encre brune. Collection Galdin © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Orléans, 2025.

Simone Cantarini detto Il Pesarese (Pesaro 1612- Verona 1648), Vierge à l'Enfant, anges et putto. Plume et encre brune © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Orléans, 2025 - 

Exposition Cantarini, du 22 mai au 12 octobre 2025, à la Galleria Nazionale delle Marche à Urbino, en partenariat avec les Gallerie Nazionali Barberini Corsini, commissariat de Luigi Gallo, Anna Maria Ambrosini Massari et Yuri Primarosa. 

  Continuation de l’exposition dans les cabinets d’art graphique de l'institution orléanaise par une présentation en trois parties d’une sélection de ses collections : Maîtres et élèves à Bologne, des Carracci à Guido Reni ; La fortune gravée de Guido Reni, du Grand Siècle au siècle des Lumières et Le culte des grands maîtres au XIXe siècle. Un dessin de Guido, une Etude de saint Jean Baptiste prêchant dans le désert, collection privée, est exposé pour la première fois..

 

Dans l’atelier de Guido Reni

30 novembre 2024 - 30 mars 2025

Musée des Beaux-Arts d’Orléans

Commissariat général Olivia Voisin. Commissariat scientifique Corentin Dury

Catalogue sous la direction de Corentin Dury. Textes d’Olivier Bonfait, Aoife Brady, Jessica Degain, Bastian Eclercy, Bastien Lopez et Lorenzo Pericolo. 216 pages. 117 illustrations. Co-édité par le musée des Beaux-Arts d’Orléans et Silvana Editoriale. Prix 39 € (service de presse).

Scénographie Agence Nathalie Crinière.

Collaborateur de Guido Reni (Giovanni Giacomo Sementi ?), Sainte Catherine d'Alexandrie, Fondazione Cassa di Risparmio, Bologne  //  Guido Reni, Le Christ en Croix entre sainte Catherine d'Alexandrie et saint Jules de Silistrie, Museo Nazionale di Villa Guinigi, Lucques © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Orléans, 2025.

© Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Orléans, 2025.

Les Amis des Musées d’Orléans et l’Institut culturel italien à Paris ont financé la restauration du cadre du Christ en croix entre sainte Catherine d’Alexandrie et saint Jules de Silistrie, prêt du musée national de Lucques; sans cette opération il n'aurait pu voyager. A ses côtés, le portrait isolé de la sainte est la réutilisation exacte de la figure sans changer le sujet, avec l'adjonction d'un ange.

Exposition sous le patronage du Consulat Général d'Italie, Paris. Démarche très raisonnée de cette institution orléanaise, les 33 œuvres venant de France ont été transportées par les agents du musée, dans une réduction des frais de cette exposition.

Salle Guido Reni des Musei Capitolini, Rome © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Rome, janvier 2025. 

https://www.museicapitolini.org/it/percorsi/percorsi_per_sale/pinacoteca_capitolina/sala_vi_la_pittura_a_bologna_dai_carracci_a_guido_reni

D’après Guido Reni, Tête de vieillard [Sénèque ?], 1600-1603. Terre cuite. 51x 34 x 17 cm.. Rome, VIVE (Vittoriano e Palazzo Venezia) © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Paris, Petit Palais, février 2025. 

Exposition Ribera. Ténèbres et lumière, Petit Palais, musée des Beaux-Arts de la ville de Paris, 5 novembre 2024 au 23 février 2025. Cette terre cuite était présentée dans la première salle, en relation avec les numéros 5, 6, 12, 13, 14 et 15 du catalogue.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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