De la fascinante nature selon Jean-Baptiste Huet
Jean-Baptiste Huet. Détail d'Un dogue se jetant sur des oies, vers 1768-1769. Huile sur toile, 128 x 162 cm.. Toile exposée au Salon de 1769. Paris, musée du Louvre, département des Peintures © photographie Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse, février 2016
Jean-Baptiste Huet (1745 - 1811), cet "illustre et inconnu" peintre du XVIIIe siècle ! Étrange, étonnante et même déconcertante mais si réaliste façon d'annoncer, dès la première ligne du catalogue accompagnant l'exposition, cette première rétrospective consacrée à cet artiste parisien, fils du peintre Nicolas et neveu de Christophe auteur de la petite et grande singerie de Chantilly ! Illustre puisque membre de l'Académie royale il exposa douze fois au Salon, manifestation artistique incontournable du temps. Inconnu, enfin moins connu, puisqu'il œuvra en majorité pour la clientèle privée et qu'il est souvent perçu comme un épigone de François Boucher.
"Jean-Baptiste Huet. Le plaisir de la nature ne se souhaite ni une vision exhaustive ou complète de l'artiste" à travers les 72 numéros présentés à Cognacq - Jay, comme le souligne Benjamin Couilleaux, le commissaire de cette exposition "mais présente le meilleur de sa création à partir de l'axe fort de la nature, dans une déclinaison autour de la Faune et de la flore, de la Pastorale et des Arts décoratifs, dans une sélection très resserrée, avec le focus sur les arts graphiques." Remarquables dessins.
Jean-Baptiste Huet. Tableau et détails d'Un dogue se jetant sur des oies, vers 1768-1769. Huile sur toile, 128 x 162 cm.. Paris, musée du Louvre, département des Peintures © photographie Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse, février 2016
La force d'Un dogue se jetant sur des oies (vers 1768-1769), toile qu'il présenta à l'Académie royale de peinture et de sculpture comme morceau de réception - il fut agréé peintre animalier - puis exposée au Salon de 1769, nous accueille. L'élève de Jean-Baptiste Le Prince, dans ce tableau monumental, laisse sourdre toute l'ambition d'élevation du genre animalier, considéré alors comme inférieur à la peinture d'histoire, dans ce violent engagement entre le chien et le couple d'oies tentant de protéger leurs oisons, dans ce rendu du pelage du dogue et des plumes des oiseaux. Ce côté très moralisateur et psychologique, dans cette individualisation des animaux si novatrice, se retrouve dans une autre toile, aussi forte, Un loup percé d'une lance (Salon de 1771). Toile dans des couleurs froides, vision frontale d'un animal blessé au flanc d'où coule le sang. La gueule grande ouverte, les yeux écarquillés, il nous regarde et hurle sa souffrance. Fascinante interpellation. Mais, à la même date il peint Le Petit chien au ruban bleu (présenté pplus tard au Salon de 1773), toile intimiste avec un petit chien à la coupe dite en lion ; La Fidélité déchirant le bandeau de l'amour et foulant ses attributs, autre titre de cette allégorie, se réfère aux amours de la comtesse de Brionne, maîtresse du duc de Choiseul disgracié au moment où le tableau fut peint.
Vues de l'exposition Jean-Baptiste Huet. Le plaisir de la nature. Musée Cognacq - Jay, Paris, première salle & salle des œuvres sur papier © photographie Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse, février 2016
Perdrix rouge, deux passereaux, quatre têtes d'épagneul (1769), huile sur papier récemment réapparue sur le marché parisien et vite entrée dans une collection suisse, laisse éclater toute la maestria de Huet dans ce rendu de différents animaux disposés à la façon d'une planche zoologique. La plume et encre brune de Lièvre mort et deux études de sa tête (1785) est un autre exemple de sa captation si réaliste des animaux morts. Univers animalier qui le porte à s'intéresser, au début du XIXe siècle, au monde exotique des fauves de la ménagerie du Museum dans sa Tête de lion et particulièrement dans la scène si attendrissante de la Lionne avec ses petits.
Autre aspect de ce Plaisir de la nature, ces études des légumes et végétaux. La pièce maîtresse ? Enfin, une des pièces maîtresses, tellement l'ensemble de ces belles feuilles réunies dans une petite pièce atteint de grands moments de délectation. L'aquarelle et gouache sur papier Deux courges (1785) qui appartint à la comtesse de Béarn, une étude si précise, peut-on faire mieux dans le rendu si tactile de ces cucurbitacés ? Que songer de Troncs d'arbre (1796), pierre noire sur papier ? Huet y est formidablement en avance, pénétrant dans le romantisme dans l'aspect si étrange de sa composition faisant souvenance de quelques David Caspar Friedrich. La suite des sept Études de plantes (1770-1775), dont nombreuses provinrent d'achat du commerce de l'art de la rue de Seine, est un exemple si didactique de dessins aux techniques sanguine, rehauts de blanc, pierre noire... pour un rendu de la ciselure des feuilles et une sensibilité si forte de la végétation. Rave, aujourd'hui à la Fondation Custodia, collection Frits Lugt, uniquement travail de sanguine, en est un exemple dans la si grande économie de sa conception.
Vues de l'exposition Jean-Baptiste Huet. Le plaisir de la nature. Musée Cognacq - Jay, Paris © photographie Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse, février 2016
Après ses pastorales imaginant d'une façon poétique le monde de la campagne, des bergers, où tout le monde vit dans le bonheur et l'innocence totale, la dernière partie de cette exposition présente les liens d'Huet avec les arts décoratifs. Il va donner des cartons de garnitures de mobiliers - dossiers de bergères et joues de canapées - pour la manufacture de tapisserie de Beauvais. La contribution de Huet à partir de 1783 jusqu'en 1811 avec la manufacture de coton imprimée d'Oberkampf à Jouy-en- Josas sera suivie d'une quarantaine de modèles, sur des thèmes allégoriques, mythologiques, historiques ou littéraires, dans un répertoire iconographique très vaste. Goût de l'antiquité (Médaillons et cartouches à l'antique), motif de l'Escarpolette dans un fourmillements de détails, toile des Quatre Parties du monde avec les continents connus des occidentaux, Europe, Amérique, Afrique & Asie sont autant de motifs de rêverie chez ce peintre ré-enchanteur de la nature.
Gilles Kraemer
Jean-Baptiste Huet. Le plaisir de la nature
6 février - 5 juin 2016
Musée Cognacq - Jay
8, rue Elzévir - 75003 Paris
http://museecognacqjay.paris.fr/ & #expoHuet
Commissariat Benjamin Couilleaux. Catalogue indispensable. Textes de Benjamin Couilleaux suivant le parcours de l'exposition. 100 illustrations. 176 pages. Éditions Paris Musées. Prix 29, 90 euros. Toutes les œuvres présentées sont reproduites.
Visitez ce musée du XVIIIe siècle et arrêtez-vous devant le Portrait de la Présidente de Rieux (1742), pastel de Maurice Quentin de La Tour, un éblouissement en camaïeu bleu http://museecognacqjay.paris.fr/fr/la-collection/portrait-de-la-presidente-de-rieux
Ne pas oublier la 25e édition du Salon du dessin du 30 mars au 4 avril 2016 et et les événements accompagnant la semaine du dessin pendant laquelle Paris devient capitale de "la belle feuille". Cognacq Jay participe à cette semaine. http://www.salondudessin.com/