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Publié par Gilles Kraemer

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Jean Bedez, L'art du combat. Galerie Suzanne Tarasieve, Paris, septembre 2014 © photographie Le curieux des arts Antoine Prodhomme

L'Art du combat aux échecs est l'intitulé de l'ouvrage du joueur d'échecs David Bronstein, relatant le tournoi de Zurich de 1953 auquel Jean Bedez (né en 1976) emprunte le titre de sa première exposition personnelle chez Suzanne Tarasieve. Uniquement des dessins. Sa seule arme pour mettre échec et mat la blancheur du papier : le crayon. Rien que des mines et des mines graphites pour des dessins d'une virtuosité totale, absolue, sidérante, le plaisir à l'état pur - le plus grand de 143 sur 272 centimètres de la revisitation de La Cène de Léonardo : Le Cénacle aux visages absents – dessins auxquels il consacre des heures et des heures, des mois et des mois.

Alors surgit un autre cheval, rouge-feu ; celui qui le montait, on lui donna de bannir la paix hors de la terre, et de faire que l’on s’entrégorgeât ; on lui donna une grande épée., 2012. Dessin à la mine de graphite, papier canson 224g/m², 140 x 211 cm. Encadrement bois blanc, plexiglas. 146 x 217 cm encadré. Remerciements galerie Suzanne Tarasieve, Paris

Les échecs, jeu de stratégies entre l'Est et l'Ouest, en des périodes de guerres pudiquement dites froides, moments de combats diplomatiques entre Washington et Moscou, à ''fleurets mouchetés'', qui virent l'Étasunien Bobby Fischer ''battre'' - encore un mot issu de la dialectique militaire comme l'est L'Art du combat à l'intitulé si proche de L'Art de la guerre rédigé dans la Chine des ''Royaumes Combattants'' - le Russe Boris Spassky en 1972 et remporter le titre de champion du monde. C'est ce moment interprété par Jean Bedez en trois séquences, le scenario de cet instant historique où les U.S.A. ravirent à l'U.R.S.S. leur couronne de maître des échecs. Pas de soldat mais des pions, des fous, des tours, des cavaliers, des rois, des reines pour un dialogue muet entre ces deux hommes. L'on ne voit même pas le plateau, cet espace du combat ; l'un des ''adversaires'' est de dos, l'autre de face l'observant par en dessous.

Échec et mat.

 

 

Et voici, parut un cheval d'une couleur pâle. Celui qui le montait se nommait la mort, et le séjour des morts l'accompagnait. Le pouvoir leur fut donné sur le quart de la terre, pour faire périr les hommes par l'épée, par la famine, par la mortalité, et par les bêtes sauvages de la terre., 2014. Dessin à la mine de graphite, papier canson 224g/m². Encadrement bois blanc, plexiglas. 146 x 217 cm encadré. Remerciements galerie Suzanne Tarasieve, Paris

Stratégie du combat par le jeu, mais aussi conflits réels avec, présentés pour la première fois ensemble, les quatre dessins selon l'Apocalypse de Jean, cette ré-interprétation de la rupture des quatre premiers sceaux voyant l'apparition des chevaux blanc, roux, noir et verdâtre montés par des cavaliers annonciateurs de combats, famines et de la fin du monde. Comment ne pas convoquer Albrecht Dürer dont un des bois de l'Apocalypse : Saint Michel terrassant le dragon rouge feu, agrandi, est présenté ici ? Chez Jean Bedez, aucune trace des hommes qui ont provoqué tous les désordres, comme si seule la justice divine et invisible pouvait parler. Les cavaliers sont absents. Demeurent les chevaux. L'un allongé dans un fumoir de style gothique au vitrail allusif à Robert Le Cavalier de la Salle explorateur du continent nord-américain, le second sacrifié sur la table de la salle de conférence du 33e sommet du G8, l'un couché dans un salon dont le mur éventré s'ouvre sur une ville libyenne bombardée et le quatrième gisant dans le chœur de la cathédrale de Rouen, Notre-Dame de l'Assomption. Dans des heurts de l'histoire présente et passée, l'écriture allusive de Jean Bedez convoque les conquêtes de nouveaux territoires au nom de la foi, les dérèglements financiers induisant des désordres économiques, les guerres civiles et mondiales, les maladies. Pouvoirs politiques, bancaires, économiques, militaires ne forment plus qu'un pour un monde sans horizon. 

Un monde sans horizon, dévolu à la ruine et contenu dans Stabat Mater Dolorosa, tirant son nom d'une tapisserie d'Aubusson intacte représentée sur ce dessin : La Déploration de Marie ou Stabat Mater Dolorosa. Tout repère est perdu dans cette recomposition d'un espace reconstruit, détruit plutôt par Jean Bedez, à partir d'éléments empruntés dans un musée et dans un théâtre.

Le monde de l'anéantissement où l'homme n'est plus.

Jean Bedez serait-il un nouveau Jean, le Voyant de Patmos ? Jean, peintre de l'écriture ?

Gilles Kraemer

 

 

Stabat Mater Dolorosa, 2013. Dessin à la mine de graphite, papier Canson 224 g/m², 140 x 212 cm. Encadrement bois blanc, plexiglas. 146 x 218 cm encadré. Remerciements galerie Suzanne Tarasieve, Paris

Jean Bedez. L'Art du combat

6 septembre - 4 octobre 2014

galerie Suzanne Tarasieve

7, rue Pastourelle – 75003 Paris

http://www.suzanne-tarasieve.com/

Jean Bedez, L'art du combat. Galerie Suzanne Tarasieve, Paris, septembre 2014 © photographies Le curieux des arts Antoine Prodhomme
Jean Bedez, L'art du combat. Galerie Suzanne Tarasieve, Paris, septembre 2014 © photographies Le curieux des arts Antoine Prodhomme
Jean Bedez, L'art du combat. Galerie Suzanne Tarasieve, Paris, septembre 2014 © photographies Le curieux des arts Antoine Prodhomme

Jean Bedez, L'art du combat. Galerie Suzanne Tarasieve, Paris, septembre 2014 © photographies Le curieux des arts Antoine Prodhomme

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