Pietro Bellotti, un altro Canaletto. Dans l'écrin de la Ca'Rezzonico, Venise
Pietro Bellotti, Venise : Il Campo SS. Apostoli vu depuis le rio SS. Apostoli. Dimensions : 34,7 x 50,2 cm. Collection privée © Remerciements service de presse de la Fondazione musei civici Venezia & Pietro Bellotti, L'entrée du Canal Grande avec la basilique de la Salute. Dimensions 129,5 x 135,5 cm. Genève, collection privée © Remerciements service de presse de la Fondazione musei civici Venezia
La Ca'Rezzonico, magnifique palais dédié au Settecento (XVIIIe siècle) vénitien commencé par Baldassarre Longhena pour la famille Bon en 1649 et terminé par Giorgio Massari pour la famille Rezzonico en 1756, institue dans le cadre d'Archives du védutisme, un nouveau programme d'expositions dédié aux protagonistes les moins connus ou à des études de ce mouvement pictural si emblématique de la Sérénissime. Cette thématique commence avec Pietro Bellotti (1725 – 1804/1805), dont il s'agit de la première exposition monographique – 43 toiles - consacrée à ce peintre redécouvert dans les années 1950.
Qui était-il, ce neveu de Canaletto ? Natif de Venise, il entre comme apprenti, à l'âge de 16 ans, dans l'atelier de son frère Bernardo qui a seulement trois ans de plus que lui. Ne croyez pas que cette formation fut gratuite ! Pietro s'engageait à verser à son frère la somme importante de 120 ducats pour être instruit dans l'art pictural de la "veduta" tellement en faveur auprès des visiteurs étrangers, qui ramenaient chez eux «ces immenses cartes postales peintes» en souvenir de leur Grand tour en Italie.
Que se passa-t-il ? Moins d'un an après, le contrat est dissous et Pietro quitte l'atelier de son frère. La dernière trace que nous ayons de son séjour à Venise date de 1742. Nous le retrouverons à Gênes en 1746 puis à Toulouse où il s'installe avec sa famille, à Nantes (1755 et 1768), à Besançon (1761), à Lille (1778-1779) et à Paris dès 1754-1755. Dans les années 60, il séjournera en Angleterre et peut-être à Amsterdam. Sa dernière évocation remonte à 1799 pour le salon de Lille où sont exposées ses toiles réalisées avec Louis Watteau.
Pietro Bellotti, Dresde : le nouveau marché de Jüdenhof . Dimensions : 60,5 x 88 cm. Collection privée, par courtoisie avec Rafael Valls Ltd., Londres © Remerciements service de presse de la Fondazione musei civici Venezia
Les oeuvres, parfois inégales - mis à part Le campo Santi Apostoli vu depuis le rio Santi Apostoli reprenant largement la toile de Canaletto - présentées dans trois salons du premier étage, aux plafonds peints par Giambattista Tiepolo, Gaspare Diziani et Jacopo Guarana, révèlent une esthétique très différente des autres védutistes dans cette grande importance concédée aux cieux et à l'horizon, dans l'emploi d'une palette marron claire pour les bâtiments, le turquoise pour les étendues d'eau ondulées.
Quatre grandes toiles provenant d'une collection suisse nous accueillent ; c'est la Venise typique, plaisant aux amateurs : Grande Canal, la Salute, le bassin de San Marco, les îles lagunaires. Dans la seconde salle, les 17 toiles dites du marquis de Merville – dans leur encadrement d'origine - avec des vues de Venise, de Rome, Florence, Genève, Marseille, La Haye, Versailles, Milan, La Valette, Londres, Naples dérivent de tableaux ou d'estampes de ses contemporains ainsi qu'une Scène de port, reproduction bien fade de Le Lorrain. Une seule toile émerge de cet ensemble dont la valeur réside surtout dans leur réunion, dans la même collection depuis le XVIIIe siècle : une Tempête nerveuse très façon Claude-Joseph Vernet.
Des vues européennes et des lumineux et nerveux Caprices architecturaux, pour moi les toiles les plus intéressantes, clôturent cette exposition dont le mérite premier est d'avoir présenté ce « petit maître ».
Gilles Kraemer
séjour et déplacement à Venise à titre strictement personnel
Pietro Bellotti, Caprice architectural avec des monuments antiques. Dimensions 49 x 65,4 cm. Collection privée © Remerciements service de presse de la Fondazione musei civici Venezia
Ca'Rezzonico (à gauche) © Photographies Antoine Prodhomme, 2014
Pietro Bellotti, Un altro Canaletto
7 décembre 2013 – 28 avril 2014
Ca’ Rezzonico, Museo del Settecento veneziano
Commissariat sous la direction de Charles Beddington, Alberto Craievich et Domenico Crivellari
Très beau catalogue sous la direction de Charles Beddington & Domenico Crivellari. Notices approfondies des 43 œuvres présentées. 148 pages. Éditions Scripta edizioni, Vérone.
vaporetto ligne 1, l'arrêt Ca'Rezzonico est à quelques mètres de ce palais
N'oubliez pas de visiter la pinacothèque Egidio Martini, réunissant des toiles de l'école vénitienne du XVI au début du XXe siècle. De regarder deux chefs-d'oeuvre de jeunesse de Canaletto : Vue du rio dei mendicati et le Canal Grande depuis la Ca'Balbi vers le Rialto ainsi que les fresques de Giandomenico Tiepolo pour la villa di Zianigo, composées entre 1759 al 1797 dont Polichinelles et les saltimbanques et Le nouveau monde.