Le Songe d’une nuit d’été, féerie nocturne selon Emmanuel Demarcy-Mota - Théâtre de la Ville
Gilles Kraemer
Le Songe d’une nuit d’été © Le Curieux des arts, Gilles Kraemer, janvier 2024.
Thésée, reine d’Athènes, s’apprête à épouser Hippolyte, selon la version d’Emmanuel Demarcy-Mota, donnant un coup de canif au texte shakespearien, dans un certain goût du jour. Alors que le texte original place Thésée duc d’Athènes et Hippolyta reine des Amazones. Pourquoi pas ?
Dans la forêt, Obéron, roi des fées - deux sont interprétées par des hommes -, se dispute avec sa femme Tatiana, au sujet de leurs nombreuses conquêtes; le manipulateur de cette folle nuit d’été souhaite se venger de son épouse qui lui a pris son page venu d’Inde.
Deux couples d’amoureux contrariés - Hermia amoureuse de Lysandre mais que son père Égée veut voir épouser Démétrius aimé d’Héléna - et des artistes répétant la pièce Pyrame et Thisbé, pour les noces de leur roi, sous la baguette de Bottom, représentation émaillée par la musique du film péplum Ben-Hur (1959). C’est amusant, pourquoi pas… Cette incise était-elle vraiment utile ? Justifiée ?
Le Songe d’une nuit d’été © photographie Nadège Lezec.
Tout ce petit monde finit par se retrouver dans la forêt, où les sortilèges d’Obéron, aidé par le lutin Puck (incarné par un acteur et deux actrices) sèment la confusion au cours d’une nuit dont personne ne saura vraiment ce qu’elle fut : rêve, jeu ou fantasme. Un songe selon le titre souhaité par le grand William, dans cette nouvelle traduction de François Regnault.
Retrouvant Shakespeare, après Peine d’amour perdue qu’il signa il y a 26 années, Emmanuel Demarcy-Mota est le magicien de ces blessures amoureuses, de cette poésie lumineuse comme il qualifie Le Songe d’une nuit d’été.
Le Songe d’une nuit d’été © photographie Nadège Lezec.
À ses côtés, deux grands contributeurs inspirés, façonneurs de cette magie. Natacha le Guen de Kerneizon, sculptrice de l’espace, avec ses immenses arbres - des toiles peintes - se perdant dans les cintres et se mouvant, ses trappes d'où surgissent les fées, son brouillard, Botton à la tête d’âne aux oreilles d’or, des émerveillements durant toute la représentation auquel la lumineuse vidéo de Renaud Rubiano s’ajoute. Travail millimétré des lumières de Christophe Lemaire, dans l’éventail de la blancheur à la noirceur, commençant dès le début de la pièce avec Thésée et Hippolyte allongés dans un carré de lumière. La pureté dans laquelle se love les amants avant les errements, les rebondissements, les retrouvailles et l’heureux dénouement.
Le Songe d’une nuit d’été © Le Curieux des arts, Gilles Kraemer, janvier 2024.
Emmanuel Demarcy-Mota, avec la troupe du Théâtre de la Ville, joue sur du velours. Voix posée et puissante de Marie-France Alvarez pour Thésée, enjôleuse Héléna selon Élodie Bouchez, forte présence de Valérie Dashwood pour Tatiana.
Enfin le plaisir du théâtre. Y aller pour la découverte de cette pièce si l’on ne la connaît pas. Même si le texte a subi de nombreux coups de ciseaux.
William Shakespeare (1464-1616), Le Songe d'une nuit d'été, ca 1594-1595
nouvelle traduction François Regnault
16 janvier - 10 février 2024 au Théâtre de la Ville-Sarah Bernhardt
Production Théâtre de la Ville, création le 16 janvier 2024
Version scénique et mise en scène Emmanuel Demarcy-Mota
Scénographie Natacha le Guen de Kerneizon et Emmanuel Demarcy-Mota
Lumières Christophe Lemaire, assisté de Thomas Falinower
Costumes Fanny Brouste, assistée de Véra Boussicot
Musique Arman Méliès
Vidéo Renaud Rubiano, assisté de Romain Tanguy
https://www.theatredelaville-paris.com/fr
Avec la troupe du Théâtre de la Ville :
Élodie Bouchez, Héléna
Sabrina Ouazani, Hermia
Valérie Dashwood, Titania
Philippe Demarle, Obéron
Edouard Eftimakis, Puck, Fée, Hippolyte
Marie-France Alvarez, Thésée, Fée
Ilona Astoul, Puck, Fée, Page
Jauris Casanova, Démitrius
Sandra Faure, Quince, Fée
Gaëlle Guillou, Starveling, Fée
Stéphane Krähenbühl, Flûte, Égée, Fée
Gérald Maillet, Bottom
Ludovic Parfait Goma, Stoun, Fée
Mélissa Polonie, Puck, Fée
Jackee Toto, Lysandre