Un été afghan de James Ivory
Marie-Christine Sentenac
S’il fallait prouver qu’un film modeste peut être un grand film, Un été afghan de James Ivory en est une preuve incontestable.
En 1960 à la faveur d’une bourse Rockefeller pour réaliser un documentaire sur les miniatures persanes, il part tourner en Inde. La chaleur accablante qu’il supporte mal le pousse à chercher un peu de fraîcheur dans les montagnes afghanes (comme le suggère le titre américain du film A Cooler Climate). Il découvre les mémoires de Babur, prince timouride et fondateur de l’empire Moghol (1494-1529), descendant de Tamerlan et de Gengis Khan, grand guerrier philosophe et poète dont les écrits font écho au parcours de ce jeune orégonais gay qui cherche à trouver sa voie.
De Kaboul à Bamiyan les images délavées dont le réalisateur ne s’est jamais séparé ressuscitent, tels des fantômes resurgis d’un autre siècle, pourtant pas si lointain. Chromos surannés d’un monde à jamais disparu, l’Afghanistan d’avant les talibans, d’avant les russes, les moudjahidine, l’occupation américaine. Montées avec des photos d’archives de la jeunesse de James qui témoigne d’une Amérique elle aussi évanouie.
Co-réalisé avec le monteur Giles Gardner, porté par la délicate ritournelle triste d’Alexandre Desplat, « l’histoire de la vie» de James Ivory , 94 ans, que l’on voit dans son cottage ranger les bobines de ses tournages « À la recherche d’un temps perdu, vestiges du passé », évoquer ses souvenirs, sa vie avec son compagnon et producteur Ismaïl Merchant, est un poème proustien offert par le réalisateur oscarisé de Call Me By Your Name, de Chambre avec vue et de Les vestiges du jour...
Un été afghan
film de James Ivory, co-réalisé par Giles Gardner
mis en musique par Alexandre Desplat
Le Livre de Babur ou Babur-nama de Zahiruddin Muhammad Babur est disponible aux éditions Les Belles Lettres.