Remise du prix Michel Nessim Boukris 2021 à Anne-Sophie Turion et Capucine Vever, ex-aequo. Et, décerné pour 2022 à Madison Bycroft – Fondation des Artistes.

Gilles Kraemer

Dans la succession du legs par la baronne Adèle de Rothschild de son hôtel particulier de la rue Berryer à Paris et des sœurs Jeanne Smith et Madeleine Smith-Champion de leur domaine de Nogent-sur-Marne, toutes trois passionnées d’art comme le souligne Laurence Maynier, directrice de la Fondation des Artistes, le docteur Sauveur Boukris a souhaité, ainsi que ses frères Joseph et Armand, offrir à la Fondation le capital [190 000 €] qui appartenait à leur frère Michel disparu prématurément il y a quelques années, à 55 ans.

Capucine Vever, Laurence Maynier & Sauveur Boukris © Le Curieux des arts Antoine Prodhomme, 16 mai 2022.

En mémoire de celui-ci, dans un engagement de 20 ans, le Prix Michel Nessim Boukris est décerné chaque année à l’un des artistes sélectionnés par la commission mécénat qui, depuis 2011, permet la production d’œuvres nouvelles. (1) Comme le précise Sauveur Broukris, qui a connu par un article de presse cette Fondation trop discrète, mais n’est-ce pas l’ADN Rothschild de la Fondation défendu passionnément par Laurence Maynier d’aider et de soutenir, surtout sans tapage médiatique les artistes, dans notre monde en folie, je suis certain que les artistes sont l’antidote, la vie. Prix remis pour l’édition 2021 à Anne-Sophie Turion (1985) et Capucine Vever (1986) et décerné pour l’édition 2022 à Madison Bycroft (1987). Prix remis en tout petit comité ce 16 mai 2022 à l’Hôtel Salomon de Rothschild, devant la famille Boukris et quelques personnes de la Fondation, loin des médias et des appareils photographiques. Pour lui, la philanthropie est au service de l’art et des artistes.

Anne-Sophie Turion, Repérage du projet Hiku, février 2020 © Courtesy de l’artiste.

Anne-Sophie Turion & Éric Minh Cuong Castaing, Hiku. Courtesy des artistes © Le Curieux des arts Antoine Prodhomme, 16 mai 2022.

Anne-Sophie Turion, pensionnaire en 2022 au Japon, à la Villa Kujoyama (lauréat en 2020) en binôme avec Éric Minh Cuong Castaing, section danse, est primée pour la production d’une installation doublée d’un film et d’une performance évocatrice d’un phénomène social grandissant sur le territoire nippon, celui des " hikikomori "désignant le retrait volontaire du monde de jeunes adultes ou adolescents qui s’isolent dans leur chambre et perdent tout contact avec le monde extérieur.

Qu’est-ce qu’un tel phénomène raconte de nos sociétés contemporaines, de leurs idéaux de performance et d’autonomie, de la place qu’elles accordent à l’individu ? L’installation Hiku devient une zone d’apparition intime et politique pour ces invisibles de la société japonaise. Articulant danse, création sonore et vidéo, Hiku se construit à partir de deux modes exploratoires. D’une part la collecte de matériaux documentaires auprès de familles d’hikikomori et l’exploration d’univers virtuels en ligne permettra de reconstituer les espaces virtuels et réels dans lesquels ils évoluent. D’autre part, la mise en place d’ateliers de danse avec des hikikomori en voie de réinsertion réalisée au sein d’associations à Kyoto. Du corps virtuel et oublié au corps incarné, de l’isolement au contact physique, Hiku cherchera à mettre en jeu ces individus qui échappent à la représentation et cherchent des modes d’existence.

Capucine Vever Repérage du projet Dunking Island, juin 2019, baie de Hann, Dakar (Sénégal) © Capucine Vever. Avec le soutien de la Communauté d'Agglomération Grand Paris Sud, la ville d'Évry-Courcouronnes et la ville de Dakar.

Représentée par la galerie parisienne Éric Mouchet, Capucine Vever, à la suite d’une résidence menée à Dakar en 2020, présente un dispositif vidéo plongeant – au sens exact du terme - le spectateur au cœur d’une dérive en Atlantique Nord, aux abords de l’île de Gorée au large de Dakar. Son approche est celle de la montée inexorable de la mer et de l’érosion de cette île, témoin de la traite négrière. En jouant de l’alternance des points de vue, de la perte de repères et d’une connexion entre images et espace sonore, Dunking Island cherche à rendre palpable la disparition annoncée d’un des mémoriaux de l’histoire de l'humanité dans cette transcription par les mouvements de l’espace océanique.

Madison Bycroft, Image du film BIOPIC Charles-Geneviève-Louis-Auguste-André-Timothée, 2021. Courtesy de l’artiste.

Madison Bycroft, BIOPIC Charles-Geneviève-Louis-Auguste-André-Timothée. Courtesy de l’artiste © Le Curieux des arts Antoine Prodhomme, 16 mai 2022.

Lors de la commission du printemps 2021, 20 nouveaux projets ont été retenus pour une enveloppe globale de 250 000 € dont celui de Madison Bycroft (1987) pour BIOPIC Charles-Geneviève-Louis-Auguste-André-Timothée. C’est ce même projet onirique, baroque, tournant autour de Charles Geneviève Louis Auguste André Thimothée d’Éon de Beaumont, dit le chevalier d’Éon (1728-1810), qui a obtenu le Prix Michel Nessim Boukris 2022.

Le prix Michel Nessim Boukris fut attribué pour sa première édition, en 2020, à Daniel Horowitz (1978) pour sa série de toiles, Souvenirs futurs, projet réalisé en deux étapes : un travail de recherche au département des estampes et de la photographie de la Bibliothèque nationale de France puis la création de peintures à partir de collages dans la réutilisation des images collectées.

(1) Double anniversaire pour la Fondation des Artistes - (lecurieuxdesarts.fr)