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Publié par Gilles Kraemer

Gilles Kraemer

 

Il y a le goût Rothschild. Il y a la discrétion Rothschild pour le soutien aux artistes. C’est ce que cultive la Fondation des Artistes. Cette générosité est tellement rare dans le domaine du mécénat de l’art de notre temps où celui-ci est parfois un faire-valoir.

461 dix ans d’art contemporain © photographie Éditions Dilecta, 2022

2022. Immense gâteau d’anniversaire pour la Fondation des artistes. 110 bougies en additionnant le centenaire du legs d’Adèle de Rothschild (1843-1922) à celui des dix ans de la commission mécénat de cette Fondation.

L’action de la Fondation est celle de la discrétion, cette discrétion qui est l’esprit Rothschild comme le souligne Laurence Maynier, directrice de cette institution. Aucune conférence ostentatoire ou soirées instagrammables pour annoncer les noms des lauréats de la commission mécénat. Discrétion, discrétion, discrétion.

C’est entre 1874 et 1878 qu’Adèle de Rothschild, veuve à l’âge de 22 ans de son cousin éloigné Salomon de Rothschild - un des quatre fils de James de Rothschild, fondateur de la branche française, décédé brutalement en 1864 à l'âge de 29 ans - fit édifier à Paris son hôtel particulier sur les parcelles de l’ancienne Folie Beaujon. Petit château de villégiature construit par l’architecte Nicolas-Claude Girardin à partir de 1781 pour le financier Nicolas Beaujon, cette résidence est transformée en 1801 en kermesse. Au XIXème siècle, le domaine est divisé en plusieurs habitations, dont une maison acquise par Honoré de Balzac en 1846, dans laquelle l'écrivain décède en 1850.

Immense collectionneuse comme l'est sa famille, elle lègue à l’État français ses collections qui seront réparties entre Le Louvre, Cluny, la Bibliothèque nationale et les Arts Décoratifs.

Par testament, elle souhaite que son hôtel particulier – qui accueillera pendant quelques années la bibliothèque Jacques Doucet, demeure dans laquelle le président de la République Paul Doumer sera assassiné - devienne une maison au profit des artistes. La Fondation Salomon de Rothschild voit le jour le 18 décembre 1922. Un temps, ce lieu sera celui d’expositions du Centre national d’art contemporain. Aujourd’hui les salons de l’Hôtel Salomon de Rothschild sont loués pour accueillir des événements privés, générant des revenus pour financer les dispositifs d’accompagnement des artistes par la Fondation. L’Hôtel, fut le temple du Bal Jaune de la Fondation d'entreprise Ricard au moment de la semaine FIAC, l'Incontournable the place to be.

Créée en 1976, la Fondation Nationale des Arts Graphiques et Plastiques se substitue à la Fondation Salomon de Rothschild et à la Fondation des sœurs Smith-Champion constituée d’un immense domaine au cœur de Nogent-sur-Marne. La FNAGP a pour mission de respecter les volontés de ces trois généreuses donatrices en soutenant les plasticiens. Elle s’y emploie à travers des actions de mécénat, qui jalonnent la carrière des artistes : de la sortie d’école d’art, à la production d’œuvres d’art, en passant par l’attribution d’ateliers d’artistes à Paris et à Nogent-sur-Marne et la diffusion des œuvres dans son centre d’art contemporain, la MABA (Maison d’Art Bernard Anthonioz) située à Nogent-sur-Marne, jusqu’à l’accompagnement des artistes dans leur grand âge à la Maison Nationale des Artistes, une maison de retraite qui leur est dédiée. Elle devient la Fondation des Artistes en 2018.

Eric Baudelaire in 461 dix ans d’art contemporain © photographie Éditions Dilecta, 2022

Second anniversaire, celui de la commission mécénat de la Fondation des artistes créée en 2011. Cette décennie a permis le financement de 461 productions de 510 artistes Français ou résidents en France, de tous âges - 11 800 € est le montant moyen par projet – soit 5 329 254 €. L’enveloppe annuelle est de 500 000 € d’aides à la production, portée exceptionnellement à 600 000 € en 2022 pour marquer cet anniversaire et la défense de la scène française comme tient à le préciser Laurence Maynier. Pour Kader Attia (1970), l’aide à la production fut de 50 000 € pour The repair from Occident to extra-Occident cultures présenté à Documenta 13 Kassel en 2012

Laure Prouvost in 461 dix ans d’art contemporain © photographie Éditions Dilecta, 2022

Célébrant ce jeune anniversaire, l’ouvrage 461 dix ans d’art contemporain, marqueur de ce mécénat très discret, dresse une analyse par Mara Hoberman de ces dix années, forcément subjective dans son focus de 65 œuvres, de Mathieu Kleyebe Abonnenc (1977) à Virginie Yassef (1970) sur les 461 projets soutenus. La Fondation est le second soutien en France des artistes vivants après le Centre national des arts plastiques. Discrétion assurée, allant de 17 projets soutenus par la première commission en 2011,  à 50 projets en 2020 et même 55 en 2013. La commission mécénat est d'une extrême générosité. 

En 2014, Mathieu Kleyebe Abonnene (1977) est retenu pour Secteur IX B de prophylaxie de la maladie du sommeil présenté au Pavillon Belge de la 56ème Biennale de l’art de Venise 2015 comme le sera Céleste Boursier-Mougenot en 2015 pour révolutions, ces trois pins se promenant dans et hors le Pavillon France lors de cette même Biennale.  

Camille Henrot (1978) sera soutenue deux fois en  2012 et une fois en 2017, Laure Prouvot (1978) en 2013 puis en 2018 pour la Biennale de Venise 2019, Françoise Petrovitch (1964) en 2013 et 2019 et Éric Baudelaire (1973) en 2012 et 2019.

 

461 dix ans d’art contemporain. Texte de Mara Hoberman. 224 pages. 140 images. Bilingue français-anglais. Éditions Dilecta. Prix 30 €.

 

 

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