Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Gilles Kraemer

5 avril 1977. Création d’I was sitting on my patio this guy appeared I thought I was hallucinating à l’Eastern Michigan University, interprété par Robert Wilson et Lucinda Childs, musique Alan Lloyd. À sa création, Bob composa cette pièce en la dédoublant, jouant la première partie, Lucinda la seconde, sur un texte identique.

I was sitting on my patio this guy appeared I thought I was hallucinating © Robert Wilson © Théâtre de la Ville saison 2021-2022.

Quarante-quatre années plus tard, septembre 2021, recréation à Paris. Résurrection de la mémoire wilsonienne pour un spectacle mythique, d’une pureté absolue, celle de deux acteurs, l’homme en noir, la femme en blanc aux pieds nus, dans un monologue. Christopher Nell dans la première partie, Julie Shanahan dans la seconde. Lui, acteur du Berliner Ensemble, elle danseuse au Tantztheater Wuppertal.

I was sitting on my patio this guy appeared I thought I was hallucinating © Robert Wilson © Théâtre de la Ville saison 2021-2022.

 

Ce soir, la magie refonctionne merveilleusement. Comme chez Debussy - il mettra en scène Pelléas et Melisande - le compositeur hors du temps et solitaire des enchantements, les instants de Robert sont magiques. Chez ce créateur de points cardinaux d'une recherche plurielle tel que le souligne Emmanuel Demarcy-Mota, directeur du Théatre de la Ville encore hébergé à l'Espace Cardin, c'est toujours la même chose pense-t-on. La lumière s'arrêtant net, l'épure du décor et des accessoires, le ralenti des acteurs, la main dansante dans l'espace, le costume net et précis comme chez Madame Grès, le battement des cils, la voix qui change de registre subitement, le bleuté cotonneux, le noir, le blanc, les lèvres peintes, la blancheur du visage, les ongles noir ou rouge, le salut chorégraphique des interprètes. Toujours dans une re-naissance, une re-création absolue. Loin des modeux lavabos, loin des modeux metteurs en scène saccageant les textes, les malaxant, dans des interprétations vaseuses, la magie wilsonnienne est une nouvelle fois au rendez-vous comme si nous découvrions pour la première fois Bob.

Dans la renaissance de cette pièce, Robert Wilson livre toute la simplicité de ses codes qu’il n’a pas cessé de reprendre, reprendre, y apportant chaque fois de la poésie, cet infini dans le non-dit et le hors-champ, ce hors-champ dans lequel il excelle. Ravissement dans lequel nous plongeons tel Narcisse amoureux jusqu'à en mourir de notre image. Et toujours renaissant.

I was sitting on my patio this guy appeared I thought I was hallucinating © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, octobre 2021.

Deux rôles. L'homme. La femme. Une action dans l'unique espace d'un patio. Ce lieu sera celui d'un soliloque parfois interrompu par une sonnerie téléphonique. Ce qu’ils disent a-t-il de l’importance dans le mystère de leurs phrases ? L’on apprend que le chien s’appelle Hirsute, qu’une adresse au 7, rue de la Perle existe, qu’il y a une histoire d’amour brisé, des brides de souvenirs. Plateau nu comme d’habitude, uniquement un siège que Wilson a dessiné, un téléphone en bakélite sonnant dans le vide, une flûte à champagne. Inutile d’encombrer. Reste l’image, l’impression, la souvenance.

 

 

 

 

 

 

 

I was sitting on my patio this guy appeared I thought I was hallucinating

Robert Wilson

20 septembre - 23 octobre 2021

Espace Cardin – Paris

En anglais, surtitré en français

texte, conception, mise en scène Robert Wilson

co-mise en scène Lucinda Childs avec Christopher Nell et Julie Shanahan

metteur en scène associé Charles Chemin

costumes Carlos Soto

collaboration à la scénographie Annick Lavallée-Benny

collaboration aux lumières Marcello Lumaca

musiques Jean-Sébastien Bach, Franz Schubert, Jean-Baptiste Lully, Michael Galasso

réalisation vidéo 1977 Gretta Wing Miller

 

 

 

 

 

 

 

Tag(s) : #Théâtre
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :