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Vincent Bioulès. Sans titre, 1974. Huile sur toile. 195 x 130 cm.. Montpellier, musée Fabre © photographie Le Curieux des arts Gilles Kraemer, 2019.

"Bioulès ! Mais, c'est une évidence Vincent Bioulès. Chemins de traverse dans ce lieu, le musée Fabre. C'est vers l'âge de 9 ans qu'il le découvre". "Ce peintre n'a-t-il pas écrit, poursuit Michel Hilaire,  Allons au musée Fabre..., ouvrage marquant sa sensibilité à l'égard de Pedro Campana, Poussin naturellement, Greuze, David, Delacroix, Courbet, Bazille, Jean Hugo qu'il rencontrera en 1978 ?

Vincent Bioulès et Michel Hilaire  © Courtesy photographie "En revenant de l'expo !".

Au même âge il visitera le Louvre. Le premier tableau qui lui revient en mémoire est Sainte Marie l'Égyptienne de Ribera, du musée Fabre. "J'ai su face à lui et du premier coup ce qu'est la chair de la peinture et qui ne peut être remplacé par rien d'autre. J'ai su, sans bien sûr être capable de le formuler qu'un tableau n'était comparable qu'à un être vivant, non indispensable mais irremplaçable [...] Je me souviens du temps où avec l'ami [Claude] Viallat nous allions regarder, avenue Matignon, les "mauvais tableaux" pour apprendre notre métier ". 

Vincent Bioulès. A gauche, Silence, le figuier remue encore d'un petit mouvement élastique, 1967. Laque glycérophtlatique sur toile. 220 x 190 cm.. Collection particulière ///   A droite, Sans titre, 1969. Acrylique sur toile de coton. 195 x 200 cm.. Montpellier, musée Fabre  © photographie Le Curieux des arts Gilles Kraemer, 2019.

Rétrospective au musée Fabre, de 1958 à aujourd'hui. Un bilan sur le parcours de cet artiste singulier, depuis ses trois entrées en loge pour cette "voie officielle du prix de Rome" - il obtiendra en 1961 le premier second grand prix pour Le Mariage du Ciel et de la Terre -, l'abstraction en 1965. 

parismuseescollections.paris.fr/fr/musee-d-art-moderne/archives/archives-de-l-exposition-support-surface-presentee-a-l-

La participation à l'exposition Supports Surfaces à l'ARC au musée d'Art moderne de la ville de Paris en 1970 (dénommé alors musée municipal), "des escapades qui furent les miennes dans le champ de l'abstraction ne constituaient pas à mes yeux une "avancée" objective mais demeuraient seulement la manifestation d'une curiosité active pour l'art de notre temps". La ré-apparition du motif figuratif en 1972.

Vincent Bioulès. La Persienne à Saint-Tropez, 29 septembre 1965. Laque glycérophtalique sur toile. 146 x 144 cm.. Collection de l'artiste /// Fenêtre à la mappemonde, 1979-1980. Huile sur toile. 162 x 130 cm.. Collection F. & P. Dainat /// Le mois d'août, août 2015. Huile sur toile. 146 x 114 cm.. Collection particulière © photographie Le Curieux des arts Gilles Kraemer, 2019.

Près de deux-cent-quarante œuvres, sur deux sites, dont nombre de dessins et de carnets qu'il offrit au musée en 2011 -, sont présentées en 7 sections chrono-thématiques, depuis la peinture dans sa vérité jusqu'au paysage, cette joie fondatrice auxquelles s'ajoutent des portraits exposés dans les salons de l'hôtel particulier de Cabrières-Sabatier d'Espeyran construit en 1874. Dans ce décor pur jus Napoléon III, comment ne songerait-on pas à Bazille, à Étude pour une vendange (1868) qui dialoguerait volontiers avec Un soir sur le causse (2005-2006) de son cadet qui retranscrira presque 140 années plus tard, lui aussi, les Remparts d'Aigues-Mortes (2004).

Un fil conducteur chez Vincent Bioulès ? L'exigence de la couleur et la simplification avec la persistance de certains thèmes à trente, 40, 50 années d'intervalle comme La Ponche (1967) et Après l'orage (2018) ou Grand espace rose I (1969) et L'Étang sans rien qui pèse ou qui pose (2018).

Vincent Bioulès, Le Viallat dans la maison ou Les trois as, 1981. Huile sur toile. 190 x 250 cm.. Bordeaux, collection CAPC musée d'Art contemporain © photographie Le Curieux des arts Gilles Kraemer, 2019.

"La couleur ruait dans les brancards et, ceci m'a dirigé vers la figuration et, j'ai inventé un langage figuratif nouveau" précise-t-il, ajoutant que "c'est en regardant Matisse que j'ai pu faire de la peinture figurative". Indubitablement, la prégnance matissienne se perçoit dans Espace rose ou la Fenêtre à Saint-Tropez (1974) ou encore plus avec Le Viallat dans la maison ou les Trois As (1981) dans ce rappel de L'Atelier rouge (Le panneau rouge) automne 1911 qu'il vit au MoMA, aux murs couverts de toiles dont les iconiques Jeune marin II et Luxe II. Bioulès place un tableau des formes libres de Viallat à côté d'un de ses Marronniers dans son salon de l'Enclos Saint-François, sa maison montpelliéraine.

Vincent Bioulès, Autoportrait (détail), 1990. Huile sur toile. 195 x 130 cm.. CNAP. Dépôt au musée d'Art moderne, Céret. De la série Je suis, tu es, vous êtes... © photographie Le Curieux des arts Gilles Kraemer, 2019.

Dans l'immense hall Buren, onze portraits de peintres du mouvement Supports/Surfaces nous accueillent, de Jean-Pierre Arnal à Claude Viallat. Peints à l'huile, Je suis, tu es, vous êtes, ils sont, ou la Leçon du temps et de l'amitié, fut une commande publique de la Drac Centre dans le cadre des 20 ans de ce mouvement. Ils posent tous devant une de leur œuvre. Le 12 ème apôtre de ce mouvement pictural c'est lui, mais de trois-quarts dos dans son atelier avec une de ses œuvres si radicale (1970 ? 1971 ?) peinte à l'acrylique opposée à trois reproductions de ses maîtres : André Derain et le village de Collioure, Henri Matisse, Portrait de femme, Marguerite ? et La leçon de piano, Issy-les-Moulineaux, été 1916 (MoMA), Corot et Marietta ou L'Odalisque romaine, 1843 (Petit Palais), peinte lors du séjour de Camille à Rome.

Vincent Bioulès, Dominique Gutherz, novembre 1985-mai 1987. Huile sur toile. Nîmes, collection particulièe PMCA © photographie Le Curieux des arts Gilles Kraemer, 2019.

Le clin d'œil romain se retrouve, dans "ce basculement dans l'éternité", le beau genre du portrait en pied, celui de Dominique Gutherz (1985-1987), professeur à l'École des beaux-arts de Nîmes comme lui - Claude Viallat en était le directeur - , avec un dessin au mur du Forum impérial reconnaissable aux trois colonnes du temple de Vespasien. C'est à Nîmes qu'il développe la pratique du dessin auprès de ses étudiants, les emmenant sur le motif comme il le précise avec cette si poétique précision : "Le dessin, c'est offrir une caisse à outils", une école de la rigueur et de la non distraction. 

Vincent Bioulès, Donnafugata, 2016. Huile sur toile. 150 x 200 cm.. Collection galerie La Forest Divonne © photographie Le Curieux des arts Gilles Kraemer, 2019.

Une phrase du Guépard de Giuseppe Tamasi di Lampedusa sonne d'une façon fascinante dans la pratique de Bioulès. Regardez Donnafugata (2016), ville de la région de Raguse. Trois plans. Des champs où des ballots ronds de paille évoquent les blés terminés dans ce paysage écrasé par la chaleur sicilienne. Murs de pierre sèche. Plantation d'oliviers au second plan. Tout en haut, la forteresse, un nuage comme perdu dans l'immensité du bleu du ciel. Le silence. L'éternité d'un paysage dans sa touche effleurant la toile, toute en douceur. Comment ne songerait-on pas à Tancredi Falconieri disant à son oncle, le prince de Salina, Don Fabrizio, si à l'écart de l'Histoire, de Garibaldi, du rattachement de la Sicile au royaume d'Italie, dans ce glissement d'un ancien vers un nouveau monde, "Se vogliamo che tutto rimanga come è, bisogna che tutto cambi"."Si nous voulons que tout demeure tel que c’est, il faut que tout change ".

Vincent Bioulès. De gauche à droite. Danaé, juillet 1999-janvier 2000. Huile et feuille d'or sur toile. 130 x 162 cm.. Legs Slingeneyer/Stec au musée Fabre /// Daphné, 1998-1999. Huile sur toile. 200 x 300 cm.. Montpellier, musée Fabre © photographie Le Curieux des arts Gilles Kraemer, 2019.

Peut-on être peintre figuratif aujourd'hui, du genre du paysage d'histoire, dans la tradition la plus classique ? Peintre des textes d'Ovide et de l'Église ? Oui. Danaé (1999) peinte sur feuille d'or, dans un paysage du Languedoc, est une adepte du naturisme fécondée par le soleil, Daphné (1998) est poursuivie dans une plantation d'oliviers dans le ravissement de sa transformation en laurier, ici un cyprès. Noé II (2001) raconte l'histoire du peintre, de son épouse et de leurs enfants, dans un immense paysage après l'orage. Le parapluie est fermé, l'arc-en-ciel est apparu, annoncé par un colombe.  

Vincent Bioulès. A gauche Noé II, juillet-décembre 2001. Huile sur toile. 195 x 300 cm.. Saint-Étienne, musée d'Art moderne et contemporain © photographie Le Curieux des arts Gilles Kraemer, 2019.

"Le musée Fabre, dans son étonnante complexité, fruit de collections contradictoires constitue ce paysage où je vais comme sur le motif chercher ce dont j'ai besoin pour tenter de m'exprimer moi-même". La peintre de Bioulès, amoureux de musique, parle vrai, avec une peinture vraie, réelle. LA peinture des intérieurs, des extérieurs, de la fenêtre. Une peinture des nobles sentiments. C'est en ceci qu'il est si proche de Piero della Francesca comme d'Henri Matisse. De nous. "Cette exposition est comme un examen de passage. Et, tous les soirs, je fais mon examen de conscience".

Qu'ajouter de plus... ?  Bravo Vincent de Montpellier. Car c'est ainsi que l'on appelait en Italie les peintres, par leur prénom et leur lieu de naissance. J'ose "Vincent de Montpellier".

Gilles Kraemer

envoyé spécial

Vincent Bioulès. Chemins de traverse

15 juin- 6 octobre 2019

Musée Fabre et hôtel de Cabrières-Sabatier d'Espeyran

Montpellier

Commissaire général Michel Hilaire, conservateur général du patrimoine, directeur du musée Fabre. Commissariat Michel Hilaire & Stanislas Colodiet, en collaboration avec Florence Hudowicz

museefabre.montpellier3m.fr/

 

 

 

Catalogue, co-éditions Bernard Chauveau éditeur / musée Fabre. Prix 42 €. Ouvrage de grande qualité ne tombant pas dans le travers modeux de textes difficilement lisibles car imprimés en gris et dans un corps de caractère minuscule. Un catalogue est le souvenir d'une exposition; celui de Bioulès est une parfaite réussite. 

Lire aussi Vincent Bioulès, Allons au musée Fabre.... 62 pages. 2010. Éditions méridianes. 14 €.

Les phrases de Bioulès sont extraites de ce dernier ouvrage ou de son texte Le motif et le musée paru dans le catalogue ou de la présentation de son exposition lors de la visite presse. 

www.enrevenantdelexpo.com/2019/06/14/vincent-bioules-chemins-de-traverse-musee-fabre%E2%80%8B/

 

 

 

 

 

Tag(s) : #Expositions France, #Entretien à 210 km-h
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