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Publié par Gilles Kraemer

 Ramiro Arrue, Yo ou le Fandango, 1925. Huile sur toile, 155 x 300 cm.. Collection de la ville de Saint-Jean-de-Luz © photographie Gilles Kraemer Le Curieux des arts, exposition Ramiro Arrue, espace Bellevue, Biarritz, juillet 2017.

 

Étonnant Ramiro Arrue (Bilbao 1892 - 1971 Saint-Jean-de-Luz).

Tout son œuvre, à part quelques incursions dans d'autres régions françaises, est consacré au Pays basque, et encore, exclusivement le versant français... pour ce natif de Biscaye ! De son Espagne natale, seuls les paysages d'Aragon, de Castille et de Navarre retinrent son attention lors de ses voyages entre 1930 et 1935. Orphelin de mère, celle-ci meurt en le mettant au monde, sa tante Mathilde, tenant un commerce d'antiquités à Paris, s'occupera de lui ainsi que de son frère Ricardo, deux enfants d'une fratrie de six. 

 

Ramiro Arrue, Yo ou le Fandango, 1925 (détail). Huile sur toile, 155 x 300 cm.. Collection de la ville de Saint-Jean-de-Luz © photographie Gilles Kraemer Le Curieux des arts, exposition Ramiro Arrue, espace Bellevue, Biarritz, juillet 2017.

 

Étrange ses personnages ! Personne ne se regarde, les couples ne se regardent pas comme dans Fête au village (vers 1914) ou Yo ou le Fandango (1925). Cette non communication, cette fuite du regard ou de côté, cet effleurement, cette démonstration contenue des sentiments se retrouvent dans ses Autoportraits (vers 1920) et celui des années 1940 où "une gravité et un léger désenchantement marquent les traits de cet homme qui a dépassé la quarantaine et dont le mariage n'est pas aussi heureux qu'espéré". Il se peint, basque jusqu'au bout avec son béret, distant, totalement insensible au regardeur. Comme s'il était dans son monde, un autre monde, celui d'Arrue dans lequel il se retranche, ne souhaitant pas se livrer. Cette distanciation appert dans les portraits de sa femme, Suzanne Blanché, épousée en 1929, décédée en 1958. Ils n'eurent pas d'enfant. Elle paraît absente, ailleurs, dans ses pensées, comme Hortense Fiquet sous le pinceau de Paul Cézanne. Étrange Ramiro Arrue, qui se retranche, ne livrant pas sa vie intime dans ses écrits. Ses textes connus sont ceux sur des artistes qu'il a fréquentés.  

Étonnant Ramiro Arrue qui dessine sa tombe dès 1964, ayant acheté son emplacement pour une sépulture qu'il souhaitât identique à celle du poète Adolfo de Larraňaga, avec simplement son nom et la date de sa mort. Ses amitiés, celles de Picasso, de Max Jacob, de Modigliani - Femme en robe noire (1917) d'Amedeo Modigliani dialoguant avec la tante Mathilde (1916-1917), Francis Jammes pour lequel il donnera les illustrations de Le Mariage basque (1926), de Jacques-Émile Blanche - Portrait de Ramiro (1917) - sont connues.

Celle aussi avec Maurice Ravel évoquée par un dessin de poissons se regardant très très proches, adressé au compositeur, annoté "après le départ des touristes. enfin seuls !". Étrange qu'il n'ait donné aucun décor ni costume pour les opéras de l'enfant de Ciboure mais pour Perkain l'histoire d'un pelotari sous la Révolution française représenté à Bordeaux en 1931 et au palais Garnier en 1934, musique du peu connu Jean Poueigh ou pour Ramuntcho adapté au théâtre par son auteur Pierre Loti, représenté à Bayonne en 1947.

 

À gauche Ramiro Arrue, Famille de pêcheurs, vers 1920. Huile sur toile, 81 x 86 cm.. Villa les Camélias - collection Maria de Isasi // à droite Jean-Gabriel Domergue (1889-1962), Portrait de Ramiro Arrue, 1917. Huile sur carton, 42 x 31 cm.. Collection Aurélien Deleuze © photographie Gilles Kraemer Le Curieux des arts, exposition Ramiro Arrue, espace Bellevue, Biarritz, juillet 2017.

 

Qui était Ramiro Arrue, mort il y a à peine 50 ans ? Le commissaire Olivier Ribeton n'hésite pas à le qualifier de "Gauguin basque lorsque l'on retrouve l'effleurement de la toile et une ligne appuyée, apportant au pays basque une trace assez primitive comme dans Famille de pêcheurs (vers 1920), vision souhaitée intentionnellement naïve avec un côté graphique très prononcé.

 

Peintures, dessins, ouvrages illustrées, émaux pratiqués avec son frère Ricardo - c'est la première fois qu'un ensemble aussi important est présenté dans lequel se perçoivent les influences de Gauguin et de Modigliani -, photographies d'œuvres in situ, écrits, affiches publicitaires, photographies des deux films dans lesquels il tourna - c'est la première fois que cette facette est présentée -, replacent cet artiste "entre tradition et modernité". Nombreuses œuvres inédites, importants prêts espagnols de Bilbao et d'Alava, de la fondation Tore Olaso da Bergara - grand décor de la villa de Monzón à Sare (1968) en neuf panneaux, paysage nocture avec des scènes des coutumes et des légendes basques, commençant par le Charivari du mariage du vieux barbon et de la jeune épousée et se terminant par une Danse des sorcières -, sélection de l'importante collection de Maria de Isasi,  voici la force de cette rétrospective de 350 numéros. Ne souhaitait pas d'exposition après sa mort, la première le fut 1991, commissariat d'Olivier Ribeton, au musée Basque, axée exclusivement sur les collections publiques en France. Celle de Pau en 1996 ouvrait la perspective de le replacer dans l'histoire de l'art, entre terre d'avant-garde et terre ancestrale.

 

 

 

 

 

Ramiro Arrue, Rameurs. Huile sur toile, 224 x 124 cm.. Collection particulière. Cette toile fut commandée par Pierre Larramendy pour orner le salon de l'hôtel de Chantaco, voisin du golf du même nom à Saint-Jean-de-Luz. Côté très linéaire du bateau et des rames opposé à la frontalité des marins © photographie Gilles Kraemer Le Curieux des arts, exposition Ramiro Arrue, espace Bellevue, Biarritz, juillet 2017.

 

Peintre de paysages, Ramiro Arrue est davantage connu du grand public pour ses "types basques", personnages que l’on pourrait croire artificiels tant ils symbolisent l’imaginaire basque à la limite de l’image d'Épinal. Ce n'est pas le peintre de la modernité, de la ville, de l'industrie. Seuls l'intéressent la nature, le paysan - émail du Bouvier et attelage (1928), le pêcheur - L'accostage -, la famille traditionnelle - Midi, ou la famille paysanne -. Les grands thèmes de la vie collective sont illustrés de façon intemporelle. Il les interprète et les recrée en images de la maternité, du deuil, des travaux, des fêtes, des jeux et des sports basques, de la religion non abordée frontalement mais par ses Processions. Il n'entre pas dans l'église, restant en périphérie.

 

De gauche à droite. Ramiro Arrue, Maison au pied de la montagne, huile sur panneau 38 x 45 cm., Villa les Camélias - Collection Maria de Isasi // Paysage des environs d'Ascain, huile sur panneau, 33 x 39 cm., Villa les Camélias - Collection Maria de Isasi // Paysage et maisons le long d'une route, huile sur panneau 32 x 39 cm, collection privée // Maisons au pied de la Rhune, huile sur panneau, 48 x 58 cm, Villa les Camélias - Collection Maria de Isasi © photographie Gilles Kraemer Le Curieux des arts, exposition Ramiro Arrue, espace Bellevue, Biarritz, juillet 2017.

 

La salle aux murs verts des paysages basques de France, à l'accrochage serré, est une magnifique démonstration de son rendu de la nature, cette captation des lumières matinales ou crépusculaires. Mais un espace vide, aucun animal, aucun homme, rien, nulle vie. Tout est impeccable. Parfait. Comme une démonstration de son renfermement et de sa difficulté à communiquer. Du paysage il dit qu'il s'y repose et s'y retrouve, mais qu'il ne suffit pas à son épanouissement. Il a besoin d'avoir comme modèles des paysans, des marins-pêcheurs, la famille, uniquement l'âme basque. Peignant sur le motif sur des petits panneaux, il les duplique en plus grandes dimensions dans son atelier.

 

 

 

 

 

Salle des gouaches de Ramiro Arrue. Joueur de Iaxoa. Gouache sur papier, 32,2 x 25,2 cm.. Villa les Camélias - Collection Maria de Isasi // Partie de pelote à main nue. Gouache sur papier, 32 x 45 cm.. Collection particulière © photographie Gilles Kraemer Le Curieux des arts, exposition Ramiro Arrue, espace Bellevue, Biarritz, juillet 2017.

 

Sensible au symbolisme ou au cubisme - Quai de Saint-Tropez (1929), il s’en tient éloigné, il reste attaché à sa terre, ne cessant de peindre la sérénité d'un pays basque idéalisé et affirmé. Un paradis perdu qu'il recherche en permanence et inlassablement, le reproduisant à l'infini.

 

Combien un Ramiro Arrue ? Opportune vente ce samedi 5 août 2017 à la salle des ventes de Saint-Jean-de-Luz. La Mère (vers 1920), exposée en 1926 à Bayonne puis en 1927 à Paris (page 88 du catalogue de Biarritz), non vue depuis cette date, ancienne collection Pierre Bouvet de Thèze, fut adjugée 243 000 €, frais inclus. Dans le catalogue biarrot, Olivier Ribeton y perçoit "une véritable icône de la maternité dont Ramiro Arrue avait gardé le manque affectif". 

 

Gilles Kraemer (déplacement et séjour à titre personnel en pays basque) 

 

Ramiro Arrue (1892-1971). Entre avant-garde et tradition / Abangoardia eta ohiduraren artean

8 juillet - 17 septembre 2017

Bellevue - Biarritz / Bellevue-n - Biarritzeko

 

Ramiro Arrue, Projet du rideau de scène pour le ballet basque Shorlekua, 1941. Crayon et gouache sur calque, 42 x 56 cm.. Annotations au crayon en haut à gauche "rideau de scène", en haut à droite "calque reçu de Paris /à la place de l'original /volé. Musée Basque et de l'Histoire de Bayonne © photographie Gilles Kraemer Le Curieux des arts, exposition Ramiro Arrue, Shorlekua. Ballet basque, Musée Basque et de l'histoire de Bayonne, Bayonne, juillet 2017.

 

Le ballet basque ballet Shorlekua / Shorlekua euskal balleta (Terre où je suis né), livret en trois tableaux avec un prologue et un épilogue de Pierre d'Arcangues (1886-1973), musique de Joseph Ermend Bonnal (1880-1944), décors et costumes d'Arrue. Ce ballet ne fut jamais représenté.

Musée Basque /  Euskal Museoa - Bayonne / Baiona

1er juillet - 10 septembre 2017

Commissariat Olivier Ribeton, consrvateur en chef du Musée Basque et de l'histoire de Bayonne / Baionako Euskal Museoaren Kontserbatzaile

 

Sans oublier La Villa Les Camélias à Cap d'Ail - collection Maria de Isasi.

Catalogue. 276 pages. Tous les textes sont d'Olivier Ribeton. Prix 28 euros.

 

tourisme.biarritz.fr/fr/actualites/exposition-ramiro-arrue-bellevue-biarritz-2017

www.museebasque.com/

www.villalescamelias.com/fr/

www.cotebasqueencheres.com/fichiers/photos/homepage/2017/0805_ART_BASQUE/CATALOGUE_201708_BD.pdf

 

© photographies Gilles Kraemer Le Curieux des arts, exposition Ramiro Arrue, espace Bellevue, Biarritz, juillet 2017© photographies Gilles Kraemer Le Curieux des arts, exposition Ramiro Arrue, espace Bellevue, Biarritz, juillet 2017© photographies Gilles Kraemer Le Curieux des arts, exposition Ramiro Arrue, espace Bellevue, Biarritz, juillet 2017
© photographies Gilles Kraemer Le Curieux des arts, exposition Ramiro Arrue, espace Bellevue, Biarritz, juillet 2017© photographies Gilles Kraemer Le Curieux des arts, exposition Ramiro Arrue, espace Bellevue, Biarritz, juillet 2017
© photographies Gilles Kraemer Le Curieux des arts, exposition Ramiro Arrue, espace Bellevue, Biarritz, juillet 2017© photographies Gilles Kraemer Le Curieux des arts, exposition Ramiro Arrue, espace Bellevue, Biarritz, juillet 2017© photographies Gilles Kraemer Le Curieux des arts, exposition Ramiro Arrue, espace Bellevue, Biarritz, juillet 2017
© photographies Gilles Kraemer Le Curieux des arts, exposition Ramiro Arrue, espace Bellevue, Biarritz, juillet 2017© photographies Gilles Kraemer Le Curieux des arts, exposition Ramiro Arrue, espace Bellevue, Biarritz, juillet 2017

© photographies Gilles Kraemer Le Curieux des arts, exposition Ramiro Arrue, espace Bellevue, Biarritz, juillet 2017

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