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Publié par Gilles Kraemer


 

Le Rondeau des Vertus : feuillet de Humilité contre Orgueil. André de La Vigne, Jean Pichore. Vers 1500. Miniature sur parchemin H. 18,3; l. 12,3 cm. Écouen, musée national de la Renaissance © RMN-Grand Palais (musée de la Renaissance, château d'Ecouen) / Adrien Didierjean.L'allégorie de la Vertu, vêtue de blanc, combat contre un péché mortel.

Évoquer Louise de Savoie (1476 - 1531) - dont l'éducation fut confiée à Anne de France, fille de Louis XI, qui sera également régente - c'est se souvenir de ce temps du passage entre Moyen Âge et Renaissance, période où des "femmes de pouvoir" jouèrent un rôle majeur telles Isabelle d'Este ou Anne de Bretagne. Célébrant le 5ème centenaire de l'accession au trône de son fils François et la bataille de Marignan, les récentes expositions de la BnF François Ier. Pouvoir et image, Blois Trésors royaux, la bibliothèque de François Ier et Chantilly Le Siècle de François 1er soulignèrent l'importance de sa mère à travers la figure du roi.

L'exposition du musée de la Renaissance, château d'Ecouen - la première à être entièrement consacrée à Louise de Savoie - rend toute sa place à la fille du duc de Savoie et de Marguerite de Bourbon, mariée à 12 ans à Charles de Valois, comte d'Angoulême un descendant des Visconti comme de la branche d'Orléans, mère de Marguerite à 16 ans, de François à 18 ans, veuve à peine âgée de 20 ans. À la mort de Louis XII, époux d'Anne de Bretagne, mort sans héritier mâle, François accède au trône en 1515, à 21 ans.

Soixante-douze numéros évoquent la personnalité de celle qui fut mère de roi mais ne régna jamais, l'éducation qu'elle donna à son fils, héritier présomptif de la couronne, son influence dans les affaires politiques du royaume puisqu'elle fut régente par deux fois, en 1515-1516 (son fils combattant en Italie) et en 1525-1526 (François captif à Madrid après la défaite de Pavie). Elle négocia avec Marguerite d'Autriche, le traité de Cambrai dit "paix des dames". Sans oublier ses liens avec les arts de son époque.

Fragment de tapisserie aux armes et emblèmes de Louise de Savoie et de François d'Angoulême. Pays-Bas ou France (?). Vers 1508-1512. Laine et soie. H. 350; l. 470 cm. Boston, Museum of Fine Arts © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse de l'exposition Une reine sans couronne ? Louise de Savoie, mère de François Ier, musée national de la Renaissance, château d'Écouen

Écouen est le cadre tout trouvé pour cette évocation, comme le souligne Thierry Crépin-Leblong, l'un des deux commissaires avec Muriel Barbie, cette demeure fut celle du connétable Anne de Montmorency et de son épouse Madeleine de Savoie, neveu de Louise. L'exposition se tient dans les appartements d'apparat de ces deux époux et clôture les expositions François Ier de cette année 2015.

Ces quatre expositions auxquelles s'ajoute celle du musée de l'Armée (Chevaliers et bombardes. D'Azincourt à Marignan) - la prochaine François Ier et l’art du Nord se tiendra au musée du Louvre à l'automne 2017 - ne facilitèrent pas la disponibilité des œuvres liées aux arts graphiques et particulièrement les manuscrits et œuvres imprimées. Les institutions américaines se sont montrées généreuses par le prêt de deux œuvres. Le fragment de Tapisserie aux armes et emblèmes de Louise de Savoie et de François d'Angoulême (1508-1512), venu de Boston, est l'une des pièces majeures de l'exposition par son riche décor emblématique alternant les armes du fils et de sa mère, les ailes d'oiseaux nouées évoquant le L de Louise, l'alternance de salamandres avec des lettres entrelacées L Louise F François et R Romorantin, la cordelière de la maison de Savoie allusive à saint François de Paule imploré par Louise pour la naissance d'un fils. Œuvre à forte portée politique et compréhensible par l'entourage de Louise, elle évoque les rapports très forts tissés entre mère et fils

Retable de la chapelle de Cognac, Girolamo della Robbia. Naissance de la Vierge. Vers 1518. H. 175; l. 105 cm. Terre cuite émaillée à l'étain (faïence). Sèvres, Cité de la céramique © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse de l'exposition Une reine sans couronne ? Louise de Savoie, mère de François Ier, musée national de la Renaissance, château d'Écouen

Portrait de François Ier, Girolamo della Robbia. Avant 1529. Terre cuite émaillée à l'étain (faïence). D. 44, 5 cm. New York, Metropolitan Museum of Art © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse de l'exposition Une reine sans couronne ? Louise de Savoie, mère de François Ier, musée national de la Renaissance, château d'Écouen

L'autre est la présentation du buste de François Ier par Girolamo della Robbia prêté par le Met, New York, et jamais exposé en France. L'analyse des traits du roi suggère une datation, selon Thierry Crépin-Leblong, antérieure à 1524 pour cette terre cuite émaillée à l'étain, sans doute une commande royale et cadeau de François au sieur de Sansac pour la façade de son manoir de Beaulieu-lès-Loches. Exposé juste à côté, le Retable de la chapelle de Cognac, également de Girolamo della Robbia, vers 1518, récemment restauré, apporte un second éclairage sur ce florentin très inspiré de la gravure sur bois d'Albrecht Dürer : La Naissance de la Vierge (vers 1503-1504, d'une suite de 20 planches gravées sur le thème de la Vie de la Vierge, vers 1503 jusque vers 1511) avec cependant l'adjonction d'une femme debout au premier plan à droite - portait idéalisé de Louise comme l'entend la notice ? -. 

Héroïdes, Ovide. 1497  //  Le livre des eschez et l'ordre de chevalerie, Jacques de Cessoles. Paris, Anthoine Vérard, 1504 © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse de l'exposition Une reine sans couronne ? Louise de Savoie, mère de François Ier, musée national de la Renaissance, château d'ÉcouenHéroïdes, Ovide. 1497  //  Le livre des eschez et l'ordre de chevalerie, Jacques de Cessoles. Paris, Anthoine Vérard, 1504 © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse de l'exposition Une reine sans couronne ? Louise de Savoie, mère de François Ier, musée national de la Renaissance, château d'Écouen

Héroïdes, Ovide. 1497 // Le livre des eschez et l'ordre de chevalerie, Jacques de Cessoles. Paris, Anthoine Vérard, 1504 © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse de l'exposition Une reine sans couronne ? Louise de Savoie, mère de François Ier, musée national de la Renaissance, château d'Écouen

Les ouvrages de la bibliothèque de Louise exaltent les modèles héroïques féminins comme Héroïdes (1497) d'Ovide enluminées par Robinet Testard dans lequel le jeu du portrait caché se profile avec les L sur la fenêtre. Anthoine Vérard, imprimeur parisien, qui fournissait le bibliophile qu'était Charles d'Angoulême continue avec sa veuve ; dans l'ouvrage de morale Le Livre des eschez et l'ordre de chevalerie (1504), le frontispice dans la scène d'offrande montrant un homme présentant un livre à une femme accompagnée d'un adolescent est le portrait dissimulé de la comtesse d'Angoulême avec François. Dissimulation qui appert dans Traité sur les vertus cardinales (vers 1510), ouvrage écrit à sa demande et consacré à la pratique d'un sage gouvernement où elle apparaît, sous le pinceau de Guillaume II Leroy, en allégorie de la Prudence.

Traité sur les Vertus cardinales. François Demoulins. Vers 1510. Miniature H. 28,8 ; l. 20,8 cm. Paris, Bibliothèque nationale de France, département des Manuscrits © Bnf. Portrait à peine déguisé de Louise de Savoie, en Prudence, tenant le compas emblématique de cette vertu mais également allusif à la formation inculquée à son fils. 

Accédant au trône, François conserve toute son affection pour sa mère, "lui donnant la prédominance sur toutes les dames de la cour hormis la reine [...] étant partie prenante de tous les projets politiques menés par son fils". Lettre touchant à une élection épiscopale, conseils écrits pour les ambassadeurs en Angleterre, négociations en Hongrie et en Pologne, rôle précurseur dans des relations franco-ottomanes, placent Louise comme décisive dans les affaires intérieures et diplomatiques du royaume. L'acmé de son action sera la paix de Cambrai dite des dames qu'elle négociera avec Marguerite d'Autriche - ratification du traité de Cambrai par Charles Quint du 18 août 1529 -.

Reine sans couronne interrogeait le titre de cette exposition. François, lui, ne se posa pas la question. Sa mère eut des obsèques royales, fut enterrée à Saint-Denis, la nécropole royale et son cœur enseveli dans le chœur de Notre-Dame de Paris. C'est ainsi que se clôt cette captivante exposition, dans cette belle demeure princière des Montmorency, de celle qui fut veuve à 20 ans. Et qui vécut presque comme une reine.

Gilles Kraemer

Vues de l'exposition Une reine sans couronne ? Louise de Savoie, mère de François Ier, musée national de la Renaissance, château d'Écouen © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse
Vues de l'exposition Une reine sans couronne ? Louise de Savoie, mère de François Ier, musée national de la Renaissance, château d'Écouen © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse
Vues de l'exposition Une reine sans couronne ? Louise de Savoie, mère de François Ier, musée national de la Renaissance, château d'Écouen © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse
Vues de l'exposition Une reine sans couronne ? Louise de Savoie, mère de François Ier, musée national de la Renaissance, château d'Écouen © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse
Vues de l'exposition Une reine sans couronne ? Louise de Savoie, mère de François Ier, musée national de la Renaissance, château d'Écouen © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse
Vues de l'exposition Une reine sans couronne ? Louise de Savoie, mère de François Ier, musée national de la Renaissance, château d'Écouen © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse
Vues de l'exposition Une reine sans couronne ? Louise de Savoie, mère de François Ier, musée national de la Renaissance, château d'Écouen © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse
Vues de l'exposition Une reine sans couronne ? Louise de Savoie, mère de François Ier, musée national de la Renaissance, château d'Écouen © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse
Vues de l'exposition Une reine sans couronne ? Louise de Savoie, mère de François Ier, musée national de la Renaissance, château d'Écouen © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse

Vues de l'exposition Une reine sans couronne ? Louise de Savoie, mère de François Ier, musée national de la Renaissance, château d'Écouen © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse

Une reine sans couronne ? Louise de Savoie, mère de François Ier

14 octobre 2015 - 1er février 2016

Musée national de la Renaissance - Château d'Écouen - 94 440 Écouen

http://www.musee-renaissance.fr

Commissariat : Thierry Crépin-Leblond et Muriel Barbier

Catalogue. 130 illustrations, 144 pages. Éditions RMN - GP. Prix 29 euros.

Paris, BnF : http://www.lecurieuxdesarts.fr/2015/04/l-image-au-service-du-pouvoir-francois-ier-premier-souverain-a-remporter-la-bataille-de-la-communication.html

Blois, château : http://www.lecurieuxdesarts.fr/2015/07/dans-les-ors-les-enluminures-et-les-ecrits-le-retour-temporaire-de-la-librairie-royale-de-francois-ier-au-chateau-de-blois.html

Chantilly, château : http://www.lecurieuxdesarts.fr/2015/11/d-une-defaite-a-un-mecenat-le-siecle-de-francois-ier.html

Girolamo della Robbia au Met : http://www.metmuseum.org/collection/the-collection-online/search/198767

Portrait en médaillon d'une veuve en deuil blanc. Léonard Limosin (?). Vers 1530-1540. Émail peint sur cuivre; monture en métal doré. H. 8,3; l. 7,7 cm. Londres, Victoria and Albert Museum © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse de l'exposition Une reine sans couronne ? Louise de Savoie, mère de François Ier, musée national de la Renaissance, château d'Écouen

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