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Rome, ses Vespas et... l'exposition Da Guercino a Caravaggio au palais Barberini © photographie Le curieux des arts Antoine Prodhomme

Il est des œuvres vues une seule fois, tellement fortes que vous n'y cessiez d'y penser même si elles ne provoquèrent pas le syndrome de Stendhal. Dans le cas présent, nul syndrome de Florence mais celui de Tokyo puisqu'il s'agissait d'une toile présentée lors de l'exposition Dal Rinascimento al Barocco. Capolavori del museo di Capodimente, en 2010, au National Museum of Western Art de cette ville, dans ce bâtiment conçu par Le Corbusier en bordure du parc de Ueono que j'avais découverte à Tokyo avec stupéfaction.

Atalante et Hippomène (vers 1617-1620) est cette toile dans laquelle Guido Reni fixe l'instant où tout bascule, où Hippomène lance à Atalante une seconde pomme d'or pour que celle-ci ralentisse sa course, la ramasse et perde ainsi son pari d'arriver première. Le tout dans le jeu des drapés des étoffes violet et bleu enveloppant ces deux corps blancs, dans ces deux personnes s'éloignant dans des diagonales vers les coins opposés du tableau mais restant rapprochées par le croisé en ciseaux de leurs jambes, tel des pas d'un ballet. 

 

Guido Reni, Apollon écorchant Marsyas / Atalante et Hippomène / atelier de Guido Reni, Le Rapt d'Europe © photographies Le curieux des arts Gilles Kraemer
Guido Reni, Apollon écorchant Marsyas / Atalante et Hippomène / atelier de Guido Reni, Le Rapt d'Europe © photographies Le curieux des arts Gilles Kraemer

Guido Reni, Apollon écorchant Marsyas / Atalante et Hippomène / atelier de Guido Reni, Le Rapt d'Europe © photographies Le curieux des arts Gilles Kraemer

La toile de ce peintre bolonais montrée à l'exposition romaine : Du Guerchin au Caravage. Sir Denis Mahon et l'Art Italien du XVIIe siècle nous renvoie vers un autre peintre du Seicento italien, que défendit également cet historien de l'art, le britannique Denis Mahon : Giovanni Francesco Barbieri, dit Guercino ou le Guerchin (1591-1666). Il peut paraître étonnant qu'au moment où cette exposition du palais Barberini se clôturera, une autre consacrée au Guerchin s'ouvrira en mars 2015 à Tokyo au National Museum of Western Art ! Sans doute y évoquera-t-on aussi Sir Denis Mahon (1910-2011) auquel l'on doit la redécouverte de l'art italien du Seicento, d'Annibale Carrache à Guido Reni et au Dominiquin, tous ces maîtres du Baroque et surtout du Guerchin auquel il consacra en 1968 et 1991 deux expositions à Bologne et nombre d'écrits, publiant en 1988 avec Luigi Salerno le catalogue raisonné de l'œuvre peint de cet artiste. S'il offrit aux institutions muséales de son pays natal de nombreuses toiles de sa collection, il donna à la Pinacoteca de Bologne sept chefs d'œuvres de l'école émilienne du XVIIe siècle (Le Carrache, Le Dominiquin, Benedetto Gennari, Le Guerchin, Guido Reni) et une copie d'atelier du Guerchin Le Reniement de Saint Pierre.

Cette exposition romaine, Denis Mahon y avait songé en 2009, souhaitant qu'elle se tint pour son centenaire. Elle ne se fit. La voici réalisée, 47 toiles, dont nombreuses lui appartinrent ou qu'il étudia, venues uniquement d'Italie hormis huit de l'Ermitage de Saint-Pétersbourg.

 

Guerchin, L'Incrédulité de Saint Thomas / Vénus, Mars, Cupidon et le Temps / Portraits du cardinal Bernardino Spada / Portrait d'un vieil homme avec un livre  # #  Vénus, Mars et Amour et détail / Benedetto Gennari, Portrait du Guerchin  # #  Guerchin Sibylle avec un rouleau de papier / Sibylle Perse / Madone avec l'enfant ou Madone au passereau / Le Prophète Élie avec la femme sunamite © photographies Le curieux des arts Gilles Kraemer
Guerchin, L'Incrédulité de Saint Thomas / Vénus, Mars, Cupidon et le Temps / Portraits du cardinal Bernardino Spada / Portrait d'un vieil homme avec un livre  # #  Vénus, Mars et Amour et détail / Benedetto Gennari, Portrait du Guerchin  # #  Guerchin Sibylle avec un rouleau de papier / Sibylle Perse / Madone avec l'enfant ou Madone au passereau / Le Prophète Élie avec la femme sunamite © photographies Le curieux des arts Gilles Kraemer
Guerchin, L'Incrédulité de Saint Thomas / Vénus, Mars, Cupidon et le Temps / Portraits du cardinal Bernardino Spada / Portrait d'un vieil homme avec un livre  # #  Vénus, Mars et Amour et détail / Benedetto Gennari, Portrait du Guerchin  # #  Guerchin Sibylle avec un rouleau de papier / Sibylle Perse / Madone avec l'enfant ou Madone au passereau / Le Prophète Élie avec la femme sunamite © photographies Le curieux des arts Gilles Kraemer
Guerchin, L'Incrédulité de Saint Thomas / Vénus, Mars, Cupidon et le Temps / Portraits du cardinal Bernardino Spada / Portrait d'un vieil homme avec un livre  # #  Vénus, Mars et Amour et détail / Benedetto Gennari, Portrait du Guerchin  # #  Guerchin Sibylle avec un rouleau de papier / Sibylle Perse / Madone avec l'enfant ou Madone au passereau / Le Prophète Élie avec la femme sunamite © photographies Le curieux des arts Gilles Kraemer
Guerchin, L'Incrédulité de Saint Thomas / Vénus, Mars, Cupidon et le Temps / Portraits du cardinal Bernardino Spada / Portrait d'un vieil homme avec un livre  # #  Vénus, Mars et Amour et détail / Benedetto Gennari, Portrait du Guerchin  # #  Guerchin Sibylle avec un rouleau de papier / Sibylle Perse / Madone avec l'enfant ou Madone au passereau / Le Prophète Élie avec la femme sunamite © photographies Le curieux des arts Gilles Kraemer
Guerchin, L'Incrédulité de Saint Thomas / Vénus, Mars, Cupidon et le Temps / Portraits du cardinal Bernardino Spada / Portrait d'un vieil homme avec un livre  # #  Vénus, Mars et Amour et détail / Benedetto Gennari, Portrait du Guerchin  # #  Guerchin Sibylle avec un rouleau de papier / Sibylle Perse / Madone avec l'enfant ou Madone au passereau / Le Prophète Élie avec la femme sunamite © photographies Le curieux des arts Gilles Kraemer

Guerchin, L'Incrédulité de Saint Thomas / Vénus, Mars, Cupidon et le Temps / Portraits du cardinal Bernardino Spada / Portrait d'un vieil homme avec un livre # # Vénus, Mars et Amour et détail / Benedetto Gennari, Portrait du Guerchin # # Guerchin Sibylle avec un rouleau de papier / Sibylle Perse / Madone avec l'enfant ou Madone au passereau / Le Prophète Élie avec la femme sunamite © photographies Le curieux des arts Gilles Kraemer

Dans la première salle, son cher Guerchin naturellement, présent en force avec 13 toiles. Quelle étonnante façon d'accueillir le visiteur avec Vénus, Mars et Amour, œuvre commandée par le duc François Ier d'Este ! Amour nous regarde et bande l'arc, prêt à tirer la flèche, Vénus guidant la direction du trait amoureux fatal en lui indiquant de l'index l'objectif. Nous, le spectateur. Ce petit garçon jouant avec nos sentiments, nous le retrouverons dans Vénus, Mars, Cupidon et le Temps, mais, cette fois-ci, vaincu dans une allégorie du Temps triomphant de l'Amour et de la Beauté, l'enfant de Vénus et Mars se trouvant pris dans un filet. Troisième enfant, une œuvre de jeunesse du Guerchin (vers 1615-1616) La Madone avec l'Enfant ou la Vierge au passereau. Une toile délicieuse dans les regards de la mère fixant avec intensité l'oiseau posé sur son doigt tandis que Jésus scrute avec curiosité ce passereau qu'il retient par un fil de soie attaché à sa patte.

Guido Reni La Jeunesse de la Vierge // détail de Salomé avec la tête de Baptiste  # #  Le Dominiquin, Assomption de Marie-Madeleine au ciel © photographies Le curieux des arts Gilles Kraemer
Guido Reni La Jeunesse de la Vierge // détail de Salomé avec la tête de Baptiste  # #  Le Dominiquin, Assomption de Marie-Madeleine au ciel © photographies Le curieux des arts Gilles Kraemer
Guido Reni La Jeunesse de la Vierge // détail de Salomé avec la tête de Baptiste  # #  Le Dominiquin, Assomption de Marie-Madeleine au ciel © photographies Le curieux des arts Gilles Kraemer
Guido Reni La Jeunesse de la Vierge // détail de Salomé avec la tête de Baptiste  # #  Le Dominiquin, Assomption de Marie-Madeleine au ciel © photographies Le curieux des arts Gilles Kraemer

Guido Reni La Jeunesse de la Vierge // détail de Salomé avec la tête de Baptiste # # Le Dominiquin, Assomption de Marie-Madeleine au ciel © photographies Le curieux des arts Gilles Kraemer

Guido Reni règne aussi en maître avec 10 toiles. Naturellement Atalante et Hippomène a une place d'honneur à côté d'un spectaculaire et immense Apollon écorchant Marsyas hurlant de douleur, les bras en croix, subissant la haine cruelle du dieu qu'il voulut égaler (collection privée), non loin d'une Jeunesse de la Vierge ou d'une Salomé toute en candeur, rêveuse, les joues légèrement rosées, portant sur un plateau la tête de Baptiste dont manifestement elle s'est totalement désintéressée, son souhait ayant été exhaussé. La douceur de son visage n'est pas sans évoquer celui songeur de la Sibylle de Cumes du Dominiquin ou, du même peintre, l'Assomption de Marie-Madeleine, emmenée vers le ciel par trois putti pour y entendre un chant céleste. Dans une composition théâtrale et grandiloquente - telle la représentation d'un opéra baroque lorsque les déesses s'envolaient vers les cieux par la magie de la machinerie - cette œuvre splendide, qui appartint à Pierre Crozat, est un magnifique moment de peinture dans le drapé des vêtements or, vert et grenat de la sainte.

 

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Le Caravage, Judith et Holopherne  # #  L'Arracheur de dent  # #  Saint Jérôme & Saint François en méditation © photographies Le curieux des arts Gilles Kraemer
Le Caravage, Judith et Holopherne  # #  L'Arracheur de dent  # #  Saint Jérôme & Saint François en méditation © photographies Le curieux des arts Gilles Kraemer
Le Caravage, Judith et Holopherne  # #  L'Arracheur de dent  # #  Saint Jérôme & Saint François en méditation © photographies Le curieux des arts Gilles Kraemer
Le Caravage, Judith et Holopherne  # #  L'Arracheur de dent  # #  Saint Jérôme & Saint François en méditation © photographies Le curieux des arts Gilles Kraemer

Le Caravage, Judith et Holopherne # # L'Arracheur de dent # # Saint Jérôme & Saint François en méditation © photographies Le curieux des arts Gilles Kraemer

Comme le souligne Mina Gregori dans le catalogue, Denis Mahon s'intéressa aussi au Caravage – dont le grand historien et découvreur fut, dès 1910, Roberto Longhi – dans le cadre des polémiques des années 1950 autour de la datation des trois toiles de Saint-Matthieu de la chapelle Contarelli à Saint Louis des Français. Ceci nous procure le plaisir de voir la réunion de six Caravage. Judith et Holopherne avec la représentation de l'acte même de la décapitation, pour ce moment de violence pure opposant le corps parcouru de spasmes du général agonisant à la tranquille assurance et ferme résolution de Judith tranchant le cou de l'Assyrien. Deux instants de pure intériorité et de réflexion avec les tableaux de saints solitaires saisis dans leur méditation : Saint François et Saint Jérôme. Captation de l'effroi d'un patient entre les mains d'un Arracheur de dents, observé attentivement par des spectateurs dont un jeune garçon sidéré, toile beaucoup plus lisible dans le catalogue qu'en réalité car sombre.

Poussin, Bataille entre les Israélites et les Amalécites & Bataille de Gédéon contre les Madianites  # #  Peintre anonyme du XVIIe siècle, Bacchus. Huile sur toile, 141 x 170 cm. Musée de l'Ermitage, Saint Pétersbourg © photographies Le curieux des arts Gilles Kraemer
Poussin, Bataille entre les Israélites et les Amalécites & Bataille de Gédéon contre les Madianites  # #  Peintre anonyme du XVIIe siècle, Bacchus. Huile sur toile, 141 x 170 cm. Musée de l'Ermitage, Saint Pétersbourg © photographies Le curieux des arts Gilles Kraemer

Poussin, Bataille entre les Israélites et les Amalécites & Bataille de Gédéon contre les Madianites # # Peintre anonyme du XVIIe siècle, Bacchus. Huile sur toile, 141 x 170 cm. Musée de l'Ermitage, Saint Pétersbourg © photographies Le curieux des arts Gilles Kraemer

Le titre de l'exposition annonçait Le Caravage et, la dernière salle présente trois Nicolas Poussin ! Si la notice du catalogue ne donne aucune raison de la présence de Vénus, faune et putti, les impressionnants tableaux de deux batailles de l'Ancien Testament, œuvres de jeunesse de Nicolas se justifient, Denis Mahon s'étant intéressé à la production artistique du jeune artiste. Une belle façon de terminer par la réunion de cette Bataille de Gédéon contre les Madianites et cette Bataille entre les Israélites et les Amalécites cette exposition honorant la mémoire de Denis Mahon, l'Italien de cœur.

Une toile étonnante d'un peintre anonyme clôt le parcours : Bacchus occupant presque tout l'espace du tableau, son corps nu et musclé renvoyant à la sculpture du Jour de Michel-Ange dans la Chapelle des Médicis à Florence. Les noms de Diego Velázquez, Pedro Nunez ou de Rutilio Manetti ont été évoqués pour cette toile qui n'aurait pas démérité de figurer à l'exposition que la Villa Médicis consacre actuellement aux Bas-fonds du Baroque. La Rome du vice et de la misère.

Gilles Kraemer

déplacement et séjour à Rome à titre personnel

 

Remerciements à Sergio Cerini et Roberto Testarmata de EffeCi Comunicazione pour les facilités d'accueil à cette exposition.

Sir Denis Mahon et l'Arte Italiana del XVIIe secolo. Da Guercino a Caravaggio / Sir Denis Mahon et l'Art Italien du XVIIe siècle. Du Guerchin à Caravage

26 septembre 2014-8 février 2015

Galleria Nazionale d'Arte Antica in Palazzo Barberini

Via delle Quattro Fontane, 13 - Rome

Internet : http://galleriabarberini.beniculturali.it

Commissariat d'Anna Coliva, Mina Gregori et Sergey Androsow.

Catalogue en italien et en anglais. 180 pages. Éditions L'Erma de Bretschneider, Rome.

A voir également :

Memling. Renaissance en Flandres / Memling. Rinascimento fiammingo jusqu'au 18 janvier 2015 aux Scuderie del Quirinale. Les Écuries du Quirinal se trouvent à dix minutes de marche du Palais Barberini.  http://www.lecurieuxdesarts.fr/2014/12/hans-memling-renaissance-en-flandres-hans-memling-rinascimento-fiammingo-scuderie-du-quirinal-rome.html

À l'Académie de France à Rome – Villa Médicis : I bassifondi del Barocco. La Roma del vizio e della miseria / Les Bas-fonds du Baroque. La Rome du vice et de la misère, jusqu'au 18 janvier 2015. Puis, au Petit Palais-Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris, du 24 février au 24 mai 2015. http://www.lecurieuxdesarts.fr/2014/12/les-bas-fonds-du-baroque-la-rome-du-vice-et-de-la-misere-i-bassifondi-del-barocco-la-roma-del-vizio-e-della-miseria-entretien-avec-e

Et, plus tard, De Giotto à Caravage, au musée Jacquemart-André à Paris (27 mars-20 juillet 2015), évoquera la personnalité de Roberto Longhi (1889-1970), historien de l'art italien du XIVe au XVIIe siècle. Et lui aussi collectionneur comme Denis Mahon. 

 

 

Tag(s) : #Expositions à l'étranger, #Italie, #Rome
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