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Publié par Gilles Kraemer

Affiches des expositions Galaxie Erró à la Fondation Folon et Erró, générateur d'images au Salon d'art © photographie Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Bruxelles, octobre 2016

Erró ne coupe surtout pas les cheveux en quatre. Et encore moins son coiffeur Jean Marchetti. Étonnant. Plus qu'étonnant. L'on connaît des restaurants, des bars, des hôtels, parfois des fleuristes qui présentent sur leurs murs, pendant quelques jours, des peintures. A ma connaissance, la profession conjugée de coiffeur & galeriste m'était inconnue. En route ou plutôt en train direction Bruxelles où un coiffeur présente dans son salon des tableaux et des estampes d'Erró ! Erró (de son vrai Guðmundur Guðmundsson), né en 1932 à Ólafsvík en Islande, vivant à Paris depuis 1958, cette figure majeure de la Figuration Narrative auquel le Centre Georges Pompidou consacra en 2010 l'exposition Erró 50 ans de collages et le musée d'Art contemporain de Lyon une rétrospective en 2014-2015.

Erró, The computermaniac, 1993. Aquarelle sur papier, 76 x 56 cm. © Erró

Et oui, il expose dans un salon de coiffure, non loin d'ailleurs de l'antenne bruxelloise d'une galerie parisienne de la rue des Beaux-Arts. Enseigne dessinée par Roland Topor - son ultime exposition fut ici -, vous êtes bien au Salon d'art, chez Jean Marchetti, coiffeur, galeriste depuis 40 ans, éditeur depuis 35 ans de la maison allusivement nommée La Pierre d'Alun. La devise de cette maison d'éditions est celle d'un des maîtres de la typographie Giambattista Bodoni : "je ne veux que du magnifique et je ne travaille pas pour le vulgaire". Tel que le souligne Jean Marchetti, "je suis autodidacte sauf pour mon métier. Pour paraphraser mon ami Topor, ce dernier disait : "Nous ne sommes pas nés pour ne faire qu’une chose et plus on en fait, moins de chance on a de s’ennuyer"". Pourquoi, cette triple casquette, je devrais même écrire quadruple puisqu'il s'occupe de la communication graphique de quatre restaurants et d'un magasin de vins ? "Je m'émerveille moi-même, fils et petit-fils de mineur. Quand ma grand-mère a acheté les meubles de son salon et de sa salle-à-manger, des reproductions de tableaux étaient sur les murs. Je me suis dit que l'on ne peut pas vivre avec du faux et laisser les gens dans l'erreur. Mon défi est de faire pénétrer l'art chez des gens pour lesquels ce n'est pas l'objectif premier". Et pourquoi cette passion dans le partage ? "La majorité des personnes qui vient dans mon salon de coiffure vous dira qu'elle n'est pas spécialiste. Lorsque vous allez au marché, l'êtes-vous ? Lorsque vous choisissez des légumes, êtes-vous horticulteur ? Donc je pense que tout le monde a la possibilité d'apprécier une œuvre d'art. Il faut lui apprendre tout simplement à lire. Ne pas dire que c'est du chinois car... même le chinois s'apprend".

Erró, The dream, 1994. Aquarelle sur papier, 77 x 57 cm. © Erró

Ligne directrice du Salon d'art ? "Aucune. Je n'en souhaite pas, seul le ressenti compte. Une démarche trop définie entraîne une démarche centrifuge qui me dérange, je ne souhaite pas l'exclusion. De sept expositions je suis passé au rythme annuel de cinq avec, chaque fin d'été, une exposition de photographies - je me suis intéressé à ce médium dès 1978 -. La dernière étant celle de Jean-François De Witte, www.jf28.com, un travail sur les bunkers et la lumière. Après Erró, j'exposerai en 2017 Pierre Alechinsky dont l'on fête les 90 ans; je le présente depuis 20 ans". Ce dernier ne lui a-t-il pas dessiné le logo de sa maison d'éditions, une marque jouant sur l'effet miroir, le livre ouvert. 

 

 

Erró © photographie Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Bruxelles, octobre 2016

Son ami Erró, le jovial artiste à "l'œil bleu glacier", au tutoiement facile, ne pouvait que se plaire ici, lui auquel la Fondation Folon, à quelques kilomètres, consacre une grande exposition dont Jean Marchetti est le commissaire. Vu comme l'un des chantres de la Figuration Narrative, Erró ne s'enferme pas dans ce mouvement. "Dans ma peinture je remets en question le Monde; son absurdité, sa sauvagerie, sa Réalité même, tous dogmes et rites officiels me laissent froid. Mon indépendance est inaliénable". Ses propos tenus en février 1960 sont toujours d'actualité (1). Son œuvre jongle sur le Pop Art, le Surréalisme, l’Hyperréalisme. En poussant à l'extrême vers le Réalisme Social. C'est un "mix" de ces différents mouvements artistiques. Du Erró, tout simplement.

Erró, Mécapoème, 1958. Collage, 32,3 x 25 cm. © Jean Marchetti

Qu'y voit-on en ces deux lieux qui se complètent parfaitement et donnent à voir la dimension sans cesse renouvelée de cet artiste ? Des plaques émaillées d'imaginerie populaire. Des collages construits de découpes de revues. Des sérigraphies, des aquarelles, des peintures. Le tout en un télescopage de montages convoquant aussi bien la bande dessinée américaine que le manga, en une juxtaposition de scènes et de situations tout à fait improbables, dans des couleurs bien tranchées pour "cette déflagration visuelle qui est à l'origine de toutes les œuvres d'Erró [...], un bombardement d'images" comme le qualifie Daniel Abadie dans son propos accompagnant le catalogue commun aux deux expositions. Des chocs visuels, d'humour ou de dérision, dans des dénonciations de régimes politiques, totalitaires, des pouvoirs, de la société. À la Fondation, des textes consolidant la démarche d'Erró, dans une compréhension de l'image, en un sous-entendu verbal, ponctuent le parcours.

 

 

 

 

Erró, Mandela, 1991. Sérigraphie sur toile © photographie Le Curieux des arts Gilles Kraemer, La Hulpe / Terhulpen, octobre 2016

La dernière ponctuation, terminant l'exposition sous la sérigraphie sur toile Mandela (1991) : "je peins parce que la peinture est la forme privée de l'utopie, le plaisir de contredire, le bonheur d'être seul contre tous, la joie de provoquer".

Gilles Kraemer

Galaxie Erró

1er octobre 2016 - 29 janvier 2017

Fondation Folon - Drève de la Ramée, 6A - 1310 La Hulpe / Terhulpen

Bus depuis Ixelles. Tous renseignements sur le site Internet de la Fondation fondationfolon.be

Erró Générateur d’images

17 octobre - 24 décembre 2016

Le Salon d'art - rue de l'Hôtel des Monnaies - 1060 Bruxelles. Salon de coiffure uniquement sur rendez-vous comme ceci est précisé sur le site Internet lesalondart.skynetblogs.be

Catalogue commun aux deux expositions. Texte de Daniel Abadie Erró, le déferlement des images, 96 pages. Éditions La Pierre d’Alun, 2016. Tirage à 650 exemplaires dont 50 exemplaires accompagnés d'une impression pigmentaire de l'artiste. Plaquette de 12 pages accompagnant l'exposition bruxelloise, avec un texte de Daniel Abadie extrait de La grande Errósion des images aux éditions La Pierre d'Alun, 2015.

(1) Erró, Se non è vero è ben trovato, 2012. Recueil de propos de l'artiste glanés parmi livres, catalogues et revues, entre 1964 et 2005. Tirage à 2 000 exemplaires. Éditions La Pierre d'Alun, Bruxelles.

La Fondation Folon, inaugurée en octobre 2000, est située dans la Ferme du château de La Hulpe. Dans une belle et rêveuse muséographie imaginée par cet artiste (Uccle 1934 - 2005), nous entrons, au sens bien physique, dans un livre qui s'ouvre, pour un cheminement poétique entre aquarelles, peintures, estampes, objets, sculptures, affiches et illustrations, en 15 salles. En prolongation : catalogue de l'exposition Agences de voyages imaginaires, 2015; catalogue de La Fondation Folon, 2008. Prochaine exposition : Peyo, du 25 mars au 27 août 2017.

Erró ne coupe surtout pas les cheveux en quatre à Bruxelles
Erró ne coupe surtout pas les cheveux en quatre à Bruxelles
Erró ne coupe surtout pas les cheveux en quatre à Bruxelles
Erró ne coupe surtout pas les cheveux en quatre à Bruxelles
Erró ne coupe surtout pas les cheveux en quatre à Bruxelles
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Vues de l'exposition Galaxie Erró, Fondation Folon à La Hulpe / Terhulpen & exposition Erró Générateur d’images au Salon d'art à Bruxelles © photographie Le Curieux des arts Gilles Kraemer, octobre 2016

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