Festival d’Aix-en-Provence 2024, indubitablement la défense de la musique française
Antoine Prodhomme
76ème édition du Festival d’Aix-en-Provence. Cinq opéras dont une création mondiale d’un opéra censuré doublement en… 1734 et 1736, trois nouvelles productions, deux opéras mis en espace, 13 concerts et récitals, sept orchestres invités, 35 soirées lyriques entre le 3 et le 23 juillet 2024.
© Antoine Prodhomme, Paris, décembre 2023
Mais pas seulement aixois puisque ce festival dialoguera avec Arles, dans une commande de Luma Fondation pour une nouvelle production : The great yes, the great no du jeune compositeur sud-africain Nhlanhla Mahlangu (1989), mise en scène et concept du sud-africain William Kentridge, membre de l’Institut, membre associé étranger à l’Académie des beaux-arts. La traversée de l’Atlantique, entre France et Caraïbes d’André Breton, Wilfredo Lam et Claude Lévi-Strauss et autres intellectuels fuyant la France occupée par les nazis en 1941. Jusqu’à mettre dans le même paquebot, Staline et Trotsky ! Une traversée forcée, dans une résonnance si douloureusement contemporaine. Une ouverture internationale qui me tient à cœur souligne Pierre Audi, avec ce projet d’un grand maître. [7 au 10 juillet, Luma, Arles]
76ème édition dans cet effet de garder surprise, découverte, dans une continuité de la fidélité avec des artistes et des directeurs musicaux dont Raphaël Pichon.
L’orientation est fortement française alors que l’année 2023 était dans une édition internationale. Festival français, insiste Pierre Audi lors de cette conférence de presse parisienne, il se doit de défendre la musique française parfois dénigrée. Aix est une plate-forme internationale pour la défense de la musique française pour laquelle j’éprouve une passion.
Cette année 2024, un seul Mozart, l’ADN de ce festival depuis sa création en 1948 avec Cosi fan tutte ! Une unique soirée pour La clemenza di Tito, direction de Raphaël Pichon à la tête de Pygmalion avec Pene Pati, Karine Deshayes, Marianne Crebassa et Lea Desandre. [Grand théâtre de Provence, 21 juillet] Egalement au Grand théâtre de Provence, Verdi, Les Vêpres siciliennes, direction musicale Daniele Rustioni, mise en espace Romain Gilbert [23 juillet]
Ouverture avec le défi de programmer le même soir Gluck avec Iphigénie en Aulide puis en Tauride, Corinne Winters endossant doublement, dans cette tragédie, les habits de la fille d’Agamemnon. A la tête de Le Concert d’Astrée naturellement Emmanuelle Haïm dans une mise en scène de l’incontournable Dmitri Tcherniakov. Restera une distribution luxueuse Véronique Gens (Clytemnestre), Nicolas Cavallier (Calchas), Florian Sempey (Oreste), Stanislas de Barbeyrac (Pylade) et Alexandre Duhamel (Thoas), Russell Braun (Agamemnon) et Alasdair Kent (Achille) et, pour l’autre rôle commun aux deux ouvrages, Soula Parassidis (Diane). [Grand théâtre De Provence, 3, 5, 8, 11, 16 juillet, en coproduction avec l’Opéra national de Paris]
Centenaire de la mort de Puccini avec Madama Butterfly dirigée par Daniele Rustioni et mis en scène d’Andrea Breth. Plateau international. La soprano albanaise Ermonela Jaho, foulant pour la première fois le sol aixois sera notamment entourée du ténor britannique Adam Smith, (Pinkerton), de la mezzo-soprano japonaise Mihoko Fujimura (Suzuki) et du baryton belge Lionel Lhote (Sharpless). [Théâtre de l’Archevêché, 5, 8, 10, 13, 16, 19, 22 juillet]
Reprise de la production de 2016 de Pelléas et Mélisande de Debussy mise en scène de Katie Mitchell, direction de Susanna M très lälkki. Tendance actuelle avec Mélisande / Julia Bullock au cœur de la lecture d’une femme en quête de liberté, dans un contexte #metoo. Autour de Laurent Naouri, déjà Golaud en 2016, le baryton britannique Huw Montague Rendall, Vincent Le Texier (Arkel) et Lucile Richardot (Geneviève). [Grand théâtre de Provence, 6, 9, 12, 15, 17 juillet]
Metteur en scène d’Il ritorno d’Ulisse in patria, Monterverdi en 1990 à Amsterdam, Pierre Audi propose une nouvelle mise en scène. Direction de Leonardo García Alarcón à la tête de Cappella Mediterranea autour du baryton John Brancy dans le rôle-titre et de la mezzo-soprano Deepa Johnny (Pénélope). [Théâtre du Jeu de Paume, 17, 19, 20, 21,23 juillet]
Raphaël Pichon & Pierre Audi © Antoine Prodhomme, Paris, décembre 2023
Indubitablement un exercice de détective. Indubitablement une mission impossible que cette reconstitution de Samson. Le défi de Pierre Audi qui possède le sens de l’aventure en programmant cet opéra de Rameau perdu, livret de Voltaire. Création mondiale le 4 juillet au Théâtre de l’Archevêché. Une partition perdue, l’original a disparu, un livret très loin du livret original puisque censuré en 1734 et 1736. Trois semaines avant la création, le couperet tombe : cet opéra ne sera pas représenté. Pierre Audi a souhaité retrouver l’esprit de cet opéra, 18 mois de travail avec Raphaël Pichon pour une conception musicale de travail avec un prologue et 5 actes et une libre création de mise en scène, concept et scénario de Claus Guth pour ce Samson reconstitué. Pour Voltaire, souhaitant un sujet édifiant qui nous élève, la figure biblique de Samson s’imposait avec un chœur placé comme élément moteur. Le héros, un baryton, un basse-taille à la place d’un haute-contre comme il le souhaitait pour cet opéra noir, sanguin déroulant la vie de ce héros interprété par Jarrett Ott, merveilleux Macbeth dans Macbeth Underworld à l’Opéra-Comique en novembre 2013. (1) Opéra dont Rameau réutilisa la musique et, par intuition des morceaux d’Anacréon, Zoroastre, Castor et Pollux et Les Indes galantes. Dans le rôle muet de la mère de Samson, Andréa Ferréol. Un seul souhait, que la mise en scène de Paul Guth soit plus compréhensible que sa lecture sylvestre de Don Giovanni à la Bastille en septembre 2023. [4, 6, 9, 12, 15, 18 juillet, en coproduction avec l’Opéra-Comique].
Verdi, Les Vêpres siciliennes, direction musicale Daniele Rustioni, mise en espace Romain Gilbert [Grand théâtre de Provence 23 juillet]
Une soirée de théâtre musical intitulée Songs and Fragments réunira au Théâtre du Jeu de Paume deux œuvres emblématiques : Eight Songs for a Mad King de Peter Maxwell Davies (1969) et Kafka-Fragmente de György Kurtág (1987) [6, 7, 10, 12 juillet].
Un festival attrayant et incontournable, voilà l’Aix 2024 de Pierre Audi. Rendez-vous le 3 juillet à 18h pour Iphigénie en Aulide de Gluck.
(1) http://www.lecurieuxdesarts.fr/2023/11/dans-les-outrenoirs-de-macbeth-underworld-opera-comique.html