La discrétion subtile de Diego Giacometti sous l'œil connoisseur d'Hubert de Givenchy (actualisé avec résultats) - Christie's Paris - Entretien avec Daniel Marchesseau
© Le Curieux des arts Gilles Kraemer, 2 mars 2017, exposition Les Giacometti d'Hubert de Givenchy, Christie's, Paris.
Unique exposition consacrée à Diego Giacometti (Borgonovo 1902 - 1985 Paris) en France, celle organisée par Daniel Marchesseau à Paris, en 1986 au musée des Arts décoratifs. Plus rien depuis. Diego revient en force cet hiver 2017. Sotheby's galerie Charpentier présentait fin janvier quatre-vingts pièces de ce sculpteur, frère d'Alberto, issues de collections privées. Rien à vendre. Naturellement... Soltanto per il piacere degli occhi alla galleria Charpentier. www.lecurieuxdesarts.fr/2017/01/diego-giacometti-lache-son-cher-bestiaire-chez-sotheby-s/il-mondo-fantastico-di-diego-giacometti.html
Dans quelques jours, Christie's Paris disperse 20 œuvres de Diego, seulement vingt mais elles affrontèrent "le regard du plus exigeant des connoisseurs parisiens" - celui d'Hubert de Givenchy - comme le souligne Daniel Marchesseau dans son texte accompagnant le catalogue de cette vente fabuleuse de ce grand amateur, de ce grand couturier. Il les a désirées, souhaitées, commandées, discutées avec Diego, caressées, conservées. Et aujourd'hui, il a décidé de les offrir à d'autres mains aimantes. Elles ont quitté le château du Jonchet, pour être présentées chez Christie's, dans cet immeuble qui fut, au siècle dernier, la maison ... de haute couture des sœurs Callot.
Comme le souligne Daniel Marchesseau, "ce mobilier - dont l'élégance et la subtilité suggèrent l'apparat, sans le souligner - traduit l'exceptionnelle complicité entre deux géants du goût français pour un bestiaire familier le plus poétique. Un délicieux silence émane de chacun de ses modèles destinés à M. de Givenchy. La subtilité dans l'épure évoque mystérieusement la rigueur du mobilier antique et la poésie du quotidien telle que la désire ce maestro de la haute couture.". Succès total de la vente. Les 21 lots vendus pour 32 748 500 euros, frais acheteurs inclus.
Diego Giacometti, Paire de photophores au cerf, vers 1970. Bronze patiné et verre. Est. 100 000-150 000 € © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, 2 mars 2017, exposition Les Giacometti d'Hubert de Givenchy, Christie's, Paris. Adjudication 818 500 €.
Hubert de Givenchy aime la nature, les animaux. Diego Giacometti les a immortalisés dans le bronze en y adjoignant des caryatides et des atlantes, dans une longue amitié qui sourd de cette collection : LES Giacometti d'Hubert de Givenchy. Des têtes de cerfs, il y en a beaucoup chez Monsieur de Givenchy. Hubert n'est-il pas le patron des chasseurs et un cerf dix-cors ayant une croix entre ceux-ci n'apparut-il pas à ce futur saint ? Des tourterelles aussi. Des labradors, des teckels, des levrettes car Hubert de Givenchy aime tellement ses chiens que chacune de leur tombe est surmontée d'un bronze sorti des mains de Diego.
Alberto Giacometti, Coupe, vers 1949. Bronze doré. Est. 200 000-300 000 € © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, 2 mars 2017, exposition Les Giacometti d'Hubert de Givenchy, Christie's, Paris. Adjudication 1 322 500 euros.
Vingt Diego, auxquels s'adjoint une Coupe en bronze doré, vers 1949, d'Alberto, que Diego offrit à Hubert (est. 200 000-300 000 €). Dans cette même générosité, Diego Giacometti lui fit aussi cadeau de deux Tourterelles, vers 1975, qu'il venait juste de créer; Hubert de Givenchy sépara le couple pour en offrir une à un ami (est. 20 000-30 000 €).
Diego Giacometti, Paire d'arbres de vie ou Arbres à l'oiseau et à l'escargot, vers 1968. Bronze patiné. Est. 300 000-500 000 € © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, 2 mars 2017, exposition Les Giacometti d'Hubert de Givenchy, Christie's, Paris. Adjudication 2 706 500 euros.
Première commande, vers 1968, celle de la Paire d'arbres de vie ou Arbres à l'oiseau et à l'escargot - attention l'escargot est tout petit, il faut le deviner caché sur une branche - (est. 300 000-500 000 €). Dernière pièce acquise : Lanterne, vers 1983, en plâtre, préfiguration de la commande étatique pour le nouveau musée Picasso à Paris, dans l'ancien hôtel Salé. Belle hauteur sous plafond à prévoir, sa chaîne de suspension mesure 280 centimètres (est. 300 000-400 000 €. Adjudication 2 258 500 euros). Diego Giacometti imaginera un ensemble de 50 pièces pour cette nouvelle institution comprenant des lustres, des lanternes, des torchères, des tables, des chaises et des banquettes. Les visiteurs le savent-ils ? Pièce d'une grande délicatesse, Grande console aux cerfs, vers 1968, premier meuble commandé par Hubert de Givenchy avec le thème décoratif du cerf de Saint Hubert. Pour les bois tout en délicatesse, d'un naturel incroyable, ce concepteur de génie n'avait-il pas simplement pris des brindilles pour les façonner (est. 400 000-600 000 €. Adjudication 2 650 500 euros). Ce meuble sera suivi d'une longue série de tables basses, tables octogonales, photophores, chenets et tabourets. Par le premier meuble de Diego possédé par Hubert de Givenchy, Guéridon, nous voici revenant vers le monde indicible des liens d'amitiés. Créé en 1962 pour la Fondation Maeght puis réalisé en 1966 pour le restaurant bâlois Kronenhalle appartenant à la famille Zumsteg Guéridon lui fut offert par le fils de cette famille Suisse, Gustav, dessinateur des collections pour Yves Saint-Laurent en 1968. Cette pièce sera le déclencheur de la première rencontre dans l'atelier de la rue Hyppolite Maindron à Paris entre l'artiste et Hubert de Givenchy. La naissance d'une longue amitié.
Deux des Grandes tables octogonales aux caryatides et atlantes avec un Ensemble de quatre tabourets en X, troisième version, vers 1983. Bronze patiné et cuir. Est. 300 000-500 000 € © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, 2 mars 2017, exposition Les Giacometti d'Hubert de Givenchy, Christie's, Paris. Adjudication 1 802 500 euros pour les tabourets. Les tables 3 770 500 € et 3 266 500 €.
Mon coup de cœur, enfin trois coups de cœur pour trois Tables octogonales aux caryatides et atlantes, vers 1980 et vers 1983, une légèrement plus petite avec un plateau de chêne teinté vert céladon (est. 600 000-800 000 €) et deux autres identiques de plus grand diamètre (estimation 800 000-1 200 000€ chaque). Trois tables sur lesquelles l'on pourrait placer un Cheval passant d'après un modèle de Giovanni Francesco Susini (vers 1585-1653), Italie, fin du XVIIe siècle, le bronze à patine verte antique d'un Hercule Farnèse, Rome fin du XVIIIe siècle ou un Lekythos à figures noires, Grèce, VIe siècle av. J.-C..
© Le Curieux des arts Gilles Kraemer, 2 mars 2017, exposition Les Giacometti d'Hubert de Givenchy, Christie's, Paris.
Cette façon si subtile et délicate de mettre en scène cette collection, comme une caresse, est naturellement griffée Nathalie Crinière. Pour une présentation haute couture des Giacometti de Monsieur de Givenchy.
Gilles Kraemer
Les Giacometti d'Hubert de Givenchy
Vente aux enchères : lundi 6 mars 2017 à 18h. Exposition : 28 février - 4 mars de 10h à 18h et le 5 mars de 14h à 18h
Christie’s - 9 avenue Matignon, 75008 Paris
Catalogue indispensable
Une œuvre de Diego Giacometti est proposée à Drouot mercredi 8 mars 2017 chez Beaussant-Lefèvre. Estimation : 750 000-1 000 000 €. Grande table basse aux crapauds avec raton, pigeon et lézards de forme rectangulaire en bronze à patine brun-vert, structure constituée de quatre pieds d’angle sculptés accueillant une entretoise en X ornée d’une coupelle et d’animaux en ronde-bosse, plateau en verre (petit éclat à un angle). Exemplaire unique, vers 1976. Hauteur : 46 cm; Longueur : 121 cm; Profondeur : 96 cm. Provenance :- Commande spéciale réalisée par l’artiste pour Barbara Wirth puis chez Didier et Barbara Wirth, à Saint-Cloud puis place du Palais-Bourbon à Paris. Exposition Diego Giacometti, en 1986, Paris, Musée des Arts Décoratifs