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Gilles Kraemer

Lundi 25 septembre 2023, générale

 

Le 21 février 1873, à sa création parisienne aux Folies-Dramatiques, le public en liesse bisse… tous les airs de La Fille de Madame Angot, opéra-comique de Charles Lecocq ! 411 représentations parisiennes. Triomphe. Créée en décembre 1918 à l’Opéra Comique, elle sera représentée pour la dernière fois en ce lieu en 1969.

La Fille de Madame Angot © Jean-Louis Fernandez.

Cinquante-quatre ans plus tard, Angot retrouve le plateau du Comique transformé dans un mai 68 - débutant en réalité en mars - revu par Richard Brunel, l’actuel directeur général et artistique de l’Opéra de Lyon. Exit les Halles, le salon de mademoiselle Lange, le cabaret de Belleville. Comprenne qui pourra, en totale contradiction avec le livret. Triturer l'histoire c'est bien mais à la condition de lui faire de beaux enfants.

Troublante vision édulcorée de ce mouvement. Quelques calicots et affiches Engagez-vous, Brisons les engrenages, Ce n’est qu’un début, La beauté est dans la rue, La police s’affiche aux beaux-arts pour faire soixante-huitard. Ne surtout pas désespérer Billancourt et Flins avec une chaîne d’assemblage verticale ( ?) de l’iconique quatrelle / Renault 4 L. Ne pas s’asseoir dans le velours rouge du théâtre de l’Odéon mais dans le bleu du cinéma Odéon façon grand escalier «l’ai-je bien descendu » par Clairette Angot / Hélène Guilmette et Mademoiselle Lange / Véronique Gens habillées « demoiselles de Rochefort » par Bruno de Lavenère également le concepteur de la structure tournante ayant quelques difficultés à être mûe.

Une interprétation visuelle à mille lieux de l’évocation du mouvement ouvrier de Billancourt, du mouvement estudiantin circonscrit entre Les Deux Magots et la Sorbonne dans un entre-soi germanopratin d'un hectare. 

La Fille de Madame Angot © Jean-Louis Fernandez.

Pourquoi avoir gommé le Directoire (1795-1799), période dans laquelle les librettistes et le compositeur situèrent l’action, entre l’usage immodéré du « rasoir national » par la Terreur et le Coup d’Etat du 18 brumaire an VIII ? Inculture supposée du public à l’égard de notre histoire ? Ne surtout pas l’obliger à réfléchir. Prendre toujours le virage de tout référencer à l’actualité en tombant sous le diktat de la transposition récurrente dans presque toutes les mises en scène, surtout à Bastille comme avec l'actuel Lohengrin  ?

Seul le costume - un des rares heureux avec celui de Larivaudière - de Ange Pitou / Julien Behr évoque cette transition entre royauté et Empire. Bien lire son livret avant et « les intentions » du directeur musical ET surtout celles du metteur en scène. Le baroqueux Hervé Niquet perçoit cette œuvre telle une comédie musicale, un show avec des chanteurs comme d’authentiques interprètes. Nul doute, les rôles masculins et féminins s’en tirent haut la main et avec bonheur dans leur interprétation. Direction alerte, allègre, emplie de gaité d’Hervé Niquet à la tête de l’Orchestre de chambre de Paris prenant grand plaisir à diriger cette partition aux réminiscences « offenbachiennes » et aux emprunts verdiens dans le chœur des conspirateurs Quand on conspire, / Quand sans frayeur, / On peut se dire / Conspirateur.

Considérons cette musique telle une curiosité dont l’on a peine à imaginer aujourd’hui sa popularité. Mais, il y a 150 ans, les femmes tenaient tête aux hommes dans le livret. Clairette Angot, jouant la fille laissant croire qu’elle ne sait rien mais parfaitement libre de choisir comme mari Pomponnet / Pierre Derhet puis de donner un coup de canif au contrat de fidélité en lorgnant Ange Pitou. Mademoiselle Lange intriguant avec le contre-révolutionnaire Ange Pitou pour faire tomber le gouvernement, parfaite manipulatrice de ses deux amants le directeur Paul Barras [toujours évoqué] et le financier Larivaudière / Matthieu Lécroart, patron de Renault !

© Le Curieux des arts Gilles Kraemer, 25 septembre 2023.

Dans les habits – pas terribles les habits, chemise robe puis salopette et drapeau rouge – de la fille Angot, Hélène Guilmette avec beaucoup d’abattage et de conviction. Mais quel non respect de la soprano en lui demandant de chanter dans un mégaphone ? Certes, cela peut apparaître comique mais n’en demeure pas moins une lubie du metteur en scène ! Fera-t-il la même chose dans L’Affaire Makropoulos, chez lui, à Lyon ? Pomponnet / Pierre Derhet, « un cœur à prendre », certes un peu benêt s’en tire très bien, d’une drôlerie inénarrable avec Matthieu Lécroart / Larivaudière, très maître de lui, dans leur duo de l’acte III.

Julien Behr dans Ange Pitou, très bien en aristo. Face à Véronique Gens / Mademoiselle Lange, très chic, beaucoup d’abattage doublée d’une parfaite comédienne.

© Le Curieux des arts Gilles Kraemer, 25 septembre 2023.

C’est tout à l’honneur de l’Opéra Comique d’avoir remis à l’honneur cette Fille mais… était-ce vraiment avec une telle mise en scène... peu encline à réveiller l'histoire de Clairette et de lui offrir notre cœur .

 

La Fille de Madame Angot, opéra-comique en trois actes de Charles Lecocq, livret de Clairville, Paul Siraudin et Victor Koning. Créé aux Fantaisies-Parisiennes (Bruxelles) le 4 décembre 1872. Créé le 21 février 1873 aux Folies-Dramatiques (Paris). Crée le 28 décembre 1918 à l’Opéra-Comique

Opéra Comique - Paris

27, 29 septembre, 1er, 3 et 5 octobre 2023

Opéra Comique | Spectacles et réservations (opera-comique.com)

 

direction musicale Hervé Niquet

orchestre Orchestre de chambre de Paris / chœur Le Concert Spirituel

mise en scène Richard Brunel

dramaturgie Catherine Ailloud-Nicolas / décors et costumes Bruno de Lavenère

lumières Laurent Castaingt / chorégraphie Maxime Thomas, Thomas Giubergia

Clairette Angot Hélène Guilmette soprano  /  Mademoiselle Lange Véronique Gens soprano

Pomponnet Pierre Derhet ténor  /  Ange Pitou Julien Behr ténor

Larivaudière Matthieu Lécroarter baryton  

Amarante / Hersilie Floriane Derthe soprano / Ludmilla Bouakkaz soprano

Louchard Antoine Foulon baryton-basse

Trénitz, un incroyable Geoffrey Carey

Cadet / un officier / Buteux / Guillaume Matthieu Walendzik baryton

Buteux (phrases parlées) François Pardailhé

Production Théâtre national de l'Opéra-Comique / coproduction Palazzetto Bru Zane Venise, Opéra national de Lyon, Opéra Nice Côte d’Azur, Opéra Grand Avignon

 

Tag(s) : #Opéra et Musique
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