Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Publié par Gilles Kraemer

 

Paul Cézanne, Les Baigneurs au repos, vers 1875-1876. Huile sur toile 38 x 45,8 cm. Signature en bas à gauche en rouge [Cezanne]. Collection des Musées d'art et d'histoire de la Ville de Genève. Dépôt de la Fondation Jean-Louis Provost. La toile a appartenu à Victor Choquet puis à sa veuve née Marie Buisson © Photo Bettina Jacot-Descombes.

Il marche, il marche, un pas après l'autre, usé physiquement.

Que de fois Paul n'a-t-il parcouru la campagne aixoise, tournant sans cesse autour de la montagne Sainte-Victoire, se mesurant à elle, la regardant de longues heures avant de peindre ce monument de la nature dont l'ultime série sera celle des vues depuis les Lauves. Ce combat interrogatif du paysage jusqu'à l'ultime moment - comme sa scrutation permanente du portrait -, il ne cessera de le mener jusqu'à ce jour d'octobre.

Un pas, encore un pas. Le dernier.

Le marcheur impénitent s'effondre. Surpris par l'orage alors qu'il peignait sur le motif, il perd connaissance. Paul Cézanne s'éteint d'une pleurésie le 22 octobre 1906 dans cette ville d'Aix-en-Provence dans laquelle il était né 67 ans auparavant.

Paul Cézanne, Le Jeu de cache-cache, d’après Lancret, 1862-64. Huile sur toile, 165 x 218 cm.. Nakata Museum, Hiroshima. Exposé à Bâle en 1957, Londre en 1964, Tokyo en 1997 et 2012. Remerciements service de presse de la Fondation Pierre Gianadda.

Point d'orgue de cette exposition qui lui est consacrée, autour de la thématique du paysage - avec quelques portraits et natures mortes -, une de ses dernières toiles, exposée à côté des montagnes Sainte-Victoire : Le Cabanon de Jourdan. Œuvre émouvante puisqu'une des ultimes, comme les deux Jardinier Vallier, comme la mise en suspense de tableaux non terminés. Work in progress. La conclusion de la trajectoire solaire cézanienne.

Daniel Marchesseau, le commissaire et chef d'orchestre de cette lumineuse symphonie, perçoit ce Cabanon, tel un cheminement dans le 20ème siècle vers Nicolas de Staël, celui des années 1952-1953. Face à cet Omega cézannien, l'Alpha avec deux toiles provenant du grand salon de la demeure familiale le Jas de Bouffan : la Chute d'eau (1862-1864) jamais vue et Le Jeu de cache-cache, d'après Lancret (1862-1864), venu du Japon et montré seulement deux fois hors de ce pays. Face à leur gaucherie et naïveté, la mise en espace est juste, la chromatique étudiée.

Caractéristique de cette brillante monstration, nombre d'œuvres présentées dans cette exceptionnelle réunion de 104 numéros de 1862 à 1906, dont 23 sur papier, ont été peu vues. 35 prêteurs institutionnels et nombre de privés pour une incontournable exposition.

Paul Cézanne, Cinq Baigneuses, 1877-1878. Huile sur toile, 45,5 x 55 cm Musée National Picasso, Paris. Donation en 1873, RF 1973-61 © RMN-Grand Palais (musée Picasso de Paris) / Mathieu Rabeau. Cette toile a appartenu en premier à Auguste Pellerin.

Paul Cézanne. Qui était Cézanne ? Cezanne devrait-on écrire après avoir lu le propos de François Chedeville dans le catalogue, selon lequel la graphie cézanienne est celle de la non présence de l'accent aigu sur le premier "e". Regardez la signature des Baigneurs au repos, une de ses rares toiles signées. Nul accent ! Ces baigneurs et baigneuses - sept toiles sont réunies sur le même mur ! -, autant d'étapes vers les Grandes baigneuses de la Fondation Barnes, est la plus mystérieuse et sensuelle série de ce peintre admiré et collectionné par les autres peintres. Maurice Denis possédait les Baigneurs du musée d'Orsay et Picasso, l'homme du château de Vauvenargues, au pied de Sainte-Victoire, les Cinq baigneuses acquises en 1954 ainsi que Château noir (1905) présenté ici aussi.

Cet artiste on croit le connaître mais sa personnalité est secrète, à l'image de son corpus peint peu étendu - 1 000 - face à celui de 4 000 de Renoir. Comme Armand Guillaumin, un des grands oubliés de la peinture en France (une exposition pourrait-elle être programmée en 2017, centenaire de sa mort ?), il n'avait nul besoin de marchands pour vivre. Solitaire, bougon, cultivant savamment son accent provençal, se permettant d'oublier Paris, dans le souci de se complaire librement de ses mouvements. De parcourir la région de Pontoise et d'Auvers-sur-Oise, la Provence, de ressentir ce contact si fort avec son pays.

Paul Cézanne, Le Village des pêcheurs à l'Estaque, 1867-1869 (1870). Huile sur toile, 42 x 55 cm © Philadelphia Museum of Art Philadelphia, Promised gift from a private collector. Cette toile des collections Eugène Blot et Auguste Pellerin, passée entre les mains d'Ambroise Vollard, fut exposée pour la première fois en 2003-2004 à Trévise, Italie, pour L'oro e l'azzurro. I colori del Sud da Cézanne a Bonnard.

Solitaire il l'est. Ce n'est pas un homme de théorie, "impressionniste par friction et non par fraction" comme le souligne Daniel Marchesseau. Son exigence et sa rigueur sont son travail continuel. Il cherche, il trouve, il abandonne, il reprend.

Cet homme, mélomane aussi, - Jeune fille au piano - Ouverture de Tannhaüser (1869-1870) - ouvre son siècle comme Malher le fera avec Le Chant de la terre (1908), sous-titre de cette magistrale exposition, celle du rapport profond et viscéral du natif d'Aix avec la terre. Son osmose avec la nature dans son acte créatif est comme une copie du rythme des saisons, il réfléchit, il prend son temps. La toile peut demander plusieurs années tel Le Village des pêcheurs à l'Estaque (1867-1869 -1870) du Philadelphia Museum of Art (possesseur de Nu descendant l'escalier n°2 de Duchamp). Cette huile, exposée une seule fois en Europe depuis 1870, trouble par sa contre-plongée vers le port, étonnante de modernité dans cette approche nouvelle influencée par des estampes japonaises, un hymne à l'essor économique de ce port fondé sous Napoléon III et à l'activité traditionnelle de fabrique de tuiles. La tuile faite d'un mélange de sable et de... terres.

Approche japonaise renouvelée dans Le Bassin du Jas de Bouffan (vers 1878) avec son réservoir aux reflets vue en contre-plongée dans une perspective décalée en trois plans ou Les Marronniers du Jas de Bouffan (1885) dans le rythme de la verticalité des cinq arbres séparant l'espace. Cette toile appartint à Joachim Gasquet, collectionneur de 33 toiles de Cézanne et biographe du maître puis au dramaturge Henri Bernstein.

Paul Cézanne, Le Bassin du Jas de Bouffan, vers 1878 Huile sur toile 73,7 × 59,7 cm Collection Albright-Knox Art Gallery, Buffalo Fellows for Life Fund, 1927 anc. coll. Alphonse Kann puis Jos Hessel.

Cette toile fut acquise chez Bernheim Jeune en 1911 par le connoisseur Alphonse Kann (1870-1948). Ce fils de banquier autrichien arrivé à Paris à l’âge de dix ans fut le camarade de classe de Marcel Proust. Surnommé "le prince des collectionneurs", il réunit dans sa demeure de Saint-Germain-en-Laye, une collection de peintures, du XVIIIe siècle à Picasso. Il posséda jusqu’à 34 toiles de Cézanne © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse de l'exposition Cézanne. Le Chant de la terre, Fondation Pierre Gianadda, Martigny, juin 2017.

 

 

 

À gauche, Paul Cézanne, La Conversation, 1870-1871. Huile sur toile, 92 x 73 cm.. Collection particulière, prêt par l'intermédiaire de la galerie Berheim-Jeune, Paris. À droite, Paul Cézanne, Madame Cézanne à l'éventail, vers 1886-1888. Huile sur toile, 92,5 x 73 cm.. Fondation Collection E.G. Bührle, Zurich © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse de l'exposition Cézanne. Le Chant de la terre, Fondation Pierre Gianadda, Martigny, juin 2017.

Un peintre pour les peintres ou les écrivains, collectionné par ceux-ci, percevant toute sa modernité tels Paul Gauguin et Édouard Vuillard possesseurs de Montagnes en Provence (Le Barrage de François Zola) (vers 1879), Edgar Degas, autre grand solitaire Verre et pommes ((1879-1880) ou Octave Mirbeau La Partie de campagne (1876-1877). Matisse possesseur de cinq toiles dont Trois baigneuses (1876-1877) qu'il offrit à Paris, aujourd'hui au musée du Petit Palais. Picasso quatre. Comment de pas songer que Pablo lorsqu'il peignit Gertrude Stein en 1906 dans son atelier du Bateau-Lavoir avait en tête le portrait tutélaire de Madame Cézanne à l'éventail (vers 1878-1888) appartenant à Gertrude, exemple de filiation artistique, non sur le plan stylistique mais d'une représentation. Une nouvelle voie offerte au malacitain par le provençal. 

Sans Cézanne, l'arpenteur du monde dans son appétence physique de la terre, la peinture serait-elle la même ? Magistrale démonstration à la Fondation Pierre Gianadda que non.

Gilles Kraemer

Cézanne - Le Chant de la terre

16 juin – 19 novembre 2017

Fondation Pierre Gianadda - Martigny - Suisse. L'aller-retour en train est facile dans la journée depuis Paris - gare de Lyon.

Commissariat de Daniel Marchesseau

Internet www.gianadda.ch/ et Internet du catalogue raisonné en ligne www.cezannecatalogue.com

Catalogue. Préface de Léonard Gianadda, Augustin de Butler : Renoir et Cézanne (1865-1881), Stéphanie Chardeau-Botteri : Cézanne et Guillaumin, les années de jeunesse, Denis Coutagne : Chemin-Cézanne, Claudine Grammont : Les Cézanne de Matisse, Stéphane Guégan : Bienheureux Cézanne, retour sur les années 1860, Geneviève Lacambre : Cézanne et le Japon, Dominique Lobstein : La portée d’une révélation, la réception critique de l’exposition Cézanne au Salon d’automne de 1904, Daniel Marchesseau : Collectionner Cézanne, Sylvie Patin : Cézanne et Monet, Alain Tapié : Cézanne, la pensée peinte. 302 pages. 250 illustrations. Prix : CHF 39; 35,50 €.

Deux autres expositions Cézanne cet été. Portraits de Cézanne au musée d'Orsay. 13 juin - 24 septembre 2017. Commissariat de John Elderfield, Mary G. Morton et Xavier Rey. 60 peintures, 4 dessins et 2 carnets de dessins. Comme une prolongation de l'exposition Madame Cézanne au Metropolitan Museum of Art, New York. 19 novembre 2014 - 15 mars 2015 ayant réuni 24 portraits peints sur 29  et 18 œuvres sur papier représentant madame Paul Cézanne. Cézanne révélé. Du carnet de croquis à la toile au Kunstmuseum, Bâle.

Vue de l'exposition Portraits de Cézanne, Musée d'Orsay, Paris. Au premier plan, Portrait de Madame Cézanne (vers 1890). Huile sur toile, 81 x 61 cm.. Musée de l'Orangerie, Paris, collection Jean Walter - Paul Guillaume © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse, 12 juin 2017.

 

Vue de l'exposition Madame Cézanne, MET, New York. Au premier plan, Madame Cézanne dans la serre (1891). Huile sur toile, 92,1 x 73 cm.. MET, New York, Bequest of Stephen C. Clark, 1960 © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Metropolitan Museum of Art, New York, 30 novembre 2014.

 

© Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse de l'exposition Cézanne. Le Chant de la terre, Fondation Pierre Gianadda, Martigny, juin 2017.
© Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse de l'exposition Cézanne. Le Chant de la terre, Fondation Pierre Gianadda, Martigny, juin 2017.
© Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse de l'exposition Cézanne. Le Chant de la terre, Fondation Pierre Gianadda, Martigny, juin 2017.
© Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse de l'exposition Cézanne. Le Chant de la terre, Fondation Pierre Gianadda, Martigny, juin 2017.
© Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse de l'exposition Cézanne. Le Chant de la terre, Fondation Pierre Gianadda, Martigny, juin 2017.
© Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse de l'exposition Cézanne. Le Chant de la terre, Fondation Pierre Gianadda, Martigny, juin 2017.
© Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse de l'exposition Cézanne. Le Chant de la terre, Fondation Pierre Gianadda, Martigny, juin 2017.
© Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse de l'exposition Cézanne. Le Chant de la terre, Fondation Pierre Gianadda, Martigny, juin 2017.
© Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse de l'exposition Cézanne. Le Chant de la terre, Fondation Pierre Gianadda, Martigny, juin 2017.
© Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse de l'exposition Cézanne. Le Chant de la terre, Fondation Pierre Gianadda, Martigny, juin 2017.
© Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse de l'exposition Cézanne. Le Chant de la terre, Fondation Pierre Gianadda, Martigny, juin 2017.
© Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse de l'exposition Cézanne. Le Chant de la terre, Fondation Pierre Gianadda, Martigny, juin 2017.
© Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse de l'exposition Cézanne. Le Chant de la terre, Fondation Pierre Gianadda, Martigny, juin 2017.
© Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse de l'exposition Cézanne. Le Chant de la terre, Fondation Pierre Gianadda, Martigny, juin 2017.
© Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse de l'exposition Cézanne. Le Chant de la terre, Fondation Pierre Gianadda, Martigny, juin 2017.

© Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse de l'exposition Cézanne. Le Chant de la terre, Fondation Pierre Gianadda, Martigny, juin 2017.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
J
For information
Répondre
S
Excellent cher G5 !
Répondre
G
de rien JMS