Maurizio Cattelan bat le rappel à Paris
Maurizio Cattelan, Sans titre, 2003. Corps en résine, cheveux synthétiques, vêtements, éléments électroniques, tambour en acier. 80 x 85 x 56 cm. Photographie Zeno Zotti. Courtesy Galerie Massimo De Carlo
Vous n'aurez aucune surprise si vous savez l'œuvre de votre Padouan sur le bout des doigts.
Ces 18 œuvres de Maurizio Cattelan vous les connaissez toutes. La moins visible est celle attachée au mât, sur le toit du bâtiment. Comme annoncé sur les calicots, à l'extérieur, "paradoxal", "passionnel", "caché", "libre", "moqueur", tel va se révéler Maurizio, à l'étonnement perpétuel.
Au visiteur à le retrouver allongé, accroché à une porte, émergeant du plancher, assis sur une corniche à côté des pigeons vénitiens ou parisiens. Il est partout, nous surveille. Un drôle d'artiste, n'hésitant pas à se mettre en situation pour sans cesse nous surprendre.
Vues de l'exposition All, Guggenheim Museum, New York © photographies Le Curieux des arts Gilles Kraemer, New York, 22 janvier 2012
Avec All au Guggenheim Museum de New York à l'hiver 2011-2012, Maurizio Cattelan (né en 1960) avait-il tout dit après l'exposition de ses sculptures posées sur des plateaux suspendus dans l'immense puits de lumière de la rampe hélicoïdale de l'institution new yorkaise ? Devait-on vraiment le croire lorsqu'il disait quitter la scène du monde de l'art ?
Quatre ans et demi plus tard, le voici de retour sur la scène de l'art, après la présentation en 2013 de cinq chevaux à la fondation Beyeler à Bâle. À la Monnaie de Paris, dans le temple de l'argent, là où l'on frappe la monnaie. Le come-back parisien, sous le commissariat de Chiara Parisi,
Maurizio Cattelan, We, 2010. Résine polyester, polyuréthane, peinture, cheveux naturels, vêtements, bois. 68 x 148 x 78,7 cm. © photographie Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse de l'exposition Maurizio Cattelan Not Afraid of Love, Monnaie de Paris, 18 octobre 2016. Courtesy Galerie Perrotin
D'une façon teintée d'humour, Cattelan évoque "une exposition post requiem. Comme dans la nouvelle de Poe, je fais semblant d’être mort, mais je peux encore voir et entendre ce qui se passe autour" dans un choix d'œuvres emblématiques générant toujours surprise ou fascination. "Mes œuvres sont moins drôles qu’elles n’y paraissent. On me colle cette étiquette depuis mes débuts, mais je suis beaucoup plus sérieux que l’on croit et j’établis moins de second degré que ce que ma réputation laisse penser. Ce qui a pu ressembler à une blague par le passé paraît aujourd’hui beaucoup plus sérieux".
Maurizio Cattelan, La Nona Ora, 1999. Résine polyester, cire, pigment, cheveux naturels, tissu, vêtements, accessoires, pierre, moquette. Dimensions variables © photographie Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse de l'exposition Maurizio Cattelan Not Afraid of Love, Monnaie de Paris, 18 octobre 2016
Dès l’entrée, dans le grand escalier, face à vous la christique Donna Crocefissa (2007) dans sa boîte en bois donne le la du choix des sculptures-interventions perturbantes de Cattelan. Suspendu Novecento (1997), le cheval que vous découvrirez au retour de cet escalier d'honneur. Assis au bord du vide de la coupole du salon d'honneur, le tamburino (2003) - un enfant ne cessant de taper par saccades sur son tambour comme dans le film éponyme de Volker Schlöndorff (1979) - surplombe la sculpture emblématique, largement diffusée, magistrale de La Nona Ora (1999), celle du pape Jean-Paul II portant la croix, au sol, les jambes écrasées par une météorite. Tout au bout de l'enfilade des salons, Him, ce que l'on supposerait un innocent enfant agenouillé, se recueillant face à un mur se révèle, vu de face, Hitler dans toute la force de son pouvoir ! Aussi surprenant que Charlie Don't Surf (1997), un enfant à la tête jaune, assis devant sa table d'écolier, lui aussi vu de dos, mais il ne peut bouger, deux crayons plantés dans ses mains l'immobilisent.
Maurizio Cattelan, Senza titolo, 2001. Mannequin en cire, cheveux naturels. 150 x 60 x 40 cm. © photographie Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse de l'exposition Maurizio Cattelan Not Afraid of Love, Monnaie de Paris, 18 octobre 2016
Une tête jaillit du sol. C'est celle hilare de Cattelan venu comme pour détendre l'atmosphère, en joyeux trublion; à y regarder de plus près, vous ne voyez qu'une infime partie de cette sculpture pour laquelle il a fallu percer le plancher; en réalité Cattelan est debout sur un tabouret, regardant autour de lui.
All (2007), neuf gisants sculptés en marbre de Carrare posés sur le sol, drapés dans un linceul blanc, induisent une réflexion sur la mort alors que Senza Titolo (2007) cheval dont la moitié du corps disparaît dans le mur, renvoie vers la fragilité de la toute puissance. Rire et mort ne font qu'un.
" Même pas peur" se plaisent à dire les enfants pour cacher leur angoisse... . " Même pas peur " pourraient dire les adultes, eux-aussi ! Et, l'amour dans tout ceci ?
Gilles Kraemer
Ce texte a été publié sous un format réduit dans la revue Artaissime, numéro 14, octobre-décembre 2016 sous le titre Le come-bak parisien de Maurizio Cattelan
Maurizio Cattelan. Not afraid of Love
22 octobre 2016 – 8 janvier 2017
Monnaie de Paris
11, Quai de Conti 75006 Paris
Commissariat de Chiara Parisi, directrice des programmes culturels de cette institution. Sa dernière exposition dans cette institution, puisque la voici maintenant chargée du commissariat pour les expositions d'art contemporain de l'académie de France à Rome. villamedici.it/fr/villa-medicis/organisation/personnel
Exposition Maurizio Cattelan Not Afraid of Love, Monnaie de Paris,© photographies Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse de l'exposition Maurizio Cattelan Not Afraid of Love, Monnaie de Paris, 18 octobre 2016
Remerciements à Emmanuel Perrotin © photographie Le Curieux des arts Gilles Kraemer, exposition Maurizio Cattelan Not Afraid of Love, Monnaie de Paris, 18 octobre 2016. perrotin.com/fr/artists/Maurizio_Cattelan