Lion d'or pour la meilleure participation nationale au Pavillon de la république de l'Arménie. 56ème Exposition internationale d'Art de la biennale de Venise 2015 (III)
Hrair Sarkissian, Unexposed, 2012. Archival inkjet print. 137.5 x 110 cm.. Présentation dans le Pavillon national de la république d'Arménie, Monastère Mekhitariste, île de San Lazzaro degli Armeni, Venise © Le Curieux des arts Antoine Prodhomme, journée presse, 6 mai 2015, Biennale de Venise, 56e exposition Internationale d'Art
Combien étions nous ce mercredi 6 mai 2015 vers 17h30 à la conférence presse de la présentation du Pavillon de la république de l'Arménie, lors de cette première journée de ce marathon de trois jours, entre Giardini, Arsenale et la ville, pour voir ou essayer de visiter les 89 Pavillons nationaux de cette Biennale vénitienne avancée cette année, en mai, pour coïncider avec l'Exposition universelle à Milan ?
Difficile de faire un choix. Des solutions existent : écouter les uns, les autres, décider de ne pas se rendre à tel ou tel endroit, y aller. Une habitude de la biennale, qu'elle soit d'architecture ou d'art permet de ''sentir'' où se déplacer obligatoirement, peut être, éventuellement ou pas du tout.
Le jeu de la marguerite à pratiquer tous les matins, avant de partir, se révèle indispensable.
Monastère Mekhitariste, île de San Lazzaro degli Armeni © Le Curieux des arts Antoine Prodhomme, journée presse, 6 mai 2015, Biennale de Venise, 56e exposition Internationale d'Art
Vaporetto spécial depuis les Giardini vers le monastère mekhitariste de l'île di San Lazzaro degli Armeni, situé entre le bacino di San Marco et le Lido. Depuis 1717 une communauté religieuse arménienne, établie par le moine Mekhitar, y est installée. Dix passagers dans le vaporetto !
Peu de monde à cette conférence de presse en plein air, moins d'une centaine ce mercredi. Manifestement se pressentait que ce pavillon serait le favori cette année importante, comme le soulignera le jury, celle du centenaire de la commémoration du génocide arménien. Infime surprise, ce samedi 9 mai; lorsque le prix, celui du Lion d'or pour la meilleure participation nationale, lui sera décerné. Sans provoquer beaucoup d'étonnement, ignorant les trois arbres de la France ou les clés du Japon, deux Pavillons de rêverie très visités et commentés comme le furent ceux des États-Unis ou de la Norvège. Par contre aucune rumeur sur le Pavillon du Tuvalu très fort et très puissant, situé à l'Arsenale.
Dans ses motivations, le jury de cette 56e biennale notait que ce pavillon était « consacré à un peuple en diaspora, où chaque artiste se confronte non seulement à l'endroit où il vit mais aussi à son héritage culturel. Ce pavillon prend la forme d'un palimpseste avec des éléments contemporains insérés dans un endroit du patrimoine historique. En cette année importante pour le peuple arménien, ce pavillon représente la ténacité de la confluence et les changements transculturels.».
Aucune polémique comme le fut, celle de 2013, lorsque ce prix fut décerné au Pavillon de l'Angola – dont c'était la première participation vénitienne – ayant élu demeure dans les salons du palazzo Cini, disposant en tas les photographies d'Edson Chagas pour une reconstitution d'un catalogue idéal offerte à chaque visiteur, face aux peintures des écoles de la Renaissance de Ferrare (magnifique Dosso Dossi) et de Florence (ah le Pontormo!), de primitifs toscans. Que n'entendit-on pas sur les considérations économiques du choix de Luanda, Encyclopedic City ?
Hrair Sarkissian, Unexposed, 2012. Archival inkjet print. 137.5 x 110 cm.. Pavillon national de la république d'Arménie, Monastère Mekhitariste, île de San Lazzaro degli Armeni, Venise © Le Curieux des arts Antoine Prodhomme, journée presse, 6 mai 2015, Biennale de Venise, 56e exposition Internationale d'Art
Ambiance de sérénité en cet endroit très peu visité des touristes et totalement inconnu des amateurs de la contemporanéité ; le déplacement vers l'île de San Lazzaro, accueillant le Pavillon de la république de l'Arménie : Armenity. Artistes contemporains de la Diaspora Arménienne, se mérite. Dix-huit artistes exprimant la mémoire et l'identité de leurs origines, réinventant leur arménité, choisis par Adelina Cüberyan von Fürstenberg, du libanais Haig Aivazian (Hastayim Yaşiyorum (I am sick, but I am alive)) au syrien Hrair Sarkissian (Unexposed (2012)).
Comme une main tendue vers l'autre, les photographies d'Hair Sarkissian (né en 1973 à Damas) vous accueillent à l'entrée, dans une des salles autour du cloitre. Le sujet ? « Les descendants des arméniens qui se convertirent à l'Islam pour échapper au génocide. Aujourd'hui ayant redécouvert leurs racines et s'étant reconvertis, ces descendants sont forcés de garder secrète leur arménité retrouvée ». Ne se voient que leurs mains, leurs pieds, leurs ombres émergeant d'un noir très fort, images magnifiques n'ayant nullement besoin d'explication pour exprimer qu'ils sont « rejetés par la société turque et acceptés seulement en partie par la communauté arménienne. Ils restent invisibles. ». Regardez et l'on comprend de suite la douleur dans cette négation de la représentation physique du corps. Très très fort. Mon coup de cœur.
Melik Ohanian, Presence - Belongingness to Present – Part I. Streerlights of memory, A Stand-by Memorial (2010-2015). Pavillon national de la république d'Arménie, Monastère Mekhitariste, île de San Lazarro degli Armeni, Venise © Le Curieux des arts Antoine Prodhomme, journée presse, 6 mai 2015, Biennale de Venise, 56e exposition Internationale d'Art
Pièce impressionnante : la grande sculpture de Melik Ohanian (né en 1969 à Paris), au ponton du vaporetto : Streerlights of memory, A Stand-by Memorial (2010-2015) dans l'état où elle se trouve actuellement, prévue pour un espace public de Genève. Pour cette biennale, l'installation présente 87 éléments de bronze et d'aluminium peints de blanc, démantelés, qui constituent l'œuvre finale : Les Réverbères de la Mémoire – . Comme le nom l'indique des réverbères en plusieurs morceaux, en de multiples ramifications et circonvolutions.
Hera Buyuktasciyan, Letters from Lost Paradise, 2015. Mécanisme, bronze, bois. 64 x 100 x 85-90 cm. (front), 110 – 115 cm (back). Présentation dans le monastère Mekhitariste, île de San Lazarro degli Armeni, Venise. Courtesy the artist © Piero Demo
Dernière pièce en parfaite osmose avec ce lieu qui fut une importante imprimerie et rémanence du séjour vénitien de lord Byron qui fréquenta cet endroit et y apprit la langue arménienne : Letters from Lost Paradise d'Hera Buyuktasciyan (née en 1984 à Istanbul) comme en rappel à cette langue arménienne que Byron définissait comme la langue du Paradis perdu. Son installation mécanique - des corps en bois de typographie entrant et sortant d'une table - dans la bibliothèque, compose indéfiniment une phrase en anglais en utilisant des caractères arméniens.
Passé, présent et futur se rejoignent dans ce silencieux monastère.
Gilles Kraemer & Antoine Prodhomme (déplacement et séjour à titre personnel à Venise)
Hera Buyuktasciyan, Letters from Lost Paradise, 2015. Mécanisme, bronze, bois. 64 x 100 x 85-90 cm. (front), 110 – 115 cm (back) Pavillon national de la république d'Arménie, Monastère Mekhitariste, île de San Lazarro degli Armeni, Venise © Le Curieux des arts Antoine Prodhomme, journée presse, 6 mai 2015, Biennale de Venise, 56e exposition Internationale d'Art