Pierre Soulages à Rodez. Le noir en lumière
Le musée Soulages : une architecture haute-couture au service des donations Pierre et Colette Soulages. Ce samedi 31 mai 2014, avec l'ouverture au public de ce musée à Rodez - 15 000 visiteurs en deux jours -, la fin d'une aventure de sept années pour le cabinet d'architectes RCR Arquitectes (Rafael Aranda, Carme Pigem et Ramon Vilalta), Gilles Trégouët architecte associé, en collaboration avec Passelac & Roques architectes associés, se scellait.
Avec l'accompagnement et la collaboration étroite, pendant toutes ces années, de Pierre Soulages qui avait accepté que ce musée porte son nom à la condition qu'il soit doté d'une salle de 500 m² offerte à des expositions temporaires d'artistes modernes et contemporains. « Sans avoir à participer à la programmation des futures expositions de cette salle ouverte à la seule liberté des organisateurs » tient-il à préciser. Ces échanges permirent d'affiner les volontés initiales et de régler cet écrin à la mesure des œuvres montrées, dans une architecture qui soit à la fois présente et au service de la qualité exceptionnelle des œuvres offertes.
Pierre Soulages // Pierre & Colette Soulages © Le curieux des arts Gilles Kraemer, journée presse 28 mai 2014
La belle aventure débuta en septembre 2005 lorsque Pierre Soulages et son épouse Colette décidèrent d'une donation de 500 œuvres (peintures sur toile et sur papier, totalité de l'œuvre imprimé ainsi que des cuivres d'eaux-fortes, bronzes, peintures incluses dans le verre, totalité des travaux préparatoires aux vitraux de l'abbatiale Sainte-Foy de Conques) à la communauté d'agglomération du Grand Rodez en contrepartie de l'édification d'un musée. Ce don, le couple Soulages le réitèrera généreusement à l'automne 2012 avec 14 peintures sur toile, de 1946 à 1986. En cette année d'ouverture, Pierre et Colette ont effectué un dépôt d'œuvres.
« Ce musée est totalement impliqué dans la topographie ruthénoise et le jardin du Foirail où il est édifié, encastré dans la pente, dans la conservation d'une échelle intime » souligne Gilles Trégouët, l'un des architectes. Cette construction n'est pas uniquement un bâtiment de différents volumes abritant les œuvres de la donation mais un lieu pensé, dès le départ, en fonction des œuvres de l'artiste, de leur format, de leur technique, des conditions de lumière, dans un parcours rythmé et différencié par les relations avec les œuvres, tenant compte d'un éclairage contrôlé et d'un espace intime pour les œuvres sur papier, de la lumière et d'un espace volumétrique important pour les toiles. Nulle contrainte dans le parcours muséographique : les premières peintures, les Brous de noix, les estampes, les peintures sur papier et sur toile, les Outrenoirs et la salle à l'éclairage zénithal toute en longueur de Conques, « l'esprit même de ce musée » pour Benoît Decron, directeur des musées du Grand Rodez, car à l'origine Pierre Soulages proposa d'offrir à Rodez les 104 cartons de travail des vitraux de l'abbatiale. Ce parcours, l'on peut s'en affranchir, en élaborant son propre itinéraire dans ce lieu fait sur mesure, de la haute-couture architecturale au service des donations Pierre et Colette Soulages, « dans cette tension entre présence et absence du bâtiment pour la meilleure lecture des pièces présentées » ajoute Gilles Tregouët.
Musée Soulages Rodez 2014 © Grand Rodez C. Méravilles
Le musée, implanté au cœur de la cité, dans le jardin du Foirail, non loin de la cathédrale et du 4 de la rue Cambarel où Pierre Soulages naquit la veille de Noël 1919 – il rappelle que son patronyme existait en pays ruthénois au XIe siècle -, étire ses cinq volumes parallèles. Revêtues d'acier Corten auto-oxydant créateur d'une patine protectrice, les façades du bâtiment, par leur aspect rouillé dans des teintes de brou de noix, de noir et d'orangé, ne sont pas sans évoquer les nuances des couleurs de l'artiste et le grès rose des bâtiments de la cité. A l'intérieur, parquets de métal inox ciré, murs d'acier noir décapé brut et vitrines en métal.
L'architecture croise l'œuvre rigoureuse de Soulages, ce grand artiste, à l'humour si taquine qui répond à la question « Qu'est-ce que cela vous fait d'être aujourd'hui le plus grand peintre français? » par un « Oui..., par la taille, 1,90 m! », avant de rajouter modestement à une autre interrogation : « La seule chose que j'ai à dire de ma peinture, c'est d'aller la voir ».
Alors, écoutez le et partez pour Rodez.
Musée Soulages © Le curieux des arts Gilles Kraemer, journée presse 28 mai 2014
Pour visiter son musée mais aussi aller à la rencontre des lieux qui formèrent ses premiers émois artistiques, pour y retrouver ses moments d'enfance. Les paysages des grands plateaux déserts de l'Aubrac naturellement. Les statues-menhirs en grès (entre 3300 et 2200 avant notre ère) du musée Fenaille dont il ne faut pas imaginer qu'il les découvre telles qu'elles sont présentées aujourd'hui, mises en valeur dans la lumière de cet établissement réouvert en 2002 après réhabilitation. Lorsqu'il les voit, à la fin des années 1930, elles se trouvent dans deux petites pièces, au rez-de-chaussée, les unes à côté des autres, éclairées par des luminaires posés au sol. Participant dans sa jeunesse à des chantiers de fouilles archéologiques de la région, il pourra dire que son nom entra très tôt dans ce musée ; celui-ci figure sur un cartel, accolé à celui de ses camarades, pour un fragment de vase et des perles (3300 – 2200 avant J.-C.).
Et pour Conques aussi, dont il évoque « l'architecture de son abbatiale, impressionné [qu'il fut] par la compacité de ce bâtiment, la force et la grâce de la verticalité de la nef, cette architecture singulière avec une dissymétrie étonnante puisque les fenêtres du côté Nord donc du côté sombre sont plus petites et plus basses que celles face au midi. Au transept, c'est l'inverse, le Nord est plus ouvert ».
Ce village n'est qu'à 40 kilomètres de Rodez. Alors, allez-y pour son abbatiale Sainte-Foy pour laquelle, entre 1987 et 1994, il réalisa, selon Benoît Decron, des « vitraux qui réinventent la lumière ».
Gilles Kraemer
(déplacement à titre strictement personnel pour cette présentation presse)
Quelques statues-menhirs et Statue-menhir dite La dame de Saint-Sernin-sur-Rance (Laval) au premier plan // Statue-menhir de La Verrière (Montagnol), une des préférées de Pierre Soulages - Musée Fenaille / Rodez © Le curieux des arts Gilles Kraemer, journée presse 28 mai 2014t
Musée Soulages
jardin du Foirail - 12000 Rodez
https://musee-soulages.rodezagglo.fr/
Exposition : Outrenoir en Europe. Musées et fondations. Peintures sur toile, de 1979 à 2011. Du 31 mai au 5 octobre 2014. Catalogue, 224 pages. Prix 25 euros. Si, la première exposition temporaire: Les Outrenoir(s), lui est consacrée, la suivante à l'automne 2014 révélera les secrets de l'atelier d'un maître de la taille-douce : Aldo Crommelynck. Atelier qu'il ne fréquenta pas, effectuant les tirages de ses eaux-fortes chez Lacourière, Lacourière-Frélaut, Alain Lambilliotte et chez Moret situé non loin de son atelier parisien. Catalogue. 126 pages, 50 illustrations. Coédition BnF / Musée Soulages – Rodez. Prix 32 euros.
Au printemps 2015, exposition Claude Lévêque. www.lecurieuxdesarts.fr/2015/09/claude-leveque-nous-tape-dans-l-oeil-chez-pierre-soulages.html
Rodez est à 1h 25 de vol depuis Orly. Vous pouvez effectuer l'aller-retour dans la journée comme je l'ai fait, à titre personnel. http://www.hop.com/
Quelques éléments : maîtrise d'œuvre : auteurs RCR Arquitectes (Rafael Aranda, Carme Pigem et Ramon Vilalta) / Gilles Trégouët architecte associé, en collaboration avec Passelac & Roques architectes (architectes associés au projet). NAW, P. Maffre (architecte scénographe),Artec 3, M. Ginés (concepteur lumière) & Y. Lodey (architecte suivi du chantier).
signature du contrat de maîtrise d'œuvre 5 février 2008
première pierre 20 octobre 2010; inauguration vendredi 30 mai 2014; ouverture au public samedi 31 mai 2014
superficie du bâtiment 6600 m²; espaces muséographiques 1700 m²; salle d'exposition temporaire 505 m²
coût de construction 15 727 940 euros H.T.; coût des travaux : 21 460 000 euros H.T.
Café Bras // Michel Bras // & pour le plaisir des yeux : soufflé au vieux Rodez accompagné de feuilles aromatiques diverses, entrée servie lors du déjeuner presse du 28 mai 2014 au Café Bras © Le curieux des arts Gilles Kraemer
Le musée Soulages intègre le Café Bras, conçu par Michel Bras et son fls Sébastien. Pour le plaisir de plats puisant leurs racines dans la cuisine traditionnelle de l'Aveyron et les produits locaux. www.cafebras.fr.