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Publié par Gilles Kraemer

Gilles Kraemer

générale vendredi 26 mai 2023

 

Seulement trois représentations à l’Opéra Comique, pour la création française de cette belle aventure collective comme le souligne son directeur Louis Langrée, dans ce lieu de créations - songer à Carmen et à Lakmé - aujourd’hui Breaking the waves en présence de la compositrice et du librettiste, pour cette histoire d’une densité énorme.

Breaking the waves - Opéra Comique / Sydney Mancasola (Bess McNeill), chœur Aedes © Stefan Brion.   

Breaking the waves, opéra en trois actes, musique de l’étasunienne Missy Mazzoli (1980), livret du canadien Royce Vavrek, d’après le film du danois Lars von Trier (1956), fut créé le 22 septembre 2016 à l’Opéra de Philadelphie, 20 années après le film. Love, Faith puis Ultimatum, projetés sur le rideau de scène, en ouverture de chaque acte, rappellent les découpages d’un film.

Breaking the waves © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Opéra Comique, 26 mai 2023.

Applaudissements chaleureux à l’issue de la générale, partagés entre la fosse électrisée sous la direction de Mathieu Romano, l’intensité fusionnelle du plateau dans la mise en scène de Tom Morris, l’équipe technique de cette merveilleuse mise en images, pour ce drame de l’amour, de la mort rédemptrice. Dans ce topos de la salvation masculine à travers un sacrifice féminin précise le metteur en scène.

Breaking the waves - Opéra Comique / Sydney Mancasola (Bess McNeill), Jarrett Ott (Jan Nyman) © Stefan Brion.

Une musique dans des frôlements émotionnels de Tristan und Isolde, Pelléas et Mélisande et surtout de Peter Grimes, l’histoire de ce pêcheur mis à l'index par son village. Ici, la sublime Sydney Mancasola est la pêcheresse Bess. Un monde où l’eau prégnante et destructrice se mêle aux amours salvatrices dans cette musique de Missy Mazzoli, compréhensible, mélodieuse, émouvante dans les prières de Bess, prenante, laissant sa place à chaque instrument dont une guitare électrique. Une musique qui nous semble classique tellement elle s’épanouit et met en valeur chaque voix. Un public attentif, un silence proprement religieux avant les vagues d’applaudissements quelques secondes après le tomber du rideau.

Breaking the waves - Opéra Comique / Sydney Mancasola (Bess McNeill), chœur Aedes © Stefan Brion.

Missy Mazzoli et Royce Vavrek © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Opéra Comique, vendredi 26 mai 2023.

A la tête de l’Orchestre de chambre de Paris, Mathieu Romano à l’écoute de tous ses musiciens, heureux d’apporter avec eux une des pierres fondatrices de cette création française d’une grande sensibilité. Encore plus dans sa connivence avec l’Ensemble Aedes – il est le fondateur et directeur artistique de ce chœur -, uniquement des hommes passant de l’exacerbation de la pudeur calviniste frisant l’intégrisme aux délices du rut avec Bess, aussi bien dans la voix que dans leur double jeu scénique. Tom Morris sollicite beaucoup le plateau mais il sait respecter les chanteurs et le livret, ne leur demandant pas de chanter dans des positions acrobatiques même dans les scènes violentes. Par certains moments, cette mise en scène m’a fait songer aux fulgurances de Daniel Mesguich dans le Grand Macabre à Garnier et L’Amour des trois oranges ici même il y a quarante années.  

L'équipe technique de Breaking the waves au salut final © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Opéra Comique 26 mai 2023.

Mise en scène accompagnée du décor tournant de Soutra Gilmour, ne permettant aucune coupure des différentes scènes. Travail millimétré de l’équipe technique. D’un côté, l’intérieur du temple, un entremêlement d’escaliers presque ceux de Le nom de la rose, devenant la plate-forme pétrolière plongée dans le rouge lorsque Jarrett Ott / Jan Myman est frappé à la tête par le trépan du forage, cause de sa paralysie. Un instant visuellement extraordinaire. De l’autre, de hautes colonnes, lieux de rencontres labyrinthiques sur lesquelles Will Duke projette ses vidéos de vagues, de granit, d’orgues basaltiques façon grotte de Fingal, sur l'île de Staffa en Écosse. Lumières sublimes de Richard Howell. Un moment rare d’une quadrature du cercle réussie loin de modeuses et lassantes mises en scène privilégiant le lavabo.

Breaking the waves © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Opéra Comique, 26 mai 2023.

Mon corps est la carte de mon amour. Dans les habits de Bess McNeill, Sydney Mancasola illumine ce rôle impressionnant de sa présence presque continue pendant ces 2 heures quinze; elle connaît ce rôle l’ayant interprété à Adelaïde (Australie) et au Festival d’Edimbourg. Elle le vit. Une Bess fragile, aimante, jusqu’à accepter de s’offrir à des hommes pour sauver son mari, jusqu’à séduire le docteur Richardson / Elgan Llŷr Thomas, jusqu’à en mourir, cette mort salvatrice. Union parfaite avec Jan Nyman / Jarrett Ott, l’amour de sa vie, d’une mâle présence physique, sachant donner à sa voix la violence lorsqu’il oblige son épouse à fréquenter d’autres hommes.

Compliments au plateau, de la mère / Susan Bullock à Terry / Mathieu Dubroca, du révérend intraitable et grave Andrew Nolen au marin sadique Pascal Gourgand et au jeune marin Fabrice Foison.

Breaking the waves - Opéra Comique / Sydney Mancasola (Bess McNeill), chœur Aedes © Stefan Brion.

Sur le programme, apparition d’un nouveau métier dans ces temps de polémiques : celui de "collaboration aux mouvements et coordination d’intimité", fonction confiée à Sara Brodie. Est-ce pour oublier les suites de L’Inondation - créée ici même en septembre 2019 dans une mise en scène de Joël Pommerat -, une production qui défraya la chronique judiciaire avec de tristes conséquences. http://www.lecurieuxdesarts.fr/2023/03/triomphale-reprise-de-l-inondation-de-francesco-filidei-a-l-opera-comique.html

Il est vrai que le mot « bite », non la bite d’amarrage, est goulument chanté par Bess, que Jan baisse souvent son caleçon, que les toilettes sont lieu d’un coït quémandé ou subi. Beaucoup de testostérone dans cette prude Écosse.

Une nouvelle profession prise en compte pour la reprise de la mise en scène de Salomé par l’étasunienne Lydia Steier à Bastille au printemps 2024 ? Petite culotte blanche zébrant le plateau de Bastille face à un public atone, sodomies, fellations, lesbianismes et masturbations, cadavres découpés, sang giclant sur la vitre. L’embrouillamini d’une Salomé selon Lydia Steier à l’Opéra Bastille… - (lecurieuxdesarts.fr)

Missy Mazzoli, Breaking the waves, livret de Royce Vavrek, d’après le film éponyme de Lars von Trier

Création mondiale 22 septembre 2016 à l’Opéra de Philadelphie - Création française 28 mai 2023 à l’Opéra Comique

Direction musicale de Mathieu Romano à la tête de l’Orchestre de chambre de Paris

Chœur Ensemble Aedes

Mise en scène Tom Morris

Décors et costumes Soutra Gilmour - Lumières Richard Howell - Vidéo Will Duke - Son Jon Nicholls

Bess McNeill - Sydney Mancasola, soprano

Jan Nyman - Jarrett Ott, baryton

Dodo McNeill - Wallis Giunta, mezzo-soprano

Mother - Susan Bullock, soprano - Dr Richardson - Elgan Llŷr Thomas, ténor

Terry - Mathieu Dubroca*, baryton - Councilman - Andrew Nolen, basse

Sadistic Sailor - Pascal Gourgand*, baryton basse - Young Sailor - Fabrice Foison*, ténor

*membres de l’Ensemble Aedes

Coproduction - Opera Ventures, Scottish Opera, Houston Grand Opera, Opéra-Comique - Avec la collaboration du Bristol Old Vic - Co-presented avec le Edinburgh International Festival en août 2019.

Théâtre national de l’Opéra-Comique – 28, 30 & 31 mai 2023.

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E
pour un bon-jour en Forêts paisibles en: https://www.youtube.com/watch?v=Q4jy2wrjESQ&t=47s
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E
https://www.youtube.com/watch?v=Q4jy2wrjESQ&t=47s<br /> Œuvre‑phare du siècle des Lumières, Les Indes galantes s’apparente à un éblouissant divertissement. Mais le premier opéra‑ballet de Rameau témoigne également du regard ambigu que l’Européen pose sur l’Autre – Turc, Inca, Persan, Sauvage… En 2017, le réalisateur Clément Cogitore signe un film explosif et très remarqué, adaptant un extrait des Indes galantes avec le concours de danseurs de Krump. Avec la chorégraphe Bintou Dembélé, il s’empare cette fois de cette machine à enchanter dans son intégralité pour le réinscrire dans un espace urbain et politique dont il interroge les frontières.
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