55e Biennale de l'art de Venise (1er juin – 24 novembre 2013). Existait-il un parcours idéal pour les 88 Pavillons nationaux, 47 événements collatéraux et 70 expositions ?
Point obligé du départ de ce parcours de la semaine presse, au pas de course : les Giardini et à l’Arsenale pour l'Exposition internationale, commissariat de Massimiliano Gioni. Le thème retenu était Il Palazzo Enciclopedico ou le désir vraiment utopique de tout montrer à travers le regard de plus de 150 artistes, du Livre rouge de Jung, en passant par les barres de bronze Appolo's Ecstasy de Walter De Maria jusqu'à la maquette du Palais encyclopédique du Monde ou musée imaginé en 1955 par Marino Auriti qui aurait dû accueillir tous les savoirs de l'humanité, de la roue au satellite.
À retenir : la 56e Biennale de l'art se déroulera du 9 mai au 22 novembre 2015, direction artistique d'Okwui Enwezor.
Vue de l'exposition Il Palazzo Enciclopedico, Arsenale, 55e Biennale de l'art, Venise, 2013 © Photographie Antoine Prodhomme, journées presse Biennale mai 2013.
Exposition Il Palazzo Enciclopedico, site de l'Arsenale. Vidéo Camillo's Idea d'Aurélien Froment. 55e Biennale de l'art, Venise, 2013 © Photographie Antoine Prodhomme, journées presse Biennale, mai 2013
Quelques pistes ?
L'art brut très présent cette année (Enrico Baj, Guo Fengyi ou Augustin Lesage), la performance dansée de Tino Sehgal (Lion d'or du meilleur artiste) sur laquelle je ne me suis pas attardé, la vidéo de Camille Henrot (Lion d'argent de l'artiste le plus prometteur) Grosse Fatigue succession endiablée de captures d'écrans d'ordinateurs, c'est beau, bien fait, agréable à l'œil, musique tendance mais ma préférence est allée vers la vidéo d'Aurélien Froment Camillo's Idea (de 26 minutes) autour de la mnémotechnie, plus intéressante, un histoire menée avec justesse et filmée dans le Teaotro Olimpico d'Andrea Palladio à Vicence. Les arbres dessinés de Patrick Van Caeckenbergh, les grandes toiles des mers démontées de Thierry De Cordier, l'immense sculpture Belinda de Roberto Cuoghi, voici quelques moments à retenir.
Pavillon de l'Angola, Luanda, Encyclopedic city d'Edson Chagas. 55e Biennale de l'art, Venise, 2013 © Photographies Gilles Kraemer, journées presse Biennale mai 2013.
L'Angola, Lion d'or de la meilleure participation nationale lors de la 55e Biennale de l'art de Venise.
Première venue nationale pour les Bahamas, le Bahreïn, la Côte d'Ivoire, le Kosovo, le Koweit, les Maladives, le Paraguay, le Tuvalu, le Saint-Siège et l'Angola lors de cette 55e biennale de l'art de Venise.
Coup d'éclat pour l'Angola. Le Lion d'or de la meilleure participation nationale fut décerné à son Pavillon - installé au premier étage du palazzo Cini a San Vio - pour Luanda, Encyclopedic city, installation dans 5 salles de 23 palettes de bois sur lesquelles sont posées des photographies d'Edson Chagas d'objets abandonnés devant les murs délabrés de Luanda, confrontées aux tableaux des écoles de Ferrare et de Toscane du XIII au XVIe siècle de la collection Cini.
Pour Stefano Raboli Pansera (co-commissaire avec Paula Nascimento) que nous avons rencontré « l'idée d'édifier un Palais Encyclopédique, thème de la Biennale, est une utopie, une totale contradiction. Est-il vraiment possible de bâtir tel monument ? Nous avons préféré laisser le visiteur libre en visitant le Pavillon de l'Angola. A lui de créer, lui même, sa propre encyclopédie que nous avons voulu urbaine en choisissant certaines des photographies ou toutes. A lui de constituer ainsi son catalogue idéal ».
Pavillon de la Belgique, Kreupelhout-Cripplewood de Berlinde De Bruyckere. 55e Biennale de l'art, Venise, 2013 © Photographie Antoine Prodhomme, journées presse Biennale mai 2013.
Les Giardini et l'Arsenale accueillent les Pavillons nationaux.
Un pavillon à oublier : seulement une minute, juste le temps de le traverser dans le noir, en se demandant pourquoi le choix pour l'Autriche du dessin animé de Mathias Poledna.
Par contre, beaucoup d'attention pour les bouleversantes vidéos d'Anri Sala (pavillon de la France) autour du Concerto en ré majeur pour la main gauche de Ravel : Ravel Ravel Unravel, titre construit sur les verbes anglais to ravel « emmêler » et to unravel> « démêler », entre lesquels s'insère l’homographe to ravel, référence au compositeur. Cette vidéo occupait la salle centrale sans écho ou anéchoïque avec Ravel Ravel deux films sur la main gauche de deux pianistes interprétant chacun sa version, alors que dans les pièces latérales, les vidéos Unravel figuraient la Dj Chloé Thévenin mixant les deux versions.
« La venue dans la cour des lions du Saint-Siège , l'un des dix nouveaux États admis », comme le note Paolo Baratta, président de la Biennale, impressionnait avec ses vidéos In principe (e poi) installations interactives du studio Azzuro autour de La Genèse mais moins avec les photographies de Josef Koudelka et les tableaux de Lawrence Carroll.
Coup de cœur pour le Pavillon des Bahamas dans l'enceinte de l'Arsenale pour Polar Eclipse de Tavares Strachan (que nous retrouverons quatre mois plus tard lors de sa participation à la Biennale de Lyon) dans une réflexion autour d'une expédition polaire de 1909.
Gros coup de cœur pour les treize vidéos Resistance d'Ali Kazma sur le corps filmé, disséqué, bodybuildé, tatoué, opéré ou soumis au bondage, sur la calligraphie (Turquie) et celle déstabilisante de Mohammed Kazem provoquant le mal de mer Walking on water (Émirats Arabes Unis).
Pour oublier la séduction (ou la corruption ?) suggérée par la pluie de pièces d'or tombant du plafond et que seules les femmes pouvaient ramasser, ré-interprétation du mythe de Danaë par Vadim Zakharov, pendant qu'un homme sur une poutre mangeait des cacahuètes (?) (Russie), il fallait s'embarquer sur le bateau de la magicienne Joana Vasconcelos Trafaria praia, transformé en une grotte bleutée (Portugal) ou se laisser happer par l'inquiétante et glaçante Kreupelhout -Cripplewood de Berlinde De Bruyckere plongée dans une obscurité laiteuse, un énorme arbre abattu et blessé tel un corps humain (Belgique) ou s'engloutir avec Venezia, Venezia, installation d'Alfredo Jaar, une maquette des Pavillons des Giardini émergeant et disparaissant d'un bassin d'eau sombre (Chili).
Oubliez vite les amoncellements d'objets, de petits papiers, des centaines de petits papiers, vraiment sans aucun intérêt de Sarah Sze représentant les États-Unis ; ce pays manque de punch depuis plusieurs années, aussi bien pour la biennale de l'art que la biennale de l'architecture.
Il fallait plutôt porter toute son attention à The workshop de Gilad Ratman, quatre vidéos sur un tunnel imaginaire existant entre Israël et les Giardini emprunté par des spéléologues et un loufoque atelier de sculptures en terre (Israël).
En ville, The garden of Delights de Mladen Miljanović, une vidéo et des installations de plaques mortuaires de granit noir gravées, réinterprétait la toile éponyme de Jérôme Bosch (Bosnie-Herzégovine, palazzo Malipiero).
Pavillon de la Bosnie-Herzégovine, The garden of Delights de Mladen Miljanović. 55e Biennale de l'art, Venise, 2013 © Photographie Gilles Kraemer, journées presse Biennale mai 2013.
Fondation Emilio et Annabianca Vedova, vue de l'exposition de sculptures de Roy Lichtenstein. 55e Biennale de l'art, Venise, 2013 © Photographie Antoine Prodhomme, journées presse Biennale, mai 2013.
Isola di San Giorgio Maggiore. Breath et autres oeuvres de Marc Quinn. 55e Biennale de l'art, Venise, 2013 © Photographies Antoine Prodhomme, journées presse Biennale mai 2013.
Chiesa di San'Antonin, vue de l'exposition Ai Weiwei S.A.C.R.E.D. 55e Biennale de l'art, Venise, 2013 © Photographies Antoine Prodhomme, journées presse Biennale, mai 2013.
A quelques mètres du palazzo Malipiero, le palazzo Grassi était entièrement moquetté par Rudolf Stingel. Vraiment bluffant et percutant ! http://www.lecurieuxdesarts.fr/2013/12/venise-palazzo-grassi-rudolf-stingel.html). Car oui, la Biennale, ce sont aussi d'autres événements et des expositions dans toute la ville. Sculptures de Roy Lichtenstein à la fondation Vedova exposées face à leurs dessins préparatoires, toiles de Tàpies et de sa collection privée au palazzo Fortuny tout juste restauré ou les Premiers papiers découpés de Robert Motherwell à la fondation Guggenheim. Le choix était grand.
Devant l'église San Giorgio Maggiore, la sculpture gonflable de Marc Quinn Breath signalait la présence de ce britannique à la fondation Giorgio Cini avec des sculptures en marbre de mutilés et mutilées et la kitchissime et immense toile The way of all flesh, une femme nue, enceinte, couchée sur un lit de viande, si allusive à Olympia de Manet et à la Vénus d'Urbino du Titien confrontées au palais ducal à la même époque.
Présent par la structure désordonnée et labyrinthique des 886 tabourets de Bang dans le Pavillon de l'Allemagne aux Giardini, An Weiwei était beaucoup plus fort avec S.A.C.R.E.D. (S upper, A ccusers, C leansing, R itual, E ntropy et D oubt). Six grands cubes de fer à l'intérieur desquels l'artiste s'est représenté à l'échelle un demi, diorama de sa détention carcérale de 2011, se douchant, aux toilettes, déjeunant, dormant, interrogé, se promenant, toujours accompagné de ses deux gardiens. Cet ensemble était présenté dans la magnifique église Sant'Antonin réouverte après de trop nombreuses années de fermeture.
Vue de l'exposition Wunderkammer. Cabinet des merveilles contemporaines. 55e Biennale de l'art, Venise, 2013 © Photographie Antoine Prodhomme, journées presse Biennale mai 2013.
Coup de cœur pour l'exposition trop confidentielle Wunderkammer ou comment les œuvres de Wim Delvoye, de Jan Fabre ou de Jean-Luc Moerman, les photographies de Dethier & Droeshaut participaient à un Cabinet de curiosité contemporain reconstitué dans trois salles du palazzo Windmann, un palais de la Belle au bois dormant dans le quartier du Canareggio.
Espace Louis Vuitton. Vidéo-installation Strawberry-Ecstasy-Green de Tony Oursler. 55e Biennale de l'art, Venise, 2013 © Photographie Antoine Prodhomme, journées presse Biennale, mai 2013.
Where should Othello go ? dans le magnifique Espace Louis Vuitton, inauguré pendant les journées presse de la Biennale, confrontait la nouvelle installation visuelle et sonore, création in situ de Tony Oursler Strawberry-Ecstasy-Green, projections et sculptures en verre de Murano, à la grandiloquente toile de Pompeo Molmenti La morte di Otello (1866) dont Louis Vuitton a pris en charge la restauration. Tony Oursler réactive la symbolique des couleurs associée à la tragédie de Shakespeare avec le rouge de l'amour, le vert de la jalousie et le noir de l'âme du Maure. Cet artiste était également présent à Murano, au Berengo Studio, avec False Color Action dans le cadre de Glasstress White Light / White Heat
Berengo Studio, Murano, Dining stories chandelier de Kiki van Eijk and Joost van Bleiswijk. 140x 140x280 cm. 55e Biennale de l'art, Venise, 2013 © Photographie Gilles Kraemer, journées presse Biennale, mai 2013.
Palazzo Cavalli-Franchetti, Column, Series Future Archeology, de Recycle Group. 116x30x30 cm, 76x30x30 cm, 96x30x30 cm. 55e Biennale de l'art, Venise, 2013 © Photographie Gilles Kraemer, journées presse Biennale, mai 2013.
Venise c'est naturellement le travail du verre.
Rendez-vous à Glasstress White Light / White Heat avec 66 artistes. Au Berengo Studio à Murano pour l'immense lustre blanc Dining stories chandelier de Kiki & Joost et Seductive Evolution of Animated Illumination de Shih Chieh Huang, Karim Rashid pour Glaskape , Lucy et Jorge Orta pour Amazonia : Tree of Life>.
Et dans le somptueux palais vénitien Cavalli Franchetti pour Column de Recycle Group, le lustre Babylon de Joana Vasconcelos, le portique d'aéroport Full Body Scan, Next ! de Guo-Qiang Cai ou Cross with snake, II de Jan Fabre.
Accrochage revisité et percutant en 15 salles à la Ca'Pesaro / musée d'art moderne - y admirer Salomé de Klimt. Dans un regard passéiste Quand les attitudes deviennent forme, à la Fondation Prada / Ca'Corner, reconstituait l'exposition de 1969 à la Kunsthalle de Berne. Pourquoi pas ?
Gilles Kraemer & Antoine Prodhomme (déplacement et séjour à titre personnel)