À Angoulême, le Trésor caché de Jean-Michel Othoniel !
Gilles Kraemer (envoyé à Angoulême)
Salle du Merveilleux, vitrail. Jean-Michel Othoniel, Le Trésor caché de la cathédrale d’Angoulême © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Angoulême, 2022.
Angoulême n’est pas seulement la cité mondiale de la bande dessinée, du musée de la BD installé dans les chaix Magelis, du Festival de la BD en janvier, un art reconnu de tous et encore plus de l’Académie des beaux-arts depuis que Catherine Meurisse a rejoint la Coupole en janvier 2019. Un Trésor contemporain y est caché ! http://www.lecurieuxdesarts.fr/2020/01/la-bd-s-installe-a-l-academie-des-beaux-arts-entretien-avec-catherine-meurisse.html
Buste de Raoul Verlet (Angoulême 1857-1923 Cannes), cour centrale de l’Hôtel de ville, autrefois château et résidence comtale. Seuls le donjon polygonal et la tour ronde ronde du XVe ont été conservé par Paul Abadie fils © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Angoulême, 2022.
À deux heures de train de Paris, aller-retour possible dans la journée, découvrez le Trésor que Jean-Michel Othoniel (1964) a caché en plein cœur de la ville dite haute, dans la cathédrale Saint-Pierre. Jean-Michel Othoniel, comme Catherine, membre de l’Institut comme le fut le sculpteur Raoul Verlet (Angoulême 1857-1923 Cannes), dont le buste se découvre dans la cour de l’Hôtel de ville construit par Paul Abadie fils entre 1858-1868, caractérisé par son beffroi plus haut que les tours de la cathédrale ! L'Empire avait un œil sur la religion
Visite presque confidentielle de ce lieu enchanteur, puisque l’on ne peut pas être plus d’une dizaine pour découvrir, sur réservation, cet endroit merveilleux et en ressortir interpellé, stupéfait, séduit par cette démarche artistique si pertinente dans cette cathédrale à la forte histoire. Bâtiment avec sa fantastique façade du Moyen-Âge sculptée sur toute sa hauteur racontant l’Évangélisation, le Christ triomphant et le Jugement dernier, telles des images de BD pour l’édification et l’instruction des chrétiens. Bâtiment dans l’histoire du patrimoine puisque Paul Abadie fils (1812-1884) restaure cet édifice entre 1862 et 1875, lui rendant toute sa simplicité et sa pureté romane.
Cathédrale Saint-Pierre d’Angoulême © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Angoulême, 2022
Commande publique de la DRAC Nouvelle-Aquitaine avec la participation de la Commission diocésaine d’art sacré et de Monseigneur Claude Dagens, évêque d'Angoulême, membre de l’Académie française, cette réalisation a demandé à Othoniel huit années, entre 2008 et 2016, pour y insuffler, comme il le souligne "cet émerveillement que pouvait procurer les trésors et les reliques à l’époque de la construction des cathédrales, mon Trésor aujourd’hui est destiné lui aussi à faire rêver...".
Dans une continuation des maîtres architectes de cet édifice religieux, Jean-Michel place son œuvre d’art total, dans l’aile sud du transept en partie détruite en 1568 par les canons de l’amiral de Coligny et qu’Abadie n’avait pu restaurer. Un mur ayant remplacé le vitrail explosé pendant les Guerres de religions, Jean-Michel a recréé le vitrail monumental de la salle du Merveilleux, un chef-d’œuvre composé de 10 000 pièces de verre, en neuf nuances de bleu, la couleur de la Vierge, dont le bleu de céramique dit d’Angoulême, ensemble dans lequel sont insérées des cives circulaires à cabochon avec inclusions de mica ou de feuilles d’or réalisées par le verrier Matteo Gonet.
Derrière sa grille, l'on aperçoit la Salle Lapidaire de la chapelle Saint Thibaut avec la Vierge à l'enfant. Jean-Michel Othoniel, Le Trésor caché de la cathédrale d’Angoulême © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Angoulême, 2022.
Franchies les immenses portes de chêne du XVIIIe siècle, traversée la chapelle avec ses tableaux des évêques d’Angoulême, le parcours commence. Othoniel l’a souhaité dans une scansion de trois stations, en une élévation de nos sentiments, du rez-de-chaussée au premier étage pour une progression spirituelle et un détachement du temps. Trois instants pour réenchanter le monde, commençant par le Lapidaire de la petite chapelle Saint-Thibaud et la Vierge à l’Enfant de Jean Degoulon (1679). Posée sur un socle en perles de verre d’argent de Murano du maître verrier Salviati, cette Vierge de douleurs, puisque la mère du Sauveur détournant son visage de son fils dans le pressentiment de ce qu’il adviendra de lui, se détache sur un rideau de velours bleu brodé de sequins en papier dorés.
Salle de l'Engagement. Ciboire en tôle ayant appartenu au prêtre réfractaire Barthélémy Codaute, de la région de Feuillade en Charente. Jean-Michel Othoniel, Le Trésor caché de la cathédrale d’Angoulême © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Angoulême, 2022.
Salle de l'Engagement. Jean-Michel Othoniel, Le Trésor caché de la cathédrale d’Angoulême © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Angoulême, 2022.
Jean-Michel Othoniel, Le Trésor caché de la cathédrale d’Angoulême © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Angoulême, 2022.
Empruntant un étroit escalier hélicoïdal, arrivée dans la chapelle haute, aux vitraux réalisés dans les ateliers Loire, la Salle de l’Engagement, du double engagement puisque dans une vitrine est posée une valise utilisée par l’abbé Malsacré, prisonnier de guerre, pour célébrer la messe dans les camps pendant la seconde Guerre mondiale et dans une autre le ciboire de Barthélémy Codaute, prêtre réfractaire de la Révolution française. Un objet simple, humble, d’une haute valeur spirituelle qu’Othoniel a souhaité exposer seul, dans un éclairage de trois faisceaux. Dans d’autres vitrines aux montants de perles noires, des objets et des vêtements liturgiques.
Salle du Merveilleux, Jean-Michel Othoniel, Le Trésor caché de la cathédrale d’Angoulême © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Angoulême, 2022.
Salle du Merveilleux, Jean-Michel Othoniel, Le Trésor caché de la cathédrale d’Angoulême © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Angoulême, 2022.
Reliquaire de saint Pierre Aumaître, 2016 (détail). Aluminium doré à la feuille. Dans un rappel de la mission de ce martyr mort en Corée en 1866, ce coussin de broderie coréenne dite du passé empiétant ou peinture à l’aiguille a été commandé à un atelier de Séoul. Aux quatre coins, la chauve-souris, symbole du bonheur. La passementerie des fils est brodée de papillons, symbolisant le mariage chez les Coréens et la Résurrection chez les catholiques. Jean-Michel Othoniel. Le Trésor caché de la cathédrale d’Angoulême © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Angoulême, 2022.
Trois marches et le ho ! d’émerveillement et de stupéfaction avec la découverte de la Salle du Merveilleux. Le bleu et l’or pour les montants en perles de verre des vitrines aux chandeliers, navettes, bijoux de la Vierge et encensoirs, les bleus des vitraux. L’Or, symbolique de l’illumination se répand sur les dominos de papier peint gaufré posés sur les murs – 400 – au motif de chapelets infini, motif que l’on retrouve sur le carrelage composé de grandes dalles de ciment, cette fois-ci rouge foncé. Table des reliquaires dont celui de Pierre Aumaître (1837-1866), canonisé en 1984, abritant le fémur du saint prêtre évangélisateur, décapité en Corée.
Une œuvre immersive et poétique, dans le ré-enchantement du monde.
Salle du Merveilleux. Jean-Michel Othoniel, Le Trésor caché de la cathédrale d’Angoulême © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Angoulême, 2022
Le Trésor de la cathédrale d’Angoulême -Jean-Michel Othoniel
Plaquette remise à la fin de la visite.
Remerciements à Charentes Tourisme pour son accueil et l’organisation de cette visite et de celle de la ville.
L'Hôtel de France © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Angoulême, 2022
Si vous souhaitez rester une nuit dans l’angoumoise cité de 40 000 habitants, où séjourna Jean Calvin en 1534, berceau de la famille de François Ravaillac - un bar porte son nom -, dont l’importante activité papetière inspira à Honoré de Balzac, qui y vint par trois fois, la première partie de Illusions perdues (1837), quoi de mieux que l’Hôtel de France – aujourd’hui Mercure - où naquit en 1597 Jean-Louis Guez de Balzac, réformateur de la prose française, surnommé «le grand épistolier », élu membre de l’Académie française en 1634.
Vous y prendrez votre petit déjeuner, sous l’immense reproduction du tableau de Jean Clouet, La dame au perroquet vert ou Marguerite de Navarre, née d’Angoulême, sœur de François 1e., peinture visible à la Walker Art Gallery à Liverpool.
De Popeye à Persépolis. Bande dessinée et cinéma d'animation. Cité internationale de la bande dessinée et de l'image © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Angoulême, 2022.
Et partirez à la découverte des murs peints, de La fille des remparts de Max Cabanes au Cosmos d’Uderzo selon François Boucq, de Mémoires du XXe ciel de Yslaire à Kirikou de Michel Ocelot.
Arrêt au Musée de la ville, où vous y découvrirez deux fémurs de dinosaures trouvés - non par Idéfix - sur le site de fouilles paléontologiques d’Angeac-Charente. Jusqu’à la fin de l’année, exposition Tarz. Broder au Maroc hier et aujourd’hui, le musée d'Angoulême mettant, pour la première fois, à l'honneur sa riche collection de broderies marocaines. Des créations originales imaginées par l'artiste Fatima Lévèque et réalisées à ses côtés par deux ateliers marocains, font de cette exposition un dialogue fécond entre collection patrimoniale et création contemporaine. Cette exposition bénéficie du label Exposition d'intérêt national décerné par le ministère de la Culture. Catalogue sous la direction d’Émilie Salaberry-Duhoux, Fatima Lévèque et Rémi Labrusse, des trois co-commissaires. Jusqu’au 31 décembre 2022.