Gilles Kraemer.
Né le 20 juillet 1930 à Saint-Étienne (comme Jean-Michel Othoniel, élu à l'Académie en 2018), Jean Cardot est décédé dans la nuit du 12 au 13 octobre 2020. Il était membre de la section de sculpture de l’Académie des beaux-arts, élu le 9 novembre 1983 au fauteuil n°I, celui de Paul Belmondo.
Président de cette Académie en 1992 et en 1997, Jean Cardot a dirigé pendant de longues années la Villa les Pinsons à Chars, propriété de l’Académie accueillant des artistes en résidence.
Parcours classique, commencé très très jeune (1). De 1941 à 1956, Jean Cardot fréquente successivement l’École des Beaux-Arts de sa ville natale puis celle de Lyon, et enfin l’École nationale supérieure des Beaux-Arts à Paris dans les ateliers de Marcel Gaumont et de Alfred Janniot. Puis parcours des honneurs puisqu’après l’obtention d’un Premier second Grand Prix de Rome en 1956, il séjourne à la Casa de Velázquez à Madrid de 1957 à 1959.
Jean Cardot © Académie des beaux-arts
Dès 1961, année où il obtient le Prix Antoine Bourdelle et le Prix Brantôme de Sculpture, il entre comme professeur, chef d'atelier à l’École des Beaux-Arts de Lyon. Il renonce à ce poste en 1964 - non par manque d'intérêt pour l'enseignement, qu'il allait reprendre plus tard - mais pour retrouver sa complète indépendance, avec le désir d'acquérir d'abord une expérience professionnelle sur le terrain. C'est une période féconde en recherches personnelles, durant laquelle il reçoit ses premières commandes publiques. Il réalise en 1967 Taureau mourant pour un lycée de Saint-Étienne, en 1969 Sculpture fontaine pour le CHU de cette même ville, en 1973-1975 le Monument à la Résistance et à la Déportation du Val de Marne érigé à Créteil. De cette époque datent aussi des œuvres de petites dimensions, intimistes, comme L'envol (1961) ou Le Centaure (1970).
En 1989, il obtient le Prix Paul Baudry de la Fondation Taylor.
En 1974, il est nommé chef d’atelier de sculpture en taille directe, à l’École nationale supérieure des Beaux-Arts à Paris, où il enseignera jusqu'en 1995.
Jean Cardot, Winston Churchill © DR
Il pratique les effigies monumentales de grands personnages du XXe siècle : La Grande-Duchesse Charlotte de Luxembourg (1989-1990, Luxembourg), Pierre de Coubertin (1993, siège du Comité Olympique national à Paris). Trois autres sculptures sont particulièrement connues à Paris, celles de Winston Churchill (1996-1998) à droite du Petit Palais, de Charles de Gaulle (1999-2000) devant le Grand Palais, côté Champs-Élysées, très inspirée des photographies prises lors de sa descente de l’avenue à la Libération, le 26 août 1944 et Thomas Jefferson (2006) à côté du musée d’Orsay.
En 2008, il réalise la Flamme de la liberté, sculpture en bronze symbolisant l’amitié franco-américaine. Cette œuvre est installée dans les jardins de la résidence de l’ambassadeur des États-Unis à Paris.
En décembre 2013, il prononce le discours pour l’installation d’Ousmane Sow, élu membre associé étranger de l’Académie des beaux-arts : Un beau matin, sur le pont des Arts, nous avons vu surgir, d’étranges sculptures, un peu dérangeantes, venues d’ailleurs. Des sculptures qui ne ressemblent à aucunes autres. Des sculptures qui ne ressemblent qu’à vous, Cher Ousmane SOW […] Edifier des monuments aux grands Hommes. Accepter les contraintes de la commande en ayant le courage d’être soi-même. Accepter la fonction sociale du métier de sculpteur. Prendre le risque d’être aussi, « artistiquement incorrect ». Nous n’y étions préparés, ni l’un ni l’autre, le succès et la notoriété apportent ces commandes qui sont aussi l’occasion d’un engagement. [...] Vous étiez naguère sur le pont des Arts Il suffisait de passer le pont ! et vous voici parmi nous sous la coupole, où nous sommes heureux de vous accueillir.
L’épée de Jean Cardot © Académie des beaux-arts. Le taureau, expression à la fois de la force, de la fougue et de la faiblesse.
(1) discours prononcé par Louis Leygue, le mercredi 27 mars 1985 pour la réception de Jean Cardot.
Nous voici arrivés au temps de la guerre de 1939 à 1945. Un bombardement amène à fermer momentanément le lycée et les élèves sont forcément dispersés ailleurs. Sans hésitation, vous demandez à être dirigé sur l'École des Beaux-Arts car, il faut le dire, vous y suiviez déjà les cours du jeudi. Dans cette triste époque, les choses finalement s'arrangeaient assez bien pour vous: vous aimez la sculpture, vous pouvez en faire autant que vous le voulez, vous adorez le dessin, c'est l'endroit idéal pour étudier au fusain, au crayon, à la sanguine peut-être même. Quand les travaux de réfection du lycée sont terminés, vous refusez carrément de retourner sur les bancs ou dans les amphithéâtres de l'enseignement secondaire. C'est un refus catégorique. Une telle décision, qui aurait pu être considérée comme catastrophique est somme toute assez bien accueillie, parce qu'à l'École des Beaux-Arts vous étiez apparu comme un sujet brillant. Vous étiez le meilleur dans toutes les matières. La situation vous plaît tellement qu'à quatorze ans vous demandez à travailler pendant les vacances, chez un marbrier, qui vous rétribue, de surcroît. Ainsi vous êtes resté trois ans à l'École des Beaux-Arts de Saint-Étienne.