Bernard Moninot. Capturer le vent et ... dessiner l'espace
© Photographies Le Curieux des arts Antoine Prodhomme, 2014
Certains arpentent l'espace à grandes enjambées. Bernard Moninot, lui, le dessine, mieux, le capture. Au regard de sa démarche, des questionnements surgissent : l’ombre, la lumière, l’espace, le vent, la transparence peuvent-ils se représenter, entrer dans le cadre de la feuille ? Comment ne pas penser, en regardant le travail arachnéen de cet artiste, à Marcel Duchamp et à son Grand Verre, à cette œuvre dans et hors l’espace à laquelle il se réfère ?
Chaque année, le Cabinet des dessins Jean Bonna de l'École des Beaux-Arts propose à l'un de ses enseignants de montrer son travail. Après Philippe Cognée en juillet 2013, c'est Bernard Moninot (née en 1949), enseignant dans cette école depuis 2006, après qu'il y fut étudiant en 1967, apprenant la gravure auprès de Lucien Coutaud. Artiste oublié et passé de mode, dommage... Je retrouve dans le travail de Moninot certaines correspondances avec les eaux-fortes de Coutaud qui bâtissait ses personnages d'une résille de trait, les positionnant comme en lévitation dans l'espace, l'espace que Moninot ne cesse d'interroger et de tutoyer à travers ses dessins et ses installations de métal, verre et miroir, dans un dialogue perpétuel d'aller et retour.
Pour nous accueillir La Mémoire du vent (vent panoptique), 2011, recueillie dans les jardins de la Saline royale d'Arc et Senans. J'avais vu ses précédentes interventions, en mai 2012 au LAAC à Dunkerque et en juin 2012 au musée Jean Cocteau de Menton lorsqu'il captura les soubresauts du vent du Nord dans les dunes de Zuydcoote et celui de la Méditerranée dans le jardin Serre de la Madone. Capturer le vent ? Rien de plus facile : une fine aiguille de verre collée à l’extrémité d’une herbe oscillante sous le vent grave en quelques secondes un dessin sur un support enduit de noir de fumée. Commencée en 1999, cette collecte des vents ou Éolethèque, Jean-Christophe Bailly la dénomme « tracé anémone ». L’anémone n'est-elle pas considérée comme la fleur du vent ?
© Photographies Le Curieux des arts Antoine Prodhomme, 2014
Moninot présente ces derniers travaux. Perpetuum mobile, son atelier de dessin à l'École, qu'il quitte définitivement ce printemps 2014, parsemé de flèches rouge telles des corps célestes - couleur chaude pour le peintre mais froide pour l'astrophysicien -, la série de Terminal, fragiles dessins au lavis acrylique sur deux écrans de soie superposés, représentant les zones d'embarquement des aéroports, « ce lieu intermédiaire entre départ et arrivée, cet espace fictif », ces constructions abstraites dans lesquels se lie l'influence d'El Lissitzky, Antichambre, retranscription colorée sur soie de la sculpture éponyme que l'on retrouvera aussi dans Silent-Listen jouant de la transparence et de l'ombre, de la lumière et du mouvement dans la mise sur papier de la transparence.
Bernard Moninot ou le capteur de l’insaisissable.
Gilles Kraemer & Antoine Prodhomme
Bernard Moninot. Dessin(s)
16 mai-23 juillet 2014
École nationale supérieur des Beaux-Arts. Cabinet des dessins Jean Bonna - 75006 Paris
Comme toujours, excellent catalogue accompagnant les expositions du Cabinet des dessins Jean Bonna. Texte de Jean-Luc Nancy. 112 pages, 100 photographies. Éditions Beaux-Arts de Paris – Carnets d'études. Prix 25 euros.
Complétez cette exposition par la lecture de la très belle monographie sur Bernard Moninot aux éditions André Dimanche, Dessins dans l'espace, lumineux texte de Jean-Christophe Bailly, 2012. www.bernardmoninot.com
Prochaine exposition du Cabinet des dessins Jean Bonna : L'âge d'or du paysage hollandais. Octobre 2014- janvier 2015.