Dans les rets tressés de François Rouan. Amiens
Exposition François Rouan. Maison de la culture, Amiens, 2014 © Photographie Gilles Kraemer, présentation presse 21 janvier 2014. Remerciements à François Rouan
Légère appréhension en me rendant à la maison de la culture d'Amiens exposant des œuvres de François Rouan. Qu'en serait-il ? Comment ses dernières créations allaient-elles investir ce lieu ? Magie d'un accrochage réussi, Trotteuses (2011-2013) ses peintures sur toiles tressées et Diaphane (2013) sa série de photographies adoptent le foyer à la courbe harmonieuse tandis que les échanges nourris et ininterrompus avec le poète Bernard Noël (Ce jardin d'encre et Ce chemin d'encre) accompagnés des images silencieuses de Rouan - « seule la mort interrompra notre dialogue » - habitent la confidentialité d'une salle.
Se douterait-on qu'un de ses maîtres est Poussin, dont il perçoit « une brûlante présence, dans cette peinture si classique, comme s'il y avait un feu courant sous l'apparence glacé de ce peintre », en regardant le mariage « miraculeux » des tressages de la quinzaine des toiles présentées ici, tout juste sorties de son atelier de Laversine. Que sont ses tableaux qu'il conçoit au sol, dans une démarche « pollockienne », sinon « une surface avec quelques pigments et de l'huile », composée de tableaux peints qu'il découpe en fines lanières puis qu'il tresse ? Toute la surface de ses toiles trésaille dans ce dialogue entre ces morceaux de tissus assemblés, où aucun détail n'est inutile, dans la sédimentation de tous ces lambeaux peints, déchirés puis recomposés.
Travail sans cesse recommencé, jusqu'à ce que le tableau soit prêt pour une rencontre et la captation immédiate de notre attention. « Le tableau doit faire trébucher le regard », interpeller notre sensibilité. Chacune des peintures de François Rouan est une composition issue des rencontres entre différentes toiles qu'il dépèce, tel Apollon écorchant le satyre Marsyas qui avait osé le défier, dans ce tressage en continuelle évolution. Il se méfie de l'évidence du premier tracé, porté par l'importance obsessionnelle du détail, de tous ces détails mis dans des relations colorées jusqu'à la constitution du tableau.
François Rouan devant Trotteuses IX, 2011-2013, peinture à l'huile sur toiles tressées, 170 x 148 cm. Maison de la culture, Amiens, 2014 © Photographie Gilles Kraemer, présentation presse 21 janvier 2014. Remerciements à François Rouan
Paradoxe d'un artiste se revendiquant abstrait, ne souhaitant pas la narration et raconter des histoires peintes, il présente des photographies autour d'une ré-interprétation très réaliste de L'origine du monde, masquée sous le vocable fort pudique de Diaphane. Dans une volonté de cacher cette image, il intervient graphiquement en rehaussant le tirage argentique sur film transparent de peinture à la cire, d'une façon très parcellaire. Masquer mais sans jeter un voile pudibond sur les charmes de la belle, le contraire d'un André Masson soustrayant aux regards indiscrets le tableau de Courbet. Ce travail autour du corps se retrouve dans son film : Trotteuses accompagné d'un texte à plusieurs voix, à forte connotation érotique. Que se passe t-il entre un peintre et ses modèles féminins, que peuvent-ils se dire ? Des interrogations subtilement mises en images avec des fragments de peintures, des détails de corps, des paysages.
Work in progress....
Exposition François Rouan. Maison de la culture, Amiens, 2014 © Photographie Gilles Kraemer, présentation presse 21 janvier 2014. Remerciements à François Rouan
François Rouan. Les Trotteuses / Un autoportrait en trois couleurs
François Rouan et Bernard Noël / Du Jardin d'encre au Chemin d'encre
Maison de la Culture d'Amiens / Centre de création et de production
21 janvier - 27 avril 2014
mardi à vendredi de 13h à 19h ; samedi et dimanche de 14h à 19h ; en continu les soirs de spectacles
entrée libre
téléphone 03 22 97 79 79
Internet maisondelaculture-amiens.com
Le film Trotteuses est visible sur : http://francoisrouan.net/
Ouvrage accompagnant cette exposition : François Rouan, TROTTEUSES Notes d'atelier. 80 pages, 40 illustrations. Co-édition Cadastre8zéro et Trois Cailloux / Maison de la Culture d'Amiens.