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Publié par Gilles Kraemer & Antoine Prodhomme pour les photographies

Gilles Kraemer (déplacement et séjour personnel à Collioure)

Antoine Prodhomme pour les photographies

 

Hans Purrmann (Spire 1880 – 1966 Bâle), Vue sur Collioure, 1911. Huile sur toile. 50 x 61 cm.. Collection privée © Le Curieux des arts, Gilles Kraemer, 2022.

Entre 1905 - Henri Matisse arrive le 16 mai 1905 - et 1945, Collioure, tel un aimant, ne cessa d’attirer des artistes européens, jusqu’à devenir une Babel des arts comme le souligne dans la préface du catalogue Claire Muchir, directrice du musée d’art moderne de Collioure, ancienne directrice du musée d’art Hyacinthe Rigaud à Perpignan, chargée de concevoir le projet d’extension-rénovation de l’actuel musée de Collioure devant voir le jour en 2026, un projet de 4 millions d'euros.

Collioure et ses montagnes allant mourir avec force dans la mer, ses maisons resserrées et construites en hauteur, son église Notre Dame des Anges plongeant dans le port avec son phare devenu clocher. Ce clocher si symbolique et emblématique, Valentine Prax, l’épouse d’Ossip Zadkine, s’y confronte et s’y attaque en le faisant carrément disparaître de Vendanges à Collioure, cueillette du raisin par… des femmes vêtues de noir alors qu’il est bien présent dans Femmes au filet de pêche.

Mela Muter née Mutermilch (Varsovie, 1876 – 1967 Paris), Les soudanais, ca 1919. Huile sur toile, 100 x 100 cm, Paris, musée d'Art Moderne © Le Curieux des arts, Antoine Prodhomme, 2022.

Depuis longtemps, l’on n’y voit plus dans le port les barques d’Henri Matisse ou de Jean Peské, l’on ne croise plus ces femmes de Léopold Survage portant sur leurs têtes un panier, dans ce geste si quotidien de la civilisation méditerranéenne ou ravaudant des filets de pêche sur la plage Saint Vincent, les soldats du 24ème régiment de tirailleurs sénégalais ne sont plus en poste dans ce petit village catalan lové autour de son port devenu plage que Mela Muter représente d’une pâte épaisse, toute en matière, pour donner de la vivacité à leurs vareuses, le regard perdu dans l’absence, la résilience.

Mela Muter née Mutermilch (Varsovie, 1876 – 1967 Paris), Paysage méditerranéen. Huile sur toile. 73 x 92 cm.. Centre national des Arts plastiques, FNAC, dépôt au musée d'Art moderne de Collioure © Le Curieux des arts, Antoine Prodhomme, 2022.

Un lieu dans une violence tellurique des tons, celle de l’austérité du paysage du Roussillon où le vent balaie la lumière, où les artistes se côtoient, fréquentent les mêmes lieux, peignent des sites identiques, partagent un amour identique pour cette petite ville aux portes de l’Espagne, son port, ses vignobles étagés.

Jean Peské, Côte rocheuse. Pastel sur carton. 48 x 62,5 cm.. Musée d'art moderne, don des amis du musée en 2008 © Le Curieux des arts, Antoine Prodhomme, 2022.

Cette exposition d’une soixantaine d’œuvres : sculptures d’André Derain et de Zadkine, dessins et peintures dresse une cartographie de ces artistes Polonais, Suisses, de Grande-Bretagne, Allemands, Russes (Léopold Survage, Ossip Zadkine) et même Japonais (Tsuguharu Foujita), faisant de Collioure une fusion d’artistes de pays différents, une Babel des arts. Des noms connus, mais surtout à découvrir dans cette bourgade fréquentée par Paul Signac dès 1887 et, en 1894 puis 1903 par Jean Peské qui y reviendra fréquemment. D’origine polonaise, il sera l’initiateur et le fondateur du premier musée de Collioure qui ouvre en 1934 au sein de l’Hôtel de Ville grâce aux œuvres offertes par de nombreux artistes avant d’être installé en 1985 dans la villa Pams.

Mela Muter née Mutermilch (Varsovie, 1876 – 1967 Paris), Nature morte aux poissons, vers 1920. Huile sur toile. 75,5 x 85,3 cm.. Paris, Centre Pompidou, musée national d'Art moderne © Le Curieux des arts, Antoine Prodhomme, 2022. 

La peinture de la polonaise Mela Muter, dans le plaisir de la couleur de ses Nature morte aux poissons du port s’oppose à celle de l’allemande Anta Rupflin qui, du même sujet livre une palette empreinte de plus de fraîcheur, différences allant jusqu’à leur opinion politique, Mela préférant le journal satirique Le Merle blanc à Anta figurant une nature morte posée sur le conservateur L’Écho de Paris.

in situ dans l'exposition, les Léopold Survage © Le Curieux des arts, Antoine Prodhomme, 2022.

Edgar Hereford (1886 – 1953), Collines, maisons et jardin, 1925, huile sur toile, 51 x 61 cm.. Collection privée © Le Curieux des arts, Antoine Prodhomme, 2022.

Rudolph Ihlee (1883 – Londres - 1968), L'âne sous l'arbre, 1933 // Petites maisons au faubourg, 1932  //  Route à Collioure, ca 1938 © Le Curieux des arts, Antoine Prodhomme, 2022.

Proche de Matisse, l’allemand Hans Purrmann découvre le pays catalan dès 1911, dans les couleurs de la figure tutélaire du lieu, dans la prégnante Vue de Collioure du haut de la montagne, village que Léopold Survage réduira à des volumes. Le britannique Rudolph Ihlee, qui restera à Collioure pendant 18 ans, arrive dans ce village en 1922 avec son ami Edgar Hereford dont l’on retient Collines, maisons et jardins, peinture figurant en première de couverture du catalogue.  

Virgilio Batlle Vallmajó (Olot 1915 – 1947 Toulouse ), Collioure, 1942. Huile sur toile. 73 x 92,3 cm.. Collection privée  //  Sans titre, 1943. Huile sur toile. 55 x 46 cm.. Collection privée © Le Curieux des arts, Antoine Prodhomme, 2022.

Bienvenu dans l’abstraction, clôturant cette exposition, dans la période des réfugiés fuyant l’Allemagne nazi ou l’Espagne franquiste avec Otto Freundlich et Virgilio Vallmajó arrivé en 1939. Ce dernier noie le clocher iconique dans les couleurs terre des maisons puis aborde l’abstraction. Freundlich qui a trouvé refuge à Saint-Martin de Fenouillet, sera dénoncé puis déporté. Il ne reviendra jamais du camp d’extermination polonais de Majdanek. Par cette optique sombre se termine cette exposition sur cette petite ville qui fut un temps un des lieux de ressourcement de nombreux peintres européens, une véritable (re)découverte.

Collioure, une Babel des arts par ce lieu de rencontres.

Tsuguharu Foujita (Tokyo 1886 – 1968 Zurich), Portrait de Fernande Barrey au perroquet, 1917. Aquarelle, encre et mine graphique sur papier. 36 x 22 cm.. Collection privée © Le Curieux des arts, Antoine Prodhomme, 2022. Fernande épouse Léonard Foujita en 1917. ils divorceront en 1928.  

Un conseil, suivez la visite organisée. Passionnante, très passionnante par l’approche pertinente et le regard sensible sur quelques œuvres retenues.

Collioure, Babel des arts

11 juin – 3 octobre 2022

Musée d’art moderne - Villa Pams - 66190 Collioure

Commissariat Claire Muchir, directrice du musée d’art moderne de Collioure, avec la participation de Sylvie Chetaille

Catalogue. 144 pages. 125 illustrations. Éditions In Fine. Prix 25 €. 

https://museecollioure.com/

Prochaine exposition en 2023 : Brigitte Kühlewind Brennenstuhl (1949).

© Le Curieux des arts, Antoine Prodhomme, été 2022.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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